2/4 En foyer, on mange avec 3 euros par jour

Ça fait dix ans que je suis en foyer. J’avais 6 ans quand j’y suis arrivée, en 2013. Au foyer, c’est comme à l’école. On est répartis en groupes. Mon groupe s’appelait les Lutins. J’ai des bons et des mauvais souvenirs. Ça dépend de l’expérience de chacun. Pour moi, c’est plutôt moyen.

Aujourd’hui, je suis dans un appart indépendant de mon foyer. J’y suis arrivée l’année dernière. On y est sept ou huit en comptant les éducs. C’est un appart parisien, type haussmannien. On est bien. C’est un duplex, on a trois chambres. Je suis dans une chambre avec ma copine, et il y a une chambre de trois garçons.

Les éducateurs nous passent 25 euros tous les soirs pour qu’on se fasse à manger. Au début, je me disais : « 25 euros, c’est large ! » Mais, peu à peu, j’ai dû enlever des trucs. Pâte à quiche, saumon fumé, trois paquets de salade, avant ça passait et, d’un coup, ça a dépassé 30 euros. Notre budget courses, lui, est toujours de 25 euros pour huit personnes ! Je me retrouve souvent à faire des choix à la caisse. Avec l’augmentation des prix ça se complique, parce que les budgets n’augmentent pas ! En plus, les éducs sont compris dans le budget.

30 balles d’argent de poche

Chaque mardi, il y a la réunion des éducs. C’est à cette occasion qu’ils parlent des factures, qu’ils nous distribuent notre argent de poche et, surtout, l’argent pour les courses. Quand on va les faire, on doit ramener une facture. Un jour, j’ai oublié le ticket de caisse, ils m’ont pris 25 euros. J’avais le seum. Il y a un planning pour les repas. Je fais à manger le lundi. Ce jour-là, je dois aller faire les courses, servir le repas et laver la cuisine.

On a aussi un budget pour les habits et les autres dépenses du quotidien. C’est selon l’âge. En général, plus tu grandis, plus t’as d’argent de poche. J’ai 30 balles par mois et un budget pour les habits, je crois que c’est 750 euros pour l’année. Fin 2022, il devait me rester 200 ou 300 euros dans mon budget fringues, mais le foyer devait faire hyper attention niveau argent, donc je n’ai pas pu m’en acheter et j’ai dû attendre 2023. Les éducateurs nous ont mis des vrais coups de pression. Maintenant, chaque dépense est épluchée, le budget est très serré.

SÉRIE 3/4 – À 16 ans, Wilfried parle comme un homme abîmé par les années de galère. Il connaît par cœur le budget très serré avec lequel sa mère lutte tous les mois.

Pendant les vacances de la Toussaint de l’année dernière, on n’a pas pu aller en famille d’accueil comme d’habitude, parce qu’ils n’avaient pas d’argent pour les payer. On a dû rester à l’appart. On n’avait rien à faire, on devenait fou à s’ennuyer. Surtout quand tu dois rester 24 heures sur 24 avec les mêmes têtes. En famille d’accueil, au moins tu rencontres de nouvelles personnes, ça change.

Avant d’être en foyer, je n’étais jamais partie en vacances, ni à la plage. Je ne savais pas nager non plus, j’ai pu apprendre avec eux. Il n’y a pas que du négatif, j’ai découvert beaucoup de choses. J’espère qu’on aura vite les moyens de repartir en vacances.

Maïssa, 16 ans, lycéenne, Paris

Illustration © Léa Ciesco (@oscael_)