Youri G. 04/04/2023

La solitude me court après

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Depuis l’enfance, Youri est suivi de très près par la solitude. À 19 ans, il ne souhaite qu’une seule chose, la semer.

Je suis enfant unique et les relations sociales ont toujours été un sujet difficile pour moi. En primaire, ça allait encore : j’arrivais à aller vers les autres enfants, et je jouais avec eux. Je n’étais pas au même niveau, je ne courais pas très vite : donc quand je jouais au loup, c’était très souvent moi, le loup. À cause de ça, j’ai développé un complexe par rapport à ma lenteur.

Au collège, je ne connaissais pas beaucoup de monde. Je me suis rapproché du groupe de mon meilleur ami, mais ça n’était pas suffisant. On jouait à divers jeux qu’on inventait, par exemple un mélange entre le ping-pong et le tennis. Chaque fois que je perdais, je me sentais impuissant. Du coup, de moins en moins de joueurs me sollicitaient pendant les parties. J’avais l’impression que ça me collait à la peau et que les autres ne voyaient plus que ça chez moi. Peut-être que ce n’était pas le cas, mais on ne me soutenait jamais donc j’avais cette sensation. Durant tout mon collège, je n’ai pas eu d’amitié sincère.

Seul, ignoré et méprisé

En seconde, j’ai vécu la pire année de ma vie. À mon passage au lycée, je ne connaissais plus personne, j’avais perdu mon meilleur ami car il avait changé de collège. Tout au long de l’année, je me suis senti seul, ignoré et méprisé par ma propre classe alors que je voulais juste me faire des amis. Cette année-là, je me suis posé plein de questions. Pourquoi je n’avais jamais eu de vrais amis, si j’étais maudit et si j’allais rester seul toute ma vie. J’allais de moins en moins en cours. J’avais peur d’être frustré de voir des personnes s’amuser, rire et partager des choses, et pas moi.

Je n’ai jamais eu de relations fortes avec ma famille, j’ai l’impression que certains membres de ma famille ne savent même pas que je suis né. Du coup, je dois vivre par moi-même. Je passe mon temps à regarder des vidéos sur YouTube, des streams sur Twitch. J’arrive à rigoler, à sourire derrière ça. Ça me permet de me changer les idées. Depuis cette année en seconde, je dors tard et je suis déscolarisé. Je suis encore plus seul qu’avant.

Les liens sociaux sont vitaux

J’ai l’impression que je n’ai pris conscience de ma vie qu’à partir de 15 ans. Avant j’étais naïf, à faire ce que les adultes voulaient que je fasse. Ils voulaient que j’accorde plus d’importance au travail qu’à la vie sociale. Je ne peux pas continuer à vivre comme ça. Le travail ne peut pas nous rendre heureux intégralement. Grâce à mes tristes années, je suis devenu observateur des relations sociales entre les gens. J’ai pu voir que d’autres comme moi ont du mal à vivre avec la solitude. Les personnes sont plus heureuses quand elles se parlent entre elles. Les personnes dans leur coin, je les imagine déprimées, elles ont l’air triste et n’ont personne à qui parler. J’ai dû mal à croire que quelqu’un puisse être heureux avec la solitude ; notre cerveau a besoin de liens sociaux pour être stimulé.

J’ai intégré il y a un mois un service civique dans une association dans l’espoir de rencontrer des personnes pour créer des liens. Avant ça, je restais chez moi toute la journée. Ce n’est pas difficile pour moi d’intégrer des nouveaux groupes, de faire le premier pas vers de nouvelles personnes. Par contre, j’ai parfois du mal à croire que ça puisse aboutir à de vraies amitiés sincères, car j’ai souvent été déçu. C’est difficile de repartir de zéro à chaque fois et d’être confiant dans l’idée que cette fois, ça va marcher. Aujourd’hui, j’espère que ce nouveau programme sera un nouveau départ pour me permettre de construire des relations plus durables.

Youri, 19 ans, volontaire en service civique, Nantes

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