Vincent K. 17/01/2025

« Même les bonbons ont doublé de prix »

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Vincent entend moins parler de l’inflation dans les médias. Pourtant il continue d’en ressentir les effets dans son quotidien.

J’ai beaucoup entendu parler de l’inflation. Surtout par mon grand frère, qui essaie de m’expliquer pourquoi on ne peut pas vivre comme avant. J’ai aussi vu ça sur la chaîne 15, BFMTV, que je regarde régulièrement, vers 20 heures. En ce moment, je trouve qu’on en parle moins, comme si c’était fini. Mais ma famille et moi, on est encore dedans.

Ma mère était aide-soignante. Quand elle travaillait, on était assez à l’aise financièrement. On pouvait faire quelques sorties, comme aller au restaurant en famille. On allait au McDo ou au KFC. On commandait un grand bucket tous ensemble et on mangeait sur place, on passait de bons moments en famille. Parfois, on allait voir des proches, pour se retrouver.

À la maison, on pouvait manger à notre faim. C’était souvent du riz-poulet, du poisson ou parfois des plats traditionnels du Congo comme le saka saka ou du manioc en sauce avec de la viande.

Quand j’allais faire les courses avec ma mère, on allait dans des grands magasins comme Carrefour pour avoir du choix. On essayait de faire attention aux prix pour ne pas abuser, mais sans plus. On achetait des articles assez haut de gamme, de marque, comme des steaks Charal ou des céréales Lion.

Des produits de moins bonne qualité

Sauf qu’un jour, ma mère est tombée dans le coma. Mon oncle est alors venu chez nous pour s’occuper de mon frère et moi. Mon père, lui, est mort il y a quelques années. On est restés pendant trois mois avec lui. Il ne nous préparait pas à manger, il nous achetait des fast-foods et nous envoyait les manger dans notre chambre. Il disait que ça coûtait moins cher que de faire les courses. On était un peu livrés à nous-mêmes. On n’avait plus les petits plats préparés par notre mère. Sa meilleure amie a ensuite vu l’état de la maison et a décidé de nous héberger jusqu’à ce que ma mère aille mieux.

Ma mère s’est réveillée, et heureusement, elle allait mieux. Maintenant, elle est rentrée, mais elle est en arrêt maladie. Elle ne touche pas tout son salaire et financièrement, à la maison, c’est devenu très compliqué. Surtout que les prix des produits du quotidien ont explosé.

On ne peut plus se permettre d’aller au restaurant. On n’a plus ces moments en famille où on se retrouve autour de la table et d’un bucket pour rigoler. Les courses, c’est devenu très difficile. Je vais au supermarché avec ma mère pour l’aider. Dès qu’elle touche son salaire, on essaie d’aller faire des grosses courses. C’est souvent le week-end, vers la fin du mois.

On ne va plus chez Carrefour, on va dans un supermarché Triangle. C’est un magasin halal discount, avec des produits bien moins chers que dans les autres enseignes. On ne prend plus les marques, de toute façon il n’y en a pas. On essaie juste de prendre les produits les moins chers en grande quantité, comme les céréales, le lait et les packs d’eau. La viande, on peut en manger autant qu’avant, mais juste, on achète un produit bien moins cher. Elle est beaucoup moins bonne. Je préférais les steaks Charal !

Comme tout a augmenté, ça fait deux mois que ma mère n’a pas pu payer la facture d’internet. Ça m’isole encore plus. Je ne peux presque plus jouer en réseau. Il me reste la 4G pour être un peu sur mon téléphone, c’est déjà ça. Ma mère m’a dit que ça devrait revenir en fin de mois, j’ai hâte !

Mon seul petit plaisir, c’est d’acheter des bonbons. Mais maintenant, ils ont doublé de prix. Je culpabilise parce que je continue d’en acheter quand même. 

Vincent, 13 ans, collégien, Villiers-le-Bel

Crédit photo Hans Lucas // © Riccardo Milani Illustration de l’intérieur d’un supermarché à Paris, France, le 19 octobre 2024.

 

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