Enfant d’ouvriers, je me débrouille pour étudier
J’habite à Sablé-sur-Sarthe, c’est là où j’ai grandi, à 58 kilomètres du Mans et 1h30 de Rennes. Ma vie d’adulte, je considère qu’elle a commencé quand il a fallu chercher une école pour mes études supérieures et trouver mon premier appartement. Tous les étudiants n’ont pas la même vie, je le vois.
À Rennes, où j’étudie, beaucoup sont encore chez leurs parents ou dans leur famille ou n’ont aucune difficulté à trouver un appartement. Ils n’ont pas non plus à se soucier de gérer un budget. Pour moi ça a été plus compliqué : apprendre à compter ce que je dépense en soirée, remplir mon frigo plutôt que de commander des plats à emporter ou livrés et vivre des fins de mois parfois difficiles avec un loyer et des charges à payer. Parce que depuis que j’ai décroché mon bac, je dis à ma mère de ne pas s’inquiéter pour moi. Je ne veux pas qu’elle m’aide financièrement pour mon appartement, ni pour commencer ma vie d’adulte. Elle en a déjà trop fait pour moi. Et je sais que ce n’est pas facile pour elle non plus.
Décrocher un job étudiant
Je suis issu d’une famille de cinq enfants, élevée par une mère célibataire qui a dû gérer sa famille toute seule. Elle est ouvrière agroalimentaire et gagne entre 1300 et 1400 par mois. C’est grâce à elle, à son éducation que je suis aujourd’hui étudiant à Rennes, financièrement stable, vivant dans un appartement de 20m2. J’ai appris à être autonome et j’ai décroché un job étudiant.
Déjà, à Sablé-sur-Sarthe, lycéen, je travaillais l’été. J’ai commencé par un poste dans le service public, en tant qu’agent de déchèterie. C’est moi qui redirigeais les personnes qui ne savent pas où jeter leur matériau. Puis, j’ai été agent de salle en agroalimentaire pendant trois mois. J’avais pour mission d’alimenter des lignes où des viandes sont mises en barquette. Je travaillais aussi dans un salon de coiffure, dans la continuité de ma journée à l’usine qui commençait à quatre heure du matin et terminais à midi.
Trouver un appart, et le payer
C’est à ce moment-là que j’ai dû aussi commencer à chercher un appartement pour ma future vie étudiante à Rennes. Clairement gérer tout ça en même temps m’a fait comprendre que la vie d’adulte ce n’est pas facile. J’enchaine les boulots, et les allers-retours Sablé-sur-Sarthe/Rennes, pour 20 à 30 euros par trajet. Trouver un appartement c’était galère et j’ai finalement décroché les clés d’un nouveau « chez-moi » une semaine avant la rentrée. J’étais fatigué, ce n’était pas facile mais je n’ai pas lâché. Mon premier appartement était un 16m² dans le centre de Rennes avec un loyer un peu cher. Alors, dès la rentrée, après la quête d’un logement, j’ai cherché un job étudiant. Ça a été plus facile car j’avais acquis déjà des compétences de coiffeur.
Pendant le confinement, vu que mon coiffeur était fermé et j’ai appris en regardant des vidéos. Je me suis ensuite longuement entraîné sur mes cousins et mes amis. D’abord en offrant des coupes gratuites puis en me faisant payer au fur et à mesure que je développais mes techniques et mon niveau. Et à Rennes, j’ai trouvé un salon facilement.
Je gère alors travail, cours, courses et loyer. Mais j’ai déménagé pour un appartement non loin du centre, plus grand et moins cher. Mon budget j’ai appris ainsi à le gérer. Je peux dire aujourd’hui que je suis stable financièrement. J’ai une bourse et un salaire. Je peux même épargner. C’est ma mère, forte, qui m’a toujours appris à ne jamais reculer malgré les inconvénients et les difficultés.
Matthew, 18 ans, lycéen, Sablé-Sur-Sarthe