Mon arrivée en France, privilégiée mais isolée
La nouvelle était incroyable, mon Dieu. Quitter le Brésil pour vivre en France n’est pas quelque chose qui arrive tous les jours ! En 2018, mon père a reçu l’opportunité d’être expatrié à Paris par son employeur. Ils étaient responsables de toutes nos dépenses : eau, électricité, voiture, loyer, école, sport, voyages et vacances, impôts, factures.
Le problème, c’est que j’avais 12 ans et que je ne voulais pas laisser ma vie, mes amis, ma famille, tout ce que je connaissais, derrière moi. J’étais heureuse, bien sûr, mais tout cela était englouti par la nostalgie, une nostalgie pour quelque chose que je n’avais pas encore perdu.
Le jour de l’embarquement, ma famille était bouleversée. Je ne me souviens pas de grand-chose, juste d’avoir serré ma mère dans mes bras en silence pendant que mon père s’occupait de l’immigration à l’aéroport. En même temps que nous étions perdus, nous étions plus unis que jamais ! Dans l’avion, nous avons réalisé que tout ce que nous avions, à ce moment-là, c’était nous-mêmes. Notre monde était réduit à nous quatre.
De surprises en surprises
Notre arrivée en France a été chaotique. Les premiers jours, mon père n’a pas pu récupérer ses cartes bancaires, nous nous sommes donc retrouvés avec une somme d’argent limitée. Pour aggraver les choses, nous sommes tous tombés malades. Fièvre, maux de tête, vertiges, ce fut un véritable chaos ! Je pense que c’est ce qui arrive aux gens quand ils subissent un changement brusque.
Après deux ou trois jours, les choses ont commencé à s’améliorer. Nous avons récupéré la clé de notre maison juste à côté de Paris, la voiture et les cartes bancaires. Nous étions confortables. Le seul problème était que nous n’avions apporté que des vêtements et des articles extrêmement personnels. Le reste mettrait encore quelques mois à arriver ! Mais après avoir surmonté un problème, il y en avait toujours un autre. Cette fois-ci, le plus grand : la langue.
Deux nouvelles langues à apprendre
Le premier mois, ma mère a commencé à prendre des cours de français à l’Alliance française. Mon père, le seul parlant couramment français, a commencé à travailler, et mon frère et moi avons commencé à aller à l’école. C’est là que les choses se sont vraiment compliquées.
L’école était britannique et internationale, donc entièrement en anglais. Une autre langue dont je ne parlais pas un mot et qui était encore plus difficile que le français. Pour résumer, alors que tous les autres étudiants suivaient un cours normal, moi je suivais 80 % du temps un cours d’anglais intensif. Je ne pouvais toujours pas avoir une conversation 100 % en français.
Au début, j’étais épuisée. Je rentrais à la maison et j’avais envie de pleurer parce que je me sentais inutile et stupide. J’ai vu que ma mère ressentait la même chose, contrairement à mon père et mon frère. Nos vies à ce moment-là n’ont jamais été aussi différentes et, pendant quelques instants, je n’ai plus eu l’impression de faire partie de ma famille. Au début, j’avais l’impression qu’ils ne me comprenaient pas, alors qu’ils étaient les seuls témoins de ce que je devais subir chaque jour dans ce nouveau pays.
Redécouvrir ma famille
Au fil du temps, nous avons été obligés de chercher du soutien les uns auprès des autres, nous avons commencé à nous connaître vraiment et à parler plus ouvertement de choses dont nous ne parlions pas avant.
Quand je pense à la famille que nous étions au Brésil et à celle que nous sommes maintenant, nous avons tous les quatres tellement grandi et évolué que nous ne nous reconnaissons plus. Au Brésil, mes parents travaillaient de très tôt à très tard, et mon frère et moi restions davantage avec ma grand-mère, ce qui avait créé une barrière invisible entre nous.
Liberté multipliée par 1 000
Vivre au Brésil n’est pas très agréable quand on est une jeune fille. J’ai toujours vécu dans un environnement privilégié et je n’ai jamais eu de problèmes sérieux, mais il y avait beaucoup de règles et de limites à ma liberté pour que je puisse toujours être en sécurité. Comme ne jamais sortir seule, ne jamais prendre un Uber ou les transports publics seule, ne pas porter des choses chères, ne pas parler à qui que ce soit dans la rue.
Après avoir déménagé en France, j’ai eu un choc de la réalité quand j’ai vu qu’ici j’avais le droit de faire tout cela, parce que mes parents n’avaient pas cette peur constante. Ma liberté a été multipliée par 1 000.
Quitter mon pays, mon cercle social et ma zone de confort m’a montré des choses que je n’avais jamais vues auparavant. Aujourd’hui, je suis une meilleure personne, car j’ai été obligée de me reconstruire pour survivre à la perte de mon ancienne vie.
Lanna, 16 ans, lycéenne, Toulouse