Candice F. 02/06/2022

2/2 Mon diagnostic leur a ouvert les yeux

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La maigreur de Candice était visible depuis l’enfance, mais vue comme un caprice par les médecins. Le diagnostic de l’anorexie l'a libérée.

Je me rappellerai toute ma vie du premier rendez-vous chez ma nouvelle médecin. Elle est choquée de mon état et me diagnostique tout de suite comme « anorexique ». C’est un mot compliqué à entendre pour moi, mais aussi pour mes parents qui ne supportent pas de me savoir en mauvaise santé. Elle explique à ma mère (la seule présente ce jour-là) que ma maladie peut être guérie assez facilement avec de la motivation et un vrai suivi médical. À moi, elle me dit : « Je vais pouvoir t’aider. »

Je suis rassurée, un espoir vient d’apparaître dans ma vie. Mais je suis aussi très inquiète parce que je ne sais pas encore ce que je vais devoir faire, ni si je vais réussir à guérir.

« Rien d’inquiétant… »

2,4 kilos : à ma naissance, j’étais un poids plume. Jusqu’à mes 6 ans, j’étais toujours en dessous de la moyenne du poids des enfants de mon âge. Sauf que d’après les médecins, il n’y avait « rien d’inquiétant… ». Mais comme je grandissais sans prendre beaucoup de poids, ma maigreur devenait de plus en plus visible.

Je suis alors à l’école primaire, le moment où les enfants commencent à se juger, souvent durement. Les remarques blessantes sur mon aspect fusent de la bouche de mes camarades. Tandis que mes parents ne remarquent rien, les médecins se contentent de me dire : « Oh la la, ça ne s’améliore pas ! Il faut manger Candice quand même. » À chaque rendez-vous médical, je vis ces remarques comme une humiliation.

Je m’en suis rendue compte bien plus tard, mais les moqueries et les réactions des médecins m’ont laissé de vraies séquelles psychologiques. Sur le moment, je n’ai pas conscience de l’effet que ces paroles blessantes peuvent avoir… Mais elles commencent à affecter mon quotidien de petite fille naïve.

« Grossis un peu, non ?! »

Quand j’ai environ 8 ans, il y a comme une évolution mentale chez moi qui m’oblige à prêter attention à toutes les remarques, et notamment celles de mes parents et de mes amis à l’école. « On dirait un squelette, mange ! » ; « Grossis un peu, non ?! » ; « On voit tes os, c’est trop moche. » Je décide alors d’appliquer tous ces « conseils » pour prendre du poids… Mais, évidemment, ça ne marche pas. Au contraire : parfois, je mange tellement que j’en vomis.

Puis arrive l’entrée au collège, qui bouleverse encore plus les choses. Je me mets à me comparer à toutes les filles de mon âge. Elles commencent à avoir des formes, alors que pour moi les remarques continuent et sont de plus en plus violentes : « Planche à pain » ; « Corps de mec » ; etc. C’est la période la plus compliquée : mes journées se résument alors à collège–devoirs–dodo, je ne mange presque plus…

Heureusement, c’est aussi à cette période que je change de médecin. La nouvelle m’a beaucoup aidée, comme les autres docteurs spécialisés sur les troubles alimentaires que j’ai vus ensuite. Je ne les remercierai jamais assez pour ça.

Oui, l’anorexie est une maladie

Si je m’en suis sortie, c’est d’abord grâce à la prise de conscience générale, une fois que cette médecin a annoncé que c’était une maladie. Alors que jusque-là ma situation était un peu un sujet tabou dans ma famille, mes proches ont été obligés d’accepter le diagnostic et de regarder les choses en face. Les méthodes de ma médecin ont aussi eu un rôle important : par exemple, à chaque fois que je mangeais un repas « complet », il fallait que je note une barre sur une feuille de papier.

Maintenant, je suis aussi très fière de moi, car c’était surtout un combat entre moi et moi. Trois ans après ce diagnostic, je pèse un poids totalement normal : 52 kilos pour 1 m 63 ! Pour moi, c’est vraiment une victoire personnelle.

L’anorexie, c’est aujourd’hui quelque chose de fréquent, même de trop fréquent, mais je crois que c’est encore souvent sous-estimé par les médecins. Ils considèrent parfois ça comme un simple problème de goût : « En même temps, t’aimes rien manger ! » C’est une vraie maladie, qui peut toucher tout le monde et qui peut conduire à la mort. Je sais aujourd’hui que j’aurais dû en parler plus tôt avec mes parents. Si je l’avais fait, j’aurais pu m’épargner des années de mal-être.

Candice, 15 ans, lycéenne, Gardanne

Crédit photo Pexels // CC cottonbro

 

Déconstruire les préjugés sur les TCA

Le 2 juin, c’est la journée mondiale des troubles des conduites alimentaires (TCA). Souffrir de TCA, c’est aussi subir les idées reçues sur sa maladie. Déconstruisons ensemble quelques préjugés.

 

NON, les TCA ne concernent pas que les ados

Près d’un million de Français·es souffrent de TCA, dont 500 000 adultes. Plus de la moitié ne sont pas diagnostiqué·es, en partie parce qu’on considère souvent que ces maladies ne touchent que les ados.

 

NON, les TCA ne sont pas un caprice…

…même s’ils apparaissent majoritairement à l’adolescence. Ce sont des troubles complexes qui doivent être traités par des spécialistes, le plus tôt possible. Considérer ces troubles comme une période de transition ne fait que retarder la prise en charge et le processus de guérison.

 

NON, les TCA ne concernent pas que les filles

Au moins 10 % des personnes souffrant de TCA sont des hommes. Dans le cas de l’hyperphagie boulimique, il y autant d’hommes que de femmes malades. Ce préjugé empêche beaucoup d’hommes d’être diagnostiqués.

 

NON, guérir de TCA n’est pas qu’une question de volonté

Comme pour soigner toutes les maladies psys, la volonté ne suffit pas à guérir. Ces troubles sont très addictifs, c’est pourquoi la prise en charge médicale est indispensable. Aussi, tout n’est pas dans la tête : les TCA peuvent aussi être dus à des facteurs génétiques et biologiques.

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