Je produis des sons dans ma chambre
Mes quelques amis ne m’appellent plus que pour une chose : enregistrer. Ça fait maintenant cinq ans que j’enregistre des rappeurs afin de réaliser et valoriser leurs projets. Ça passe par l’enregistrement des voix, puis le mixage, qui vise à obtenir un équilibre dans le morceau. Sauf que, quand j’enregistre, je suis dans ma chambre. Les clients, je les accueille chez moi, avec ma mère et mon frère, du coup je fais en sorte que personne ne soit mal à l’aise. Il n’y a plus trop de limite entre ma vie pro et perso. À vrai dire, je ne sais plus qui sont mes vrais amis, entre ceux qui veulent me voir pour enregistrer sans payer et les autres.
Je me suis fait tout seul
Les clients, ce sont des personnes que j’ai rencontrées lors de séances, ou des gens avec qui j’ai traîné. Ils me demandent d’enregistrer leurs morceaux, et ça se compte en nombre d’heures. La plupart du temps, ils ont déjà leur prod, qu’ils trouvent sur YouTube, c’est de la fast music. D’autres ont besoin de prods, et ça j’ai appris tout seul. Je passais des heures à tester des choses, à regarder des vidéos, pour les potos qui voulaient enregistrer leurs projets.
Mon père avait tout un tas d’instruments et d’accessoires de musique. Vu qu’on n’avait pas de moyens, ça nous a permis d’avoir un micro pour commencer à se produire. À l’époque, avec mon meilleur ami, on ne voulait pas rester chez nous. On préférait faire des freestyles de rap en sortant du lycée et traîner dehors. Je me sentais libre, loin des profs et de mes parents. On passait des super moments, on sautait et on criait autour du mic.
Maintenant, je suis à 10 euros de l’heure. Ça me fait un peu d’argent de poche. Au début, j’ai eu du mal à faire payer, surtout mes potes. Dès qu’on me payait une séance, j’en profitais pour acheter du matériel. Mais je veux en faire mon métier, donc il faut que je sois rémunéré.
Un taf à plein temps
Je sais que ca ne va pas être de tout repos. La routine de ce taf, ça crée des problèmes d’hygiène de vie. La plupart des enregistrements se passent le soir, voire la nuit. Quand les rappeurs viennent, ils fument, ils boivent, c’est une ambiance particulière. La plupart du temps, j’essaie de finir à 1 heure du matin. Mais quand tu commences à 8 heures le lendemain, c’est dur de se lever. J’arrivais tout le temps en retard en cours. Surtout que j’ai pris l’habitude de fumer du cannabis. Cette routine a tendance à me ramollir et à m’isoler.
Grâce à Insta, j’ai trouvé une formation d’enregistrement et de mixage au studio Grand Paris. Ce ne sont pas les conseillers d’orientation qui auraient pu m’aider : c’est un programme avec des professionnels et je pense qu’ils cherchent à recruter. Il me faut encore trouver de bons rappeurs, terminer de construire ma control room afin de créer mon entreprise et déclarer mon activité.
À terme, j’aimerais créer un label indépendant qui permettra à des talents de se mettre en valeurs et de concrétiser leurs projets. Heureusement pour moi, j’ai des connexions avec des personnes de l’industrie comme Rim’K. Ça pourrait m’aider pour m’insérer dans ce milieu et surtout pour le développement des studios. J’ai le projet d’en créer un second, mieux aménagé, plus grand, et pas chez ma mère.
Basou, 20 ans, en recherche de formation, Montreuil