Subir son quartier
J’ai l’impression de n’être au Blosne que pour dormir. D’être dans un un quartier où l’on passe plus de temps à subir qu’à vivre. Depuis six mois, je vis dans une cité-dortoir à Rennes où l’insécurité et l’insalubrité font partie du quotidien, au point que l’on s’habitue presque à la peur. Je n’avais jamais vécu ça. Pourtant, j’habitais il y a peu encore à Stalingrad, dans le 19e arrondissement de Paris, un endroit connu pour ses problèmes liés à la drogue. Là-bas, la violence semblait éloignée des habitations. Ici, elle est au pas de ma porte.
Le quartier du Blosne est composé de tours et de quelques maisons. Il y a bien des boucheries, fast-foods et boulangeries, mais ça ne suffit pas pour alimenter un quartier aussi peuplé. Le manque d’épiceries, supermarchés et restaurants se fait cruellement sentir. Les lieux culturels et les espaces de loisirs sont limités.
« Pas en sécurité »
Les dégradations sont fréquentes. Les locaux et les cages d’escaliers sont souvent vandalisés. Dans l’immeuble où j’habite, presque chaque matin, je sens des odeurs nauséabondes. Parce que des personnes se permettent d’uriner, de déféquer et de laisser leurs déchets par terre.
Je plains les femmes de ménage et les agents de proximité qui tentent de maintenir un minimum de propreté. J’en ai déjà discuté avec eux. Ils me confient leur fatigue et leur découragement face à la répétition de ces incivilités. Une fois, j’ai vu un voisin, pourtant plutôt sympathique, balancer les couches de sa femme âgée depuis son balcon. J’étais abasourdi.
Je ne me sens pas toujours en sécurité. Quand je sors de chez moi, je redoute parfois de tomber sur des drogués ou des sans-abri. Près des places publiques comme celles d’Italie ou du Blosne, j’en vois parfois brûler des déchets pour se réchauffer.
Il m’est aussi déjà arrivé d’entendre frapper violemment à ma porte d’entrée. Une fois, c’était une personne en état d’ivresse qui réclamait de la nourriture. Une autre fois, en fin d’après-midi, j’ai assisté à une altercation dans le hall. Un homme alcoolisé s’en est pris à mon voisin parce que ce dernier refusait de lui donner des vivres. L’agresseur criait, menaçant de « tout casser ». J’étais tétanisé. Depuis cet épisode, j’évite de traîner trop longtemps dans les parties communes, surtout le soir.
Malek, 17 ans, en formation, Rennes
Crédit Pexels // CC cottonbro studio
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