« Je pensais que j’étais juste bronzée »
« Hey, mouton ! Bozo le clown… ! Négresse ! » C’est le genre de remarques que je peux recevoir de la part de mes frères, de ma mère, de mes tantes et cousines, presque au quotidien. En particulier quand je me lâche les cheveux. Chose que je ne fais quasiment plus, du coup.
C’est dur de trouver sa place au sein d’une famille qui ne parle jamais d’identité. De toute ma famille maternelle, je suis la seule Noire. Certains diront que je ne suis pas noire car trop claire, mais pas assez pour être blanche non plus. Alors je suis quoi au juste ? C’est la question que je me suis toujours posée.
Je ne connais rien de mon père. Je n’ai aucun lien avec mes origines depuis petite. Mes frères et moi avons tous des pères différents et on n’en parle pas. On ne m’a jamais expliqué que si je n’ai pas la même couleur que mes frères, mes tantes, mes cousines ou même ma mère, c’est tout simplement parce que mon papa est noir. C’est un sujet tabou.
Pendant longtemps, je pensais que j’étais juste bronzée. Comme si je revenais de vacances. Au fil du temps, j’ai compris par moi-même que c’était ma peau. Pas un bronzage qui part au bout de quelques mois, mais la mienne. Et que cette couleur de peau, je l’aurai toute ma vie.
« Tu as été adoptée ! »
Grandir dans un contexte familial où on m’insulte de « Négresse », où mes frères s’amusent à dire que j’ai été adoptée, car noire, et où mes amis noirs me disent que je ne le suis pas assez pour comprendre ou me considérer comme telle, ça ne m’aide pas. Pire : je déteste qui je suis. Je hais ce que je vois dans le miroir, la texture de mes cheveux et l’entretien qu’ils demandent plus que tout. J’enchaîne complexe sur complexe et me répète sans arrêt : « Je serais tellement plus belle si j’étais blanche » ; « J’aurais dû naître blanche. »
J’essaie de m’accepter. Pendant le confinement, je me suis abonnée à beaucoup de comptes « body positive » et je regardais des vidéos pour m’informer sur la nature de mes cheveux. J’ai commencé à apprendre à mieux me coiffer et à mieux m’en occuper. J’admirais des mannequins noires de peau qui portaient fièrement leur afro.
Aujourd’hui, j’ai encore beaucoup de phases où je me déteste, où je n’accepte pas mon physique, notamment mes cheveux (oui, je fais une fixette), mais ça va mieux. J’assume davantage qui je suis. Quand je vois des filles métisses, je me projette avec mes propres enfants. J’aimerais qu’ils soient fiers de qui ils sont.
Lilou, 17 ans, volontaire en service civique, Lille
Crédit photo Pexels // CC Joseph Etchingham
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