Mon alternance est court-circuitée par la Covid
« Bonjour, je m’appelle Benoit, je suis en formation bac pro et je suis à la recherche d’une alternance en entreprise. » Cette phrase, je l’ai répétée des dizaines de fois. Et même plus encore. Après trois mois de recherche, j’ai fait le compte : 60 appels au total et plus de 180 mails envoyés depuis septembre. Mais voilà, je n’ai toujours pas trouvé de lieux d’apprentissage.
Lors de mon dernier coup de fil la semaine dernière, une femme m’a simplement répondu : « Laisse-nous tes coordonnées, et si le patron est intéressé, on te rappelle. »
Huit jours après, toujours rien.
Tous les apprentis de ma classe sont déjà en entreprise, excepté moi. Pendant qu’ils bossent, je passe ma vie à faire des courriers. J’appelle, mais je ne trouve jamais. Une dizaine d’entreprises m’ont déjà fait la réponse suivante : « Nous ne prenons pas d’apprentis en raison des restrictions sanitaires. »
Sans alternance, j’aurai perdu un an de ma vie
Face à tous ces refus, je me sens un peu perdu, fatigué et en colère. Car il me reste très peu de temps pour trouver une entreprise. J’ai jusqu’à fin décembre, en théorie, pour signer une convention et débuter mon bac pro Melec (métiers de l’électricité et de ses environnements connectés) en alternance.
Si je ne trouve pas, je devrai stopper ma formation. Récemment, un responsable du CFA (centre de formation des apprentis) m’a expliqué qu’ils avaient reporté au mois de février la date limite pour s’adapter à la crise actuelle, mais cela reste tout de même un grand sujet d’angoisse que je garde pour moi.
La plupart des élèves ont trouvé grâce au piston
Nous avons bien du coaching au CFA, pour nous aider à nous exprimer au téléphone, à rédiger des e-mails, à bien tourner les CV. Manifestement, cela ne suffit pas. La plupart des élèves ont trouvé grâce à leur famille, aux réseaux de leurs parents. Mon oncle électricien a demandé à son entreprise, sans succès.
À cause de la Covid-19, l’avenir des mineurs isolés étrangers est entravé. Louise est éducatrice, et entre les recherches d’emplois suspendus et les formations en stand-by, difficile pour elle de les aider à s’intégrer.
Ce qui me gêne le plus dans cette histoire, c’est que tous ceux qui sont déjà en entreprise sont rémunérés. Ils peuvent s’acheter des choses, pas moi. Et Noël approche. J’avais prévu de faire des dépenses : passer mon BSR (brevet de sécurité routière), m’acheter une voiture sans permis, un téléphone, des vêtements, etc. Tout cela est impossible, pour le moment. Le virus a tout gâché. Donc je dois encore chercher jusqu’en février en espérant trouver. Si je ne trouve pas, je serai en galère, j’aurai perdu un an de ma vie et de l’argent. Et je n’ai pas de plan B.
Benoit, 15 ans, en formation, Melun
Crédit photo Unsplash // CC Nadine Shaabana