Jordan A. 01/09/2023

Pour les autres, je suis « l’efféminé »

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Cible de remarques homophobes depuis son enfance, Jordan pensait que la filière mode serait un milieu plus tolérant. Il s’est vite rendu compte que ce n’était pas si simple…

J’étais « l’efféminé de la primaire » et ça dérangeait tout le monde, filles comme garçons. « Pourquoi tu parles comme une fille ? Pourquoi tu ressembles à une fille ? » J’entendais ça tous les jours. J’ai très vite adopté un style vestimentaire que les autres n’ont pas : t-shirt dans le pantalon, chaînes accrochées sur le passant du pantalon, chapeau sur la tête… D’après les clichés, ce style donnait un indice sur mon orientation sexuelle. Ces clichés m’ont forcé à me poser des questions à un très jeune âge, alors que je voulais juste profiter de mon enfance. Alors en CM2, quand les autres pensaient aux nouveaux jouets qu’ils souhaitaient avoir, moi je me demandais qui j’étais.

En arrivant en bac pro mode, je pensais que tout cela allait être évité, que tout le monde était ouvert d’esprit.

Premier jour de cours, on visite les lieux. On se dirige vers le sous-sol. On entre dans la salle de sport où se trouvent les machines de musculation, ça sent la transpiration. Personne ne se connaît, donc on se pose des questions simples comme « tu viens d’où ? ». On est tous un peu stressés, mais tout va bien. Enfin… jusqu’à ce qu’une fille me pose cette fameuse question : « T’es gay ? J’en étais sûre ! »

Où est ma safe place ?

J’étais dégouté que leur première interrogation soit sur ma sexualité. Je pensais que tout ça était derrière moi. Je souhaitais tellement atterrir dans une safe place, mais c’était malheureusement loin d’être le cas. Elle n’avait pas l’intention d’être méchante, mais ça m’a piqué. Elle me voyait comme les mecs gays dans les séries : pour elle, un mec qui travaille dans la mode est forcément gay et efféminé. J’ai eu le droit à des surnoms comme « ma puce » et « ma belle » de la part de cette même fille. Elle me saoulait !

Un jour, mon frère était en soirée et a parlé à un mec de mon lycée, que je ne connais même pas. Il lui a dit : « Les manières de ton frère me donnent envie de le taper. » Quand il m’a raconté ça, ça a été le flash-back ! J’ai pensé à toutes ces fois où je m’étais forcé à cacher mes manières dites « efféminées », pour ne pas qu’on m’associe à un gay cliché.

Je pense aussi à toutes ces personnes hétéros maniérées ou qui adoptent leur propre style et qui subissent les mêmes moqueries. Le style peut refléter plein de choses. Une fille qui porte un jogging, ça veut sûrement dire qu’elle est sportive mais pas forcément qu’elle est lesbienne. Un mec qui prend soin de son apparence, ça ne veut pas dire qu’il est gay. Une fille au style masculin, ça ne veut pas dire qu’elle kiffe les meufs, et vice versa pour les mecs maniérés.

Il serait temps que l’homophobie et tout ce qui va avec cesse ! J’en ai marre d’être cette bête de foire aimée ou détestée par l’unique fait d’être un gay efféminé.

Jordan, 16 ans, lycéen, Albi

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