Pas tous égaux dans l’orientation pro
« Se cultiver », personne ne fait ça chez moi. À la maison, on ne regarde pas le journal, ou ce genre de trucs. Sauf mon papi. Lui, il regarde. Quand, à l’école, on discutait des événements qu’il se passait dans le monde, moi je n’étais pas au courant.
Un jour, on est arrivées à l’école avec ma petite sœur, et il n’y avait personne. On s’est demandé : « Qu’est-ce qui se passe ? » En fait, c’était jour de grève.
Petits moyens, grandes ambitions
J’ai toujours eu des idées de métier, mais pour trouver ma voie c’était compliqué. Je trouve qu’on n’est pas assez accompagnés pour choisir une formation ou un métier. Je n’ai pas eu de repères familiaux, et personne pour me parler d’orientation professionnelle. Ma mère ne travaille pas et mon daron nous a lâchés. C’est comme ça qu’on s’est retrouvés en Guyane. On était cinq enfants, avec peu de moyens, alors on habitait dans une cité très isolée. Là-bas, les habitants font des métiers manuels, c’est eux qui construisaient tout. Même les maisons. Dans ce coin paumé, on ne sortait jamais.
Ma mère me disait : « Fais ce que tu veux, quoi que tu fasses, c’est bon », ou : « Je te vois bien avocate. » Elle ne m’a jamais conseillée sur quoi que ce soit. Maintenant, je me dis : « C’est bien, je me suis débrouillée toute seule », mais je me suis sentie très seule. Au collège, l’accompagnement et les délais de réflexion étaient minimes pour trouver notre chemin pro. La plupart du temps, je me renseignais toute seule ou au CDI. À 15 ans, tu devais choisir ta voie. Ça s’est corsé pendant l’année du bac. Je devais faire mes vœux de formation alors que je ne savais pas ce que j’aimais, ni ce qui pouvait m’intéresser.
Chère culture, je t’acquiers comme je peux
Je me compare parfois aux enfants de milieux favorisés, là où la culture est accessible. Les parents ou l’entourage peuvent apporter une approche du monde et du travail différente, et les conseiller dans leurs choix d’avenir. Il y a un énorme décalage entre eux et nous.
J’ai entamé plusieurs formations BTS, service civique, et je me suis inscrite en sociologie à la fac. J’espère continuer jusqu’au bout, cette fois. Parfois, je me dis que je ne ne vois pas plus loin que le bout de mon nez. Que je n’arrive pas à me projeter. Mais ça me booste quand je vois les gens qui ont réussi, avec des situations similaires à la mienne.
Titi, 18 ans, volontaire en service civique, Pierrefitte-sur-seine