Judo : quelques grammes et c’est le drame
« Mange moins le matin et mange des aliments pleins d’eau. » Ce sont les premiers mots qu’un de mes professeurs de judo m’a dit. À seulement 11 ans, une des choses qui me préoccupait le plus quand je me levais le matin, à quelques jours d’une compétition, c’était mon poids. Le judo est ma passion depuis petite. Même si c’est une des choses qui me définit, il ne m’a pas apporté que du positif.
J’ai commencé à faire attention à mon alimentation pour chaque compétition. En dessous de 48 kg, de 52 kg et maintenant de 57 kg, c’est devenu une obsession. Si elle s’est construite au fil des années, elle est devenue source de stress et a pris possession d’une partie de mon cerveau que je n’arrive plus à contrôler.
Le problème avec le judo, c’est quand on est trop dur avec soi-même. On veut toujours se fixer des objectifs, que ce soit physiquement ou pour des compétitions. Plus on veut atteindre l’objectif physique qu’on s’est fixé, plus on y pense : on va à la salle, on va courir, on va jusqu’à refuser de sortir et de voir des personnes pour ne pas avoir l’envie de craquer. C’est un cercle vicieux qui nous renferme sur nous-même.
Un régime drastique
« Tu penses tout le temps à ce qu’on va manger, t’es chiante » ; « Je sais pas comment tu fais pour manger ça, je ne pourrais pas à ta place, faut profiter quand on est jeune ! » Quelques phrases que mes « amis » ont pu me dire. Elles paraissent banales comme ça, mais pour moi elles sont néfastes.
Le judo, j’en fais depuis mes 3 ans. Après être passée dans la catégorie des moins de 57 kg, je pensais que les régimes étaient finis. Mais, il y a un an et demi, j’ai commencé à me mettre au sport chez moi car j’avais énormément grossi. Le simple fait de me voir dans le miroir me procurait beaucoup de dégoût.
En plus du sport, j’ai arrêté tout ce qui était fast-food (avant ça je pouvais manger jusqu’à trois fois McDo par semaine). J’ai commencé à avoir une alimentation très saine et une hygiène de vie irréprochable. Quand les vacances d’été sont arrivées, j’ai commencé la salle de sport, tous les jours. C’était l’endroit où je me sentais le mieux. À cette période, je ne me suis permise aucun écart.
La reprise des compétitions
Quand les vacances se sont terminées, les choses se sont compliquées. Je ne pouvais plus aller à la salle par manque de temps, mais j’ai repris le judo et les compétitions. J’ai dû remonter sur la balance…
Le problème avec ce sport c’est que quelques grammes en trop et on passe dans la catégorie du dessus ; ce qui, pour moi, ne sera jamais envisageable. J’ai donc repris les régimes. Au début, c’était seulement histoire de perdre quelque grammes. Puis, on se réhabitue, avec ou sans compétitions. Manger un gâteau devient impensable, montrer ses faiblesses n’est pas non plus envisageable.
J’en venais à devoir réduire mes portions de nourriture, aller à la salle dès que j’avais un peu de temps, entre deux cours, avant le judo. Je pouvais faire jusqu’à sept séances de sport par semaine et en enchaîner plusieurs dans une journée. Même si c’est une bonne chose d’un point de vue extérieur car j’avais obtenu le corps que beaucoup veulent, intérieurement, je n’acceptais pas les kilos en plus sur la balance.
Le plus difficile, c’est pas sur le tatamis
Le réel problème, c’était rentrer chez moi et me retenir de commander un McDo, de manger du Nutella… pour, finalement, aller jusqu’à en manger à la cuillère. C’est celui de beaucoup de judokas, malheureusement. Même si notre mental paraît parfait d’un point de vue extérieur, on sait tous que ça ne va pas. L’effet « yoyo » que l’on fait subir à notre corps est très néfaste, ça devient une habitude pour lui.
Maintenant, j’en viens à me regarder toutes les secondes dans un miroir, à regarder mon visage ou mon ventre juste pour voir si je n’ai pas pris un peu de gras. Je sors de chez moi pour ne pas être tentée d’ouvrir ce pot de Nutella. J’ai commencé des régimes à base de protéines, sans graisse, sans sucre, sans rien en fait. Ça m’a créé une addiction au sucre et au gras : impossible de me retenir quand je commence à en manger.
Je préfère rester très discrète là-dessus car beaucoup ne comprennent pas notre ressenti. Je sais que tous les sports sont difficiles, mais le judo est l’un des plus durs. Mentalement, les compétitions, les régimes, les entraînements nous forgent un moral que l’on gardera à vie. Physiquement, il nous donne des capacités et un physique musclé, souple. Mais n’oublions pas qu’il faut ajouter à ça les dommages que cela cause : les TCA et notre métabolisme détruit.
Clara, 18 ans, lycéenne, Cannes