3/4 Déménager, la délivrance
« Hé sale pédé ! » Voilà des mots que j’ai entendus un nombre incalculable de fois. Le collège a été plus ou moins un enfer pour moi. J’étais différent des autres. Un aspect en particulier m’a attiré des problèmes : je suis gay. Entre les chrétiens extrémistes qui me répétaient que j’étais une « erreur de la nature » et certains collégiens qui avaient du mal à accepter qu’on puisse être différent d’eux, j’en ai vu de toutes les couleurs.
Il m’arrivait souvent, dans les couloirs, de me prendre des claques à l’arrière de la tête. Des élèves me pointaient « discrètement » du doigt dans la cour. Certains manquaient d’inspi’ et me balançaient une insulte déjà entendue 600 fois, genre : « Pédé », un classique ; « Tes parents t’aiment pas », moins commun mais pas rare non plus. Parfois, c’était : « Tu vas aller en enfer ! »
Ignorants
En général, je ressentais surtout de la tristesse, pas tant parce qu’on m’insultait que parce que je voyais à quel point ils étaient ignorants. Ils voyaient juste quelqu’un de différent et ça les faisait rire. Je ne leur en veux pas vraiment, d’ailleurs. J’ose espérer qu’aujourd’hui, ils ont grandi, gagné en maturité et qu’ils se rendent compte qu’ils ont fait du mal. Bien sûr, les adultes qui font encore ça sont des cons, ça va de soi.
Comment ça a commencé ? Je ne me baladais pas avec un arc-en-ciel sur la figure… Tout a démarré avec la question d’un gamin qui avait passé un peu trop de temps sans surveillance sur internet. Il a demandé : « Hé, vous préférez Lana Rhoades ou Mia Khalifa ? » Deux actrices porno… Les autres répondaient sans hésiter. Mais vu que je n’y connaissais rien, je n’ai pas pu répondre.
Après plusieurs semaines à m’en prendre plein la gueule, presque tous les jours, j’ai décidé d’aller voir un adulte. Une brillante idée ? Non. Ce prof m’a dit qu’il allait parler avec certains des fautifs. Résultat : quelques jours plus tard, j’avais une réputation de poucave en plus de celle que j’avais déjà. Autant vous dire qu’après ça, j’ai encore plus gardé le silence que les dealers en garde à vue.
J’aimerais vous dire que j’ai eu du soutien de personnes importantes pour moi pendant cette période, mais ce serait mentir. Mes parents n’étaient pas au courant. Je ne voulais pas attirer plus l’attention sur ma situation. Je ne pouvais compter que sur moi-même. Deux ans après, je ne leur en ai toujours pas parlé.
« Je n’étais plus le pédé, j’étais le nouveau »
J’ai pu m’en sortir grâce à mon déménagement. Nouvelle ville : Carhaix. Nouveau collège. Et, surtout, nouvelle réputation. Je n’étais plus le pédé, j’étais le nouveau. Ce n’est jamais facile d’arriver dans un nouveau collège en troisième. Mais dans cette classe, je n’ai pas vu des gens qui se foutaient de moi, mais des gens qui se demandaient qui j’étais.
Je me suis vraiment rendu compte que les choses avaient changé quand j’ai dit à un très bon ami que j’étais gay. Sa réaction ? « OK, et ? » Je m’attendais à tout, sauf à ça. Il s’en foutait et ce n’était pas plus mal. Ça ne change rien !
En fin de compte, mon histoire se finit bien. C’est sûr que j’ai plus dû faire attention à ce que je disais. Quelques personnes le savent, mais les gens grandissent. Les lycéens sont bien plus matures que les collégiens !
Tout ça s’est passé quand j’avais entre 13 et 15 ans. J’en ai 17. Maintenant, les insultes, les blagues pourries, voire insultantes, je n’en ai plus rien à faire. Mais pour un gamin, comme j’étais, ça fait perdre la confiance en soi. On se remet en question. On se demande : « Est-ce que c’est de ma faute si les autres sont contre moi ? »
Vous allez peut-être dire que je rêve et que ça n’arrivera jamais, mais les cours d’éducation sexuelle au collège devraient parler d’homosexualité. Dans mon cas, on n’en a absolument pas parlé. Le cours était uniquement sur la reproduction et un peu la protection contre les maladies. En parler, ce serait l’occasion de rappeler à tous que c’est une chose normale et pas un fléau à éradiquer ou une maladie !
Manuel, 17 ans, en recherche d’emploi, Carhaix
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)
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Yanis, le meilleur ami de Ben, a été victime de harcèlement. Face à l’inaction des adultes du collège, Ben a décidé de prendre les choses en main.