Chasseur nouvelle génération
J’ai le virus de la chasse. C’est mon frère qui me l’a transmis. Il chasse depuis qu’il a 10 ans. Moi, j’ai dû attendre mes 12 ans, car ma mère refusait que je tienne une arme. J’avais quand même appris à tirer, parce que mon frère avait une carabine à plomb. Lorsqu’il la sortait, il me proposait toujours de tirer deux ou trois coups. La première fois que j’ai tiré avec une vraie arme c’était sur un pigeon, j’avais été époustouflé par le recul qu’elle avait. Et ce bruit ! J’avais des sifflements dans les oreilles. En plus, j’avais fait mouche !
J’ai chassé très peu de fois. La dernière fois c’était pendant les vacances de la Toussaint, dans une prairie non loin de notre maison en Bourgogne. En fait, c’était ma première vraie partie de chasse ! On est partis de bon matin, à 7 heures, en vélo pour pouvoir « tirer le pigeon ». Il faisait un peu frisquet. On n’avait pas emmené Sauvage, le chien de chasse de mon frère. C’est un braque allemand femelle qu’il a acheté dans un élevage. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est vraiment un chien adorable, même si parfois elle fait pas mal de bêtises.
Ma première partie de chasse
On s’est installés dans cette fameuse prairie à vaches, car elle se trouve en plein couloir migratoire. Un couloir migratoire, c’est un endroit où passent les oiseaux en hiver. On s’est postés dans un petit bosquet puis on a discuté en chuchotant jusqu’à l’approche des animaux. Je ne m’ennuyais pas lors de cette attente. Justement, c’est l’occasion d’observer ce qu’il se passe autour de soi.
C’est la première fois où j’ai vraiment visé des animaux. Franchement, sur le coup j’étais un peu surpris de mon acte. Le pigeon est tombé par terre. Je l’ai récupéré. Il est mort doucement dans mes mains. Au début, je ne pensais pas en être capable. Mais quand j’y repense, cela ne me fait ni chaud ni froid. Je ne vis pas souvent cette expérience, car je ne vois pas souvent mon frère. Mais c’est grâce à des moments comme ça qu’on arrive à se rapprocher. Pour l’instant, j’ai uniquement tiré des pigeons, mais je sais que mon frère chasse du chevreuil et du sanglier, selon la saison. J’aimerais bien chasser du gros gibier avec lui !
Il a un chien, car il pratique la chasse souvent seul, ou avec peu de personnes. Nous, on fait de la chasse à l’approche. On est au maximum deux ou trois, et on va plutôt essayer d’approcher le gibier en le pistant, en suivant ses traces. On va l’observer de loin, parfois on va communiquer avec lui pour pouvoir le « tirer » au bon moment. C’est très différent de la battue. Lors d’une battue, des chasseurs nommés les rabatteurs lâchent des chiens pour faire lever le gibier et le rabattre sur d’autres chasseurs postés plus loin en position de tir. C’est plus cruel, car cela ne laisse généralement aucune chance à l’animal.
À la chasse, il y a des règles
La chasse à l’approche est beaucoup moins répandue, car beaucoup chassent pour le plaisir. Nous, c’est pour nous nourrir. Mon frère dit souvent que lorsqu’il chasse, il ne se sent plus humain. Il est un prédateur face à l’animal. Comme si son instinct primaire revenait pour quelque temps. Je trouve ça étonnant. Je n’ai pas encore assez d’expérience pour avoir cet instinct. Mais j’ai envie de le ressentir un jour !
Après avoir tiré les pigeons, on les a ramenés et mon frère les a cuisinés. On peut les préparer de la manière que l’on veut, mais je ne suis pas vraiment spécialiste pour tout dire… Le pigeon ce n’est vraiment pas facile. Juste un peu trop cuit, sa viande devient trop ferme et pas agréable en bouche. Quand on est passés à table avec mon père, on était stupéfaits par la tendreté de la cuisson combinée à la fermeté de la viande de gibier.
La chasse, c’est très réglementé, contrairement à ce qu’on peut penser. Il faut avoir une carte de chasse. Elle s’obtient lorsqu’on est majeur, avec un casier judiciaire vide. Moi, je suis donc sous la tutelle de mon frère, qui la possède. Cette carte est très importante, car elle permet d’acheter l’arme et les munitions. Le reste du matériel (habits, appeaux…) peut s’acheter sans problème sur le net ou dans des magasins spécialisés. Tous les ans, il y a un quota maximum d’animaux abattus, qui dépend selon l’espèce. Si on le dépasse ou si on sort hors des périodes de chasse, c’est du braconnage, et c’est formellement interdit ! On ne le sait pas trop, mais la chasse permet aussi de réguler certaines populations animales pour préserver la biodiversité et sauvegarder l’équilibre de la nature.
De l’observation et de la patience
Je sais que certains pensent que c’est une pratique ignoble. Avant de pouvoir critiquer, il faudrait un minimum se renseigner. Je les invite à visiter les abattoirs et les fermes intensives d’animaux ! Les prédateurs chassent bien, eux aussi. L’animal n’éprouve pas de compassion envers sa proie. Dans la nature, c’est manger ou être mangé. Il n’y a aucune pitié.
On entend souvent parler des accidents de chasse, mais je crois que dans toute activité il y a des risques. C’est pour cela que certains bois sont réservés aux chasseurs. Je pense que les chasseurs doivent être responsables. Mais les personnes qui fréquentent les bois ou les espaces de chasse doivent aussi être prudents. Tout le monde doit faire attention.
La chasse, c’est une tradition familiale chez Jessime. Depuis tout petit, il accompagne son père et son grand-père dans la traque aux sangliers.
Je ne sais pas si j’aurais toujours envie de chasser une fois adulte. Mais je pense que ça me plairait. Cela dépendra de mes choix de vie, tout cela reste encore flou. Si j’ai des enfants, je pense que je leur ferai découvrir cette activité. Car c’est une pratique qui permet avant tout de se rapprocher de la nature, contrairement aux idées reçues. Cela apprend l’observation et la patience. Deux vertus importantes dans la vie.
Ferdinand, 14 ans, collégien, Brive-la-Gaillarde
Crédit photo Unsplash // CC Sebastian Pociecha