Michel C. 21/12/2022

« Fils de » sportif, j’essaie de me faire un prénom

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Fils de handballeur pro, Michel joue au même poste que son père. Toujours comparé, il assume son héritage mais veut briller par ses qualités. 

Mon père a gagné les Jeux olympiques de handball. Je porte son nom et je fais le même sport. Je suis fier de lui, mais je cherche à me faire un prénom ! Le handball n’est pas un sport aussi connu que le foot. Mon père a beau avoir gagné la Ligue des Champions et les Jeux olympiques, dans la rue, on ne lui demande pas des selfies ! J’ai l’impression que personne ne le connaît. Ce n’est donc pas si difficile de porter son nom. Je m’en rends compte seulement dans ma pratique de sportif de haut niveau.

Mon premier souvenir en lien avec le hand date de mes 3 ans. Avec mes grands-parents, on était allé voir un match de mon père à Nîmes, lors de sa dernière année de carrière. J’étais derrière les cages et je ne me souviens que d’une image : moi, me tenant aux barrières, regardant le match. Je ne sais pas comment je m’en souviens. Peut-être avais-je compris que ce serait une des seules fois où je verrais mon père sur un terrain ?

C’est l’unique souvenir de mon père comme sportif professionnel. Cela représente donc beaucoup pour moi. J’aurais aimé avoir eu le temps de le voir plus souvent sur le terrain, mais c’est comme ça. Quand il me dit qu’à son époque on défendait mieux que maintenant, je suis obligé de le croire ! Je n’ai pas forcément envie de voir des vidéos de lui, ça casserait ce « mythe » !

Le hand dans les gènes

J’ai commencé ce sport à 3 ans. J’ai essayé beaucoup de disciplines durant mon enfance. En parallèle du hand, j’ai pratiqué le foot, le rugby, l’athlétisme, j’ai essayé un peu le judo, le basket et même le tennis ! J’ai toujours voulu découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles techniques d’entraînement. J’étais curieux et j’aurais très bien pu choisir un autre sport, notamment le rugby. Pourquoi le hand ? Comment expliquer une passion ? Quand on est attiré par quelque chose sans raison, que cela nous rend heureux, que quand on arrête on veut recommencer… Sans doute qu’il y a quelque chose de génétique ! Je n’ai jamais dit à mon père que ce serait le hand, ça s’est fait au fur à mesure, sans vraiment y penser.

Quand je suis rentré au collège, le sport a commencé à devenir un sujet « sérieux ». J’avais un niveau correct pour mon âge. À cette époque, je vivais dans une petite ville au nord de Montpellier. J’ai fait le choix d’aller avec un ami dans un collège avec une section handball. Ce fut mon premier engagement sportif. Dès la sixième, je m’entraînais donc quatre fois par semaine. C’était une belle charge à 11 ans, mais certains entraînements étaient allégés donc ce n’était pas trop. J’avais un emploi du temps aménagé. Je ne garde donc que de bons souvenirs du collège.

L’année de ma troisième, tout a changé. J’ai été sélectionné pour intégrer le Pôle espoir de Montpellier. J’ai découvert un nouveau collège, des nouvelles personnes. C’était une expérience très enrichissante. Le Pôle espoir est une structure nationale qui prépare les jeunes avec le plus de potentiel vers le haut niveau. Y entrer est l’objectif de tout jeune sportif voulant aller loin dans le hand. C’était un peu particulier, car en période Covid. La sélection s’est donc faite sur dossier, même si, en réalité, les recruteurs connaissent les joueurs à l’avance.

Fils de « grands »

C’est l’une des premières fois où l’on m’a fait remarquer que j’étais un « fils de ». Comme on était choisis sur dossier, tous mes amis me disaient que j’étais sûr d’être pris, vu qui était mon père… Ce n’était pas méchant, je ne le prenais pas mal, j’ai toujours pris du recul avec ça. Et puis mon niveau me rendait « légitime », je pense, à entrer dans cette structure. Ce qui est sûr, c’est qu’avoir un père qui mesure 1m95 et une mère 1m77, ça aide dans tous les cas ! Finalement, ce qui m’avantageait, c’était plus d’avoir de « grands » parents que d’avoir un nom de champion olympique ! Les recruteurs sont presque plus intéressés par la taille des parents que le niveau au handball !

Personne n’était « choqué » de me voir là. Être vu comme « fils de », ça m’a plutôt poussé à vouloir être le meilleur possible, je voulais prouver que ma place était méritée ! Que se soit aux coachs, à mes partenaires. Je me fixais beaucoup d’exigences, mais ça restait très cool. Pratiquer le hand, même au plus haut niveau possible, reste une passion !

Je joue au poste d’arrière droit. Ce poste demande une très grande polyvalence : il faut pouvoir attaquer (passer, tirer…) et aussi très bien défendre ! Évidemment, c’était aussi le poste de mon père ! Pourtant, ce choix s’est fait naturellement : étant gaucher et grand, aimant toucher le ballon, c’était ce qui me convenait le mieux. Le fait que mon père était déjà arrière droit m’a sûrement apporté des prédispositions, je pense ! Cela lui permet aussi de pouvoir me conseiller, car il connaît par cœur !

Viser toujours plus loin

À partir de là, j’ai commencé à réellement marcher sur les traces de mon père. Le Pôle espoir, c’est une première étape, parmi tant d’autres, pour « peut-être » un jour accéder au monde professionnel. Quand j’ai su que j’étais accepté, je l’ai vu comme un accomplissement. Mon père aussi, il était content. Mais il m’a tout de suite rappelé ce qui restait à faire ! Comme souvent, c’est ma mère qui a été la plus heureuse. Les gens me parlent de mon père, mais ma mère est aussi importante pour moi ! Elle me permet de prendre du recul, elle m’apprend les valeurs importantes de la vie. Elle considère que l’école est aussi importante que le hand. Sans elle, je ne serais sûrement pas un élève aussi assidu ! Je ne remercierai jamais assez mes parents de tout ce qu’ils font pour moi.

Si je n’avais pas pu entrer au pôle espoir, cela aurait été un échec. Cependant j’aurais continué le hand pour espérer l’intégrer l’année suivante. Je n’aurais pas abandonné aussi facilement ! Mes parents étaient très fiers de moi, mais on pensait déjà à la suite. Je ne voulais pas que ça s’arrête là. Eux aussi voulaient, et veulent toujours que j’aille le plus loin possible. Être le meilleur possible. Même s’ils restent prudents, car dans le monde du sport, tout peut s’arrêter du jour au lendemain, notamment en cas de blessure.

Marcher dans les pas de son père

Le pôle espoir dure quatre ans. Aujourd’hui, je suis en troisième année. Je continue à progresser. J’ai eu la chance d’être appelé en équipe de France jeune il y a peu de temps. Je l’ai appris par mon cousin (qui est aussi en équipe de France) qui m’a envoyé un message pour me féliciter alors que je ne le savais même pas ! À ce moment-là, je pense que mon cœur a dépassé les 10 000 battements par minute ! Quand mes proches l’ont appris, ils étaient super contents pour moi ! Moi qui aime rester plutôt discret, je n’ai pas eu le choix ce jour-là ! Tous mes amis ne faisaient que crier et dire à tout le monde que j’avais été sélectionné, même aux profs. J’en avais marre ! Enfin, malgré tout cette journée reste un super souvenir !

C’était ma première sélection. Nous sommes partis en Croatie pour jouer des matchs amicaux face aux Croates. Nous avons gagné ! Qui dit équipe de France, dit forcément comparaison avec mon père. Lui-même s’en est chargé, vu qu’il a fait ses débuts en équipe de France au même moment ! Mis à part quelques remarques, d’amis et de famille me soulignant que je suivais le parcours de mon père, j’ai pu aller à ce stage sans être comparé à lui chaque fois. Je sais bien que je suis ses traces… Mais j’ai pu être moi-même et montrer ce que je savais faire.

Tracer sa propre voie

Au final, avoir un père handballeur m’a toujours poussé à être meilleur. Porter le nom d’un grand joueur, ça m’a toujours tiré vers le haut, car je fais de mon mieux pour rendre hommage à son nom. Ce dernier étant un « papa » génial, il a toujours été très fier de moi et m’a toujours aidé dans ma « quête ». Il m’a toujours conseillé, dans le positif, mais en me faisant aussi remarquer mes erreurs pour que je puisse les corriger. En comparaison, je pense que d’autres parents mettent plus la pression à leurs enfants. Mes parents ne sont pas comme ça, je joue libéré.

J’ai toujours eu le choix de faire ce que je voulais. Si j’avais choisi le rugby, ils auraient été tout aussi fiers de moi. Je ne me suis jamais senti poussé à faire du handball. Aujourd’hui, ce sport est ma passion et prend une place assez importante dans ma vie. Pour autant, j’adore tellement le sport que si je devais arrêter le hand, je me régalerais dans une autre discipline.

Finalement, mon rêve serait d’aller le plus loin possible, d’être professionnel. Ce serait formidable d’être un jour en équipe de France. J’en rêve depuis que je suis tout petit ! Mais je le fais pas forcément pour mon père : c’est pour moi ! Si je n’y arrive pas, ce qui reste forcément très possible, je pense que je resterais dans le sport. Mais on verra. En fait, ce n’est pas vraiment moi qui porte le nom de mon père. C’est ce nom qui me porte et me pousse toujours plus haut !

Michel, 16 ans, lycéen, Montpellier

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