En classe, on m’a toujours dit que j’étais nulle
En CE1, on découvre que je suis dysphasique. Dys quoi ? La dysphasie c’est un trouble du développement du langage. En gros, ça veut dire que j’ai des petites difficultés de compréhension et d’expression à l’écrit.
Bref, je vous laisse imaginer le nombre d’heures que j’ai dû passer chez l’orthophoniste !
Arrivée en classe de CM1, je me retrouve avec une maîtresse trop cool, patiente et compréhensive. Mais ma maîtresse est un jour remplacée par son opposée : une stagiaire trop jeune, impatiente et sans expérience. Mon cauchemar commence !
La stagiaire perd patience avec moi, me met toujours à l’écart et me laisse toute seule dans mes activités. À chaque bulletin, elle annonce à mes parents que je ne veux pas travailler et balance arbitrairement que je suis nulle et que je ne ferai rien de ma vie.
Ma mère est prof des écoles, elle aussi. On reprend ensemble chaque exercice, chaque leçon et chaque contrôle, et ça, presque chaque soir.
Difficile mais pas impossible
J’arrive au collège en espérant que le cauchemar s’arrête. Grâce à quelques profs bienveillants, je n’ai aucune remarque et ma scolarité suit son court sans trop d’encombres… Mis à part mon orthophoniste qui conseille à ma mère de m’envoyer faire une formation de… palefrenier, sous prétexte que je suis bonne cavalière et que je pars souvent en Normandie pour y monter à cheval.
J’arrive en seconde et je me dis que tout est derrière moi, que le lycée, c’est un nouveau départ. Et je pars déterminée, avec l’objectif d’obtenir un bac S comme mes sœurs. Mais ce putain de cauchemar reprend de plus belle !
Pendant mon année de seconde, un prof m’a dans le viseur. Toute l’année en classe, j’ai le droit à des « pourquoi tu n’es pas allée dans la voie professionnelle ? », « tu n’arriveras jamais à passer ton bac si tu vas dans la filière scientifique », « qu’est-ce qu’il se passe, pourquoi t’arrives à rien ? ». À la fin de l’année, la sentence tombe : ils veulent m’envoyer dans une filière technologique dans le milieu de l’agriculture.
« T’y arrives pas, pourquoi t’es partie en générale ? »
Je ne me démonte pas et je prends la décision, avec le soutien de mes parents, de redoubler. J’ai de la chance, mon frère jumeau redouble avec moi pour manque de travail. Ça me rassure un peu, je ne suis pas la seule dans cette galère.
Pendant ma deuxième année de seconde, j’ai le sentiment que ma vie refleurit : je peux entrer en première ES !
Mais à nouveau, mon année de première est un calvaire… Cette fois, ce n’est pas un prof que j’ai sur le dos mais TROIS ! C’est le retour des remarques rabaissantes en classe du genre « moi à ta place je me sentirais nulle d’avoir toujours des mauvaises notes », « t’y arrives pas, pourquoi t’es partie en générale ? ». Ils ont encore voulu me réorienter, mais cette fois-ci pour être garde forestier ou jardinière. J’arrive finalement au bout de mon année… mais pas au bout de mes peines.
En terminale, j’ai l’objectif d’avoir mon putain de bac et de quitter ce cauchemar ! Mais c’est l’année de la descente en enfer…
Je retrouve une des profs qui m’a rabaissée l’année précédente. Toute l’année, elle me fait clairement comprendre que je suis nulle et que je n’aurais jamais mon bac. Et pour ne rien faciliter, je chope cette année la mononucléose. Le truc où t’es bien crevé pendant très très TRÈS longtemps ! La prof en question en profite pour m’enfoncer encore plus. Elle s’acharne sur moi en cours et à chaque conseil de classe.
Sur mes copies de DS, j’ai le droit à des commentaires acérés : « La méthode n’est encore pas respectée », alors que je ne faisais que ça, appliquer à la lettre sa méthode aussi rigide qu’elle. Ou d’autres conseils très avisés : « Choisis les épreuves composées plutôt que la dissert’ si tu veux avoir ton bac. » Un vrai calvaire. Et je crois bien que ça a réussi à me faire couler : je n’ai pas eu mon bac.
Je l’aurai ce bac, je l’aurai
C’est parti pour une cinquième année de lycée… Je passe par miracle au travers de ces profs rabaissants et j’arrive enfin à avoir ce putain de bac !
« Impossible », Chloé aussi l’a trop entendu. Elle est dyslexique et aujourd’hui elle s’apprête à réaliser ses rêves.
Le système scolaire n’a pas beaucoup aidé. Pour le genre de difficultés comme la dysphasie, on a le droit d’avoir un tiers-temps pour les examens. J’y ai eu droit en troisième et à ma première seconde, mais on me l’a refusé pour les épreuves du bac. Mes difficultés étaient jugées comme pas assez handicapantes.
Aujourd’hui, le cauchemar est terminé et j’ai pu intégrer le DU PAREO. Ici au moins, personne n’est là juste pour me dire que je suis nulle et que je n’arriverai à rien.
Ondine Ragueneau, 20 ans, étudiante, Vanves
Crédit photo : Adobe Stock // CC Olivier Tabary
Réponse à Caro , il y a de bons et de mauvais profs mais aussi de bons et mauvais orthophonistes .Mon fils n’a été diagnostiqué qu’à 14 ans ça a été une vraie galère pour lui et des personnes rigides aux idées arrêtées et arrièrées lui ont fait vivre un cauchemard .Maintenant , normalement l’homme a la capacité de se remettre en question, sauf qu’il est bien plus simple de stigmatiser plutôt que de tendre la perche….Où est l’humanisme ? Et l’humanité dans tout cela ???
Moi quand j’étais au collège j’était nul dans toutes les matières j’aimais juste dessiner j’ai attendu d avoir fini ma 3ème ensuite j’ai quitté le collège et maintenant je ne sais pas quoi faire.
Bizarre. La dysphasie affecte le langage oral (et donc des retombées sur le langage écrit). Tes difficultés auraient dû être mises à jour bien avant… Signée une orthophoniste dépitée par de faux témoignages publicitaires…
Quand je lis ton témoignage j’ai l’impression de voir mon fils dysphasique. Il faut vraiment que l’éducation nationale s’adapte à ses enfants dysphasique car l’écrit et l’oral sont touchés. On ne doit pas demander à ces jeunes de rediger, c’est impossible pour eux avec toutes les méthodes du monde… ni de les évaluer en langues étrangères. Le français est une langue étrangère pour eux…
Félicitations pour ton parcours, pour vos parcours.
Je suis enseignante, j’accompagne chaque année quelques dys dans mes classes sur leur chemin scolaire et je confirme que c’est un vrai chemin de croix pour eux car la majorité des enseignants ne savent pas ce que sont les dys, n’ont reçu aucune formation et refusent la » charge de travail » que cela incombe. Et pourtant se mettre à leur rythme, alléger la charge de travail, accompagner leur appréhension des sujets n’est pas si chronophage… Mais vos dysférences les placent surtout face à leurs dysfficultés. Et c’est cela qu’ils n’aiment pas ! Moi à chaque fois ce sont de belles rencontres car j’apprends beaucoup avec eux. Nouvelles pédagogies, nouveaux outils de mémorisation, variation des outils d’évaluation ! Et surtout apprendre à faire confiance !
Je suis très touchée par ton témoigne, très touchée par ce *harcèlement *que tu as subbi. Et bravo pour ta détermination et ton courage, je sais que le parcours a été très difficile, le mot est faible. …
Ton récit m’a ému, j’ai aussi témoigné à la ZEP sur mon parcours scolaire, car les profs et des élèves se moquaient de moi et ne croyais absolument pas en moi.
Pour ma part, je te souhaite une très bonne continuation, je pense que tu mérite le meilleur, et qu’importe les jugements ne te laisse pas faire.
Tu veux devenir garde forestière ? Tu peux le faire. Tu veux devenir palefrenier ? Tu peux le faire. Tout est possible, ta seule limite et ta détermination et tes rêves.
Félicitations pour ton courage, tes anciens professeurs ne se rendent pas compte de ton potentiel.
Salut !
Ton temoignage me touche, je suis egalement membre de la grande famille des dys ! Je ne suis pas dysphasique mais dyspraxique, dyscalculique, dysgraphique.
J’ai deja temoigne sur la zep plusieurs fois pour parler de ces handicaps. Je suis heureuse de voir que je ne suis pas la seule et que la parole se libere enfin !
Felicitations pour ton bac ! Et ton combat ! N’ecoutes jamais ceux qui te rabaissent… ils ne savent rien des troubles dys ni de ce que nous devons traverser. Et oui, les troubles dys sont de vrais handicaps mais ca n’empeche pas de reussir. Je connais plein de dys qui sont dans des filieres prestigieuses aujourd’hui.
L’ironie de la chose c’est que, pour ma part, j’ai reussi mes etudes sans probleme, mais ma dyspraxie tres forte m’empeche de faire le metier que je souhaite, dans le domaine de la nature ou des animaux : garde-forestier, palefrenier… autaut de metiers qui m’auraient tentee si j’avais pu. Ceux-la meme qu’on a voulu te forcer a prendre ! Comme quoi…