Jade G. 26/10/2022

J’ai dû apprendre à porter mon afro

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Petite, Jade lissait ses cheveux crépus pour éviter les moqueries. Depuis une réaction au défrisage, elle portait des tresses ou des perruques. Jusqu'à récemment.

En fin de primaire, j’ai eu une réaction au défrisage. Depuis très jeune, mes cheveux sont un combat. Dès qu’ils ont commencé à pousser – j’avais environ 4 ans – j’ai eu une « touffe ». Ma mère attendait juste le bon moment pour les défriser, comme elle le faisait pour ses propres cheveux.

Quand elle l’a fait, pour moi, c’était la libération. Fini les galères avec le peigne qui se casse ou les heures à rester assise à pleurer. Ma mère était contente, on gagnait du temps et, pour moi, ils étaient « normaux ».

J’étais super contente aussi parce que je voyais vraiment la longueur de mes cheveux. Je pouvais faire comme mes copines qui avaient les cheveux naturellement lisses, ou défrisés également. Mais le plaisir n’a été que de courte durée.

Mes cheveux crépus n’étaient pas « normaux »

J’avais des plaques, je perdais mes cheveux. Ma mère n’a pas voulu batailler trop longtemps et a tout rasé. Petit à petit, les remarques ont commencé : « Garçon manqué » « Tu ne peux pas être belle, t’as pas de cheveux ! » J’entendais ces remarques de la part de mes camarades de classe et de mes propres copines parfois.

Ça a duré jusqu’à l’entrée au collège. J’étais exclue des jeux. Je me sentais vraiment mal et j’ai très vite compris qu’il fallait que je les cache ou que je trouve une alternative pour, au moins, ressembler aux autres petites filles noires comme moi.

J’ai supplié ma mère de me faire des tresses. J’en ai donc eu tout le temps. Je ne les quittais pas. C’est comme ça que j’ai entamé le collège. Ils étaient assez longs pour avoir une mini-afro. J’en étais fière. Je voyais le bout du tunnel. Pour moi, c’était la fin des moqueries. Je découvrais mes cheveux, mes vrais cheveux. Sauf que les gens du collège n’étaient pas du même avis.

Il y avait plus de filles avec leurs cheveux naturels, mais seules celles qui avaient des « curly » étaient acceptées. Leurs cheveux étaient jolis, c’était la mode. Les filles avec des cheveux crépus, soit elles s’imposaient et n’avaient pas de remarques, soit elles se taisaient comme moi, et entendaient des comparaisons du type : « Waw ! Végéta ! » Sinon lorsqu’elles portaient leurs cheveux, c’était des chignons plaqués.

On préfère les femmes noires aux cheveux lisses

J’ai compris que mes cheveux ne leur plaisaient pas, mais je ne voulais pas continuer la situation dans laquelle j’étais au primaire. Alors, je me suis adaptée. Au collège, je n’osais toujours pas porter une afro parce que j’entendais déjà les remarques du type : « Wow ! Jackson Five ! », venant des amis pensant faire un compliment, ou : « T’as mis tes doigts dans la prise ? » venant de profs.

En plus, les femmes noires sur les réseaux sociaux et à la télé sont souvent mises en avant avec leur perruque, leurs faux cils, leurs cheveux lisses ou leurs cheveux plaqués. On ne voit que ça : Naomi Campbell, Tyra Banks, Aya Nakamura, Kareen Guiock ou bien Orlia (l’influenceuse). Jamais avec leurs cheveux naturels ou avec des braids [« tresses » en anglais, ndlr].

En seconde, je ne pouvais pas faire comme elles. Je préférais enchaîner les tresses et essayer des couleurs différentes, plutôt que de m’occuper de mes cheveux. Avec le temps, j’ai essayé de nouveaux trucs comme les perruques et j’ai grave aimé. J’avais des nattes et ma perruque longue lisse par-dessus, je changeais de tête et ça m’allait. Je gagnais du temps. C’est encore comme ça que j’ai compris que le cheveu lisse était favorisé ! J’ai entendu : «  Wow ! Ça te va trop bien ! »« Ça change, j’aime trop ! » ; « Ah c’est tes vrais cheveux ? »

Les filles qui s’assument me motivent

J’ai eu un vrai déclic quand j’ai croisé une de mes amies du collège avec ses cheveux naturels. Ils avaient énormément poussé. On ne s’était pas vues depuis le collège. J’étais contente de la revoir. On a parlé des astuces qu’on utilisait, les masques maison qu’on faisait parce qu’on n’avait pas encore l’argent pour acheter les bons produits. Je l’ai trouvé tellement belle que je me suis dis que je voulais faire comme elle : porter mon afro.

J’ai aussi découvert une youtubeuse, Crazy Sally, qui est une des premières femmes noires françaises que j’ai vue avec des cheveux super longs afro. Elle m’a remotivée sur le coup et j’ai fait plus d’un mois avec mes cheveux naturels.

J’ai dû apprendre par moi-même. Ça ne s’est pas fait tout seul comme pour mes copines aux cheveux lisses. Quand je sais que dans le CAP coiffure, on apprend qu’il faut défriser le cheveu crépu avant de s’en occuper, ça montre que ce n’est pas juste moi le problème.

Sortir avec mes cheveux naturels ou sortir sans mèches, sans perruques, c’est encore un peu difficile, parce qu’on attend toujours que je sois bien coiffée. Et, être bien coiffée, c’est n’avoir aucun cheveux qui dépasse, des nouvelles braids, des nattes collées. Pas mes cheveux à l’état naturel.

Jade, 17 ans, lycéenne, Val-d’Oise

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