Prêt à tout pour choper un bout
J’ai goûté pour la première fois au bédo à l’âge de 14 ans avec mes cousins. Au début, c’était cool. On rigolait tout le temps pour rien ! À force, on avait mal au ventre. On découvrait la « foncedalle » et on mangeait des gâteaux. Une fois le joint fini, je n’aimais pas la défonce. Cette sensation de déprime, de lenteur… j’étais tout mou et je badais.
Au début, je fumais juste en soirée. Parfois, je me forçais même. J’ai arrêté pendant quatre mois parce que j’étais avec une fille qui ne voulait pas que je touche à la drogue. Mais quand ça s’est fini avec elle, j’ai replongé.
C’est à ce moment que le piège se referme. Je commence à bien aimer la défonce. J’écoute des musiques tristes dans lesquelles je me reconnais. Dans ma folie de défoncé, je décide de sortir la bouteille de whisky. Du côté de la famille de mon père, ils sont tous alcooliques. Je veux goûter, voir ce que ça fait d’être bourré. Je bois cinq verres, fume cinq bédos et je vomis sur la terrasse de ma grand-mère pendant qu’elle dort.
Vendre pour acheter
À 16 ans, j’ai commencé un CAP en carrosserie. J’étais motivé au début, puis la drogue m’a rattrapé. J’avais la flemme d’aller au travail, j’attendais la paye et je réfléchissais à combien de grammes j’allais acheter, plus l’alcool. J’ai arrêté d’être assidu et j’ai fini par me faire virer. Quand j’ai fini de dépenser tout mon salaire dans ma cons’ et dans l’alcool, il fallait bien trouver des solutions pour s’en procurer. Du coup, j’allais voler des mangas à l’Agora (le centre commercial d’Évry) et je les revendais devant. Je faisais ça avec un pote. Ça a payé ma consommation pendant plus d’un mois. Puis un jour, mon pote, qui était parti voler seul, s’est fait attraper et j’ai arrêté.
J’ai contacté mon dealer et j’ai commencé à vendre pour lui. Il me filait des échantillons et des pochons. Je touchais mon billet et j’achetais ma cons’ comme ça. Je me suis aussi mis à carotte des potes pour gagner de l’argent. J’allais voir des gens dans mon quartier, je leur demandais de m’en avancer et je ne leur rendais pas.
Pleurer à cause du manque
Mes parents ont su que je fumais. Mon père m’a mis des baffes. Dehors, je me sentais mieux pour consommer tranquillement. Je disais à ma mère que je dormais chez un pote. Des fois, c’était vrai. Des fois, je m’endormais dehors, bourré, dans un garage.
Quand je n’avais pas ma cons’, j’avais des sueurs. Je pouvais devenir agressif ou me mettre à pleurer à cause du manque. Je finissais toujours par avoir ce qu’il fallait. Je ne me rendais pas encore compte que le shit, c’est la dépression. Sur le moment, ça calme la haine, alors qu’en vrai, ça l’amplifie car tu te renfermes.
Les fréquentations, ça jouait beaucoup. Je voyais des potes tous les jours. On fumait et on buvait ensemble. L’ivresse me rendait agressif et j’ai eu une période où je me battais souvent. Ça ne m’a apporté que des problèmes. Un jour, ils sont venus à cinq devant chez moi en pleine nuit, à 4 heures du matin. Je suis descendu avec un couteau, mais ma mère s’en est mêlée et ils sont partis en courant. Je m’en suis voulu : à cause de mes problèmes, ma mère était associé à tout ça. Alors, j’ai décidé de diminuer.
La flemme de tout
Quand tu commences le cannabis, au bout de quelques semaines tu deviens bipolaire, tu as des pertes de mémoire, tu perds confiance en toi et tu n’es plus sûr de ce qu’on te dit. Tu attends le moment où tu vas fumer avec impatience et tu as la flemme de tout, sauf quand c’est pour pécho ton bout. Tu deviens parano, tu commences à avoir des idées sombres du genre « tuer des gens, se mutiler, se suicider ». Tu penses que c’est toi contre le monde. Tu fais des insomnies, tu perds tout intérêt pour toute activité, sauf quand il s’agit de te détruire. Ça m’a provoqué de l’anxiété car ça augmente le rythme cardiaque. Ça cause aussi des problèmes respiratoires.
J’ai essayé d’arrêter. J’ai découvert le bien-être du sport et la sensation après une bonne séance. J’ai vu ça sur les réseaux. J’ai diminué ma consommation de joints et d’alcool. Un mois après, la drogue a fini par me rattraper et j’ai lâché le sport. J’ai déjà été voir un addictologue mais j’ai arrêté au bout de deux séances. Il m’accompagnait sur le moment, mais quand j’avais envie de fumer, il n’était pas là pour me dire de ne pas rouler ou de ne pas en acheter.
Ahmed, 17 ans, en formation, Évry
Crédit photo Pexels // CC Nikolas Resende
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