« J’ai vu la mort en face »
Rouge, bleu, violet. Le teint de mon voisin de 6 ans est passé par ces couleurs. Nous étions chez moi et il était en train de s’étouffer après avoir mal avalé une boulette de viande. Je n’avais que 10 ans mais j’ai tout de suite vu qu’il ne jouait pas la comédie et que c’était une vraie urgence. Une scène traumatisante.
Heureusement que ma grande sœur était là. Malgré la panique, on a eu le réflexe d’appeler mon père. Il n’était pas à la maison mais il est arrivé très vite sur place. Il n’a pas perdu une seconde et a pratiqué la manœuvre de Heimlich. C’est une technique qui consiste à ceinturer la personne qui est en train de s’étouffer et d’exercer des pressions avec ses poings au niveau de l’estomac. Ça a fonctionné. La boulette a été expulsée. Mon voisin a été sauvé.
Cinq années d’enfer
Cet épisode est toujours ancré dans ma tête et j’ai développé un traumatisme. Pendant longtemps, je n’arrivais plus à manger quoi que ce soit. Même de la purée ça me paraissait impossible. Parfois, j’avais même du mal à avaler ma propre salive. Je ne faisais que cracher. Mes parents devaient me menacer pour que j’accepte de manger.
Et ça ne s’est pas arrêté là. Toujours à cause de cet incident, j’ai développé une phobie scolaire. Je ne pouvais plus retourner à l’école et ma mère a fini par prendre la décision de m’inscrire à des cours en distanciel via le Cned. Ça a été dur au début car je n’étais plus avec mes potes, mais l’impact a été positif et mes notes ont commencé à augmenter.
Le traumatisme aura duré cinq ans. Cinq années d’enfer durant lesquelles les symptômes ont continué à se développer. Après la peur de m’étouffer en mangeant des aliments et la phobie scolaire, j’ai été frappé d’une agoraphobie sociale. J’ai arrêté la boxe que je pratiquais pourtant depuis deux ans et qui me permettait de passer le temps et de réduire mon stress. Je n’arrivais plus à sortir de chez moi. Je ne savais plus comment faire. Peur de l’étouffement, peur de la foule, l’impression d’être sur le point de mourir à chaque instant, claustrophobie… Voilà, ce qui a rythmé mon quotidien pendant cinq longues années. C’est comme si j’avais arrêté de vivre.
Une rencontre a tout changé
Ma seule échappatoire ? Les jeux vidéo. Ils me permettaient d’occuper mes journées et d’avoir le sentiment d’interagir avec les gens en étant protégé dans ma chambre. C’est aussi grâce aux jeux vidéo que je me suis fait un ami qui m’a beaucoup aidé face à ce traumatisme. Je ne saurais pas vraiment expliquer ce qu’il a fait ou ce qu’il a dit mais, avec lui, je me suis senti en confiance. On n’habite pas très loin l’un de l’autre et il a réussi à me convaincre de sortir de chez moi. J’ai essayé et j’ai réussi. Cette rencontre et la confiance vis-à-vis de lui, ça a tout changé !
Aujourd’hui, je mentirais si je disais que je n’ai plus peur. Il y a toujours des hauts et des bas. Mes angoisses, j’arrive à les canaliser grâce à des médicaments. Cela fait maintenant un an que je recommence à sortir avec des amis dans la vraie vie et j’ai aussi repris la boxe. Je vais trois fois par semaine à la salle. J’ai rejoint une association qui me permet de toucher un salaire et de retrouver une vie sociale. Et j’ai décroché quelques stages dans le domaine du sport ainsi qu’une alternance. Bref, j’essaie de tourner la page, de reprendre les choses en main. Je pense être sur le chemin de la réussite.
Rafaël, 16 ans, en formation, Faches-Thumesnil
Crédit photo Unsplash // CC Luke Pennystan
À lire aussi…
Phobie scolaire : des mois de thérapie pour en sortir, par Lilian, 16 ans. Impossible pour lui d’aller à l’école pendant de longs mois. Grâce à une thérapie, il a retrouvé une vie normale de lycéen.