Prendre des formes… à 12 ans
À 12 ans, je voyais des filles de mon âge avec des formes. Moi, j’avais toujours un corps de petite fille. Ça ne me posait aucun problème. Jusqu’au jour où j’ai entendu la remarque d’un garçon dans la cour de mon collège : « Planche à pain ! » Il avait déjà essayé de me parler sur les réseaux sociaux, mais je n’étais pas intéressée. Il s’est donc attaqué à moi et m’a fait vivre un cauchemar chaque jour.
À partir de là, chaque fois que je me regardais dans un miroir, c’était du dégoût. J’avais toujours été grande et mince. Mon idéal, c’était des cuisses plus épaisses et des hanches. Je savais que j’étais encore trop jeune pour que la puberté « développe » mon corps, mais la majorité des filles de mon collège avaient déjà un corps plus épais.
Je me suis mise à regarder toutes sortes de vidéos pour trouver des solutions miracles pour grossir : du sport aux recettes de smoothies, en passant par les compléments alimentaires. J’ai acheté un haltère et un élastique pour faire du sport chez moi. J’ai commencé un rituel quotidien, en cachette dans ma chambre, sans programme précis. Je préparais une grande bouteille d’eau, un tapis de gym pour les exercices au sol, puis je faisais des fentes, des squats, la chaise… pour muscler mes jambes. J’en faisais pendant une heure et demie jusqu’à épuisement. Il m’arrivait de prendre un pack d’eau pour faire plus de poids. J’avais des courbatures qui me brûlaient les cuisses. Je pensais que ça me montrait que les exercices marchaient. Mais je pouvais me blesser en réalisant mal les exercices puisque personne ne me conseillait.
« J’avais toujours le même corps que je détestais »
J’en ai parlé à ma maman. Elle me complimentait sur mon physique. Elle disait qu’en étant grande et mince, je pouvais faire mannequin ou Miss. J’ai dit à mes parents que je voulais m’inscrire à la salle de sport. Mon père m’a tout de suite fait oublier cette idée. Il m’a dit qu’à 12 ans, la musculation nuit à la croissance. Je restais persuadée d’être trop maigre. Je suis alors passée à la malbouffe. Je me gavais de chips, bonbons, gâteaux, fast-foods dès que mes parents me donnaient de l’argent de poche. Je rajoutais des matières grasses dans les plats que je cuisinais. Cette torture a duré au moins deux ans. Puis, j’ai abandonné l’idée de grossir.
Aucune solution ne marchait. J’avais toujours le même corps que je détestais. J’ai alors commencé à le cacher dans des vêtements larges et à me maquiller pour n’avoir l’attention que sur mon visage. Et puis, j’ai fini par apprendre à aimer mon corps. En me complimentant, en me répétant que j’étais belle, même si je ne le pensais pas forcément. Je me disais que ça ne servait à rien de culpabiliser, et d’arrêter de me torturer l’esprit à cause de ce garçon. Des amis, de la famille, et même des inconnus me disaient : « Vous êtes très mince mademoiselle ! » Sur le moment, je n’osais pas riposter. Je sais pourtant que ce genre de commentaire ne devrait pas avoir lieu.
Aujourd’hui, à 17 ans, je suis fière d’être comme je suis. Je ne fais plus de sport. J’ai réalisé que je n’aimais pas trop ça. Ma dernière séance remonte à mon année de terminale pour le bac. J’en faisais juste parce que c’était obligatoire. Les regards des autres ne me font plus peur.
Amina, 17 ans, étudiante, Île-de-France
Crédit photo Hans Lucas // © Lucie Pastureau
À lire aussi …
« Ma maigreur, un complexe qu’on m’a créé » de Tom, 15 ans. Comme Amina, sa morphologie a longtemps été pointée du doigt par son entourage et ses camarades. De ces réflexions sont nés des complexes.