Peser ses mots
Depuis que je suis petite, mes parents me disent de ne pas manger beaucoup, sinon je risquerais d’être en surpoids. À longueur de journée, ma mère me fait des remarques. Je réalise bien que j’ai grossi, mais moi je m’aime comme je suis. Il y a beaucoup de fois où j’ai pleuré à cause de ça.
Maintenant, quand je vois des filles maigres sur TikTok, je me dis que j’aimerais bien être comme elles. Mais si je maigris, ce ne sera pas mon choix à moi. Je me suis déjà retrouvée à faire une semaine sans manger. Ça a été la pire semaine de ma vie. Je me disais qu’en ne mangeant rien, j’allais maigrir, mais ça n’a fait que m’affaiblir.
Ma mère ne fait attention à mon poids que quand elle me voit grossir. Si je mange trop, j’ai toujours le droit à une remarque. Je m’y suis habituée, même si des fois ça me fait mal de l’entendre.
Mes parents me disent que les remarques sont pour mon bien-être physique et mental, car être en surpoids n’est pas facile au niveau des remarques, du harcèlement. La société a une perception du physique très précise : si tu ne corresponds pas à ces critères, c’est qu’il y a un problème.
« Chaque jour, une remarque de mon père »
Cette année, mon père n’a pas voulu m’inscrire à la boxe, car pour lui je dois me concentrer sur l’école. Mais il n’a pas pensé au fait que j’allais grossir. Pour lui, il suffit juste de faire attention à ce que je mange et de ne pas grignoter. Mais ça ne marche pas comme ça.
Maintenant, je reçois une remarque de sa part chaque jour, comme quoi je mange trop, mon plat est trop chargé. Mais moi, je n’arrive pas à manger qu’un tout petit peu. Je vais toujours manger jusqu’à avoir mal au ventre. Je sais que ce n’est pas bien mais je n’arrive pas à faire autrement.
« Je m’enferme souvent dans ma chambre »
Mes parents sont séparés depuis que j’ai 6 ans. J’habite une semaine chez mon père et une semaine chez ma mère. Un dimanche soir, je fais mes sacs pour aller chez mon père. Cette semaine-là, j’avais mangé les trois-quart d’une plaquette de saumon fumé. Ma mère parle de ce qu’elle va faire cuire pour le dîner. Elle cherche la plaquette de saumon, et ne trouve qu’un quart. Elle me demande si c’est moi qui l’ai mangé, je lui dis que oui. Et là, d’un coup, elle me crie dessus. Elle me traite de grosse. Elle me dit que c’est mieux quand je ne suis pas là, car je mange tout, que ce sont des économies pour elle.
Je ne pouvais pas pleurer car sinon mon père allait le remarquer et ça allait faire des problèmes. Du coup, je suis juste restée dans ma chambre à regarder le sol.
Ma mère n’a pas pensé une seule seconde à ce que ça allait me faire. J’ai attendu de rentrer chez mon père. Je me suis enfermée dans ma chambre et j’ai pleuré toute la nuit. Mon père ne l’a pas remarqué parce que je m’enferme souvent. Ma mère a eu le culot de revenir comme si de rien n’était, mais je lui ai fait comprendre que ce n’était pas normal et qu’on ne dit pas ça à son enfant.
Jenna, 16 ans, lycéenne, Asnières-sur-Seine
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