Entourée de gangsters qui ne veulent pas que je leur ressemble
J’habite à Paris dans un quartier sans histoires. Depuis petite, j’ai toujours été tiraillée entre deux chemins très différents, entre un tempérament raisonnable et un désir d’émancipation.
Tous les grands de mon entourage ont des projets d’avenir pour moi : devenir une jeune fille de bonne famille, bien éduquée, polie et, bien sûr, qui fasse de bonnes études pour arriver à une situation stable.
Mais je ne suis pas comme les autres filles à l’école. Moi, j’aime la bagarre et le foot. Du coup, j’ai commencé très jeune à traîner avec les garçons de mon quartier. Un quartier calme et résidentiel, presque chic à première vue. Seulement, c’est aussi devenu une planque pour tous les voyous des alentours, les petits jeunes qui veulent se faire de l’argent sans vraiment travailler, poussés par les plus grands.
Petite, je voyais les grands partir dans les îles en plein mois de Décembre, rouler dans de belles voitures, être respectés… J’ai vite compris que je voulais être comme eux. A côté, je voyais mes parents se lever à 6h et prendre le RER par un froid glacial. Je ne voulais pas de cette vie.
Ma mère, mon modèle malgré elle
Plus je grandissais, plus les espoirs de ma mère s’éloignaient. Souvent, je l’écoutais parler de sa jeunesse. À la rue, sans famille ni argent, ni personne pour croire en elle, elle est devenue une femme respectée dans un milieu d’hommes on ne peut plus hostile. Elle les a tous terrassés. Trafics douteux, cambriolages, elle a bravé tous les interdits, toutes les lois et à vécu comme le plus grand des bandits.
Elle a tout fait pour éviter que je lui ressemble, mais c’est trop tard. Je suis comme elle et je sais qu’au fond, elle est partagée entre frayeur et fierté.
Même si j’étais une élève agitée, mes profs avaient eux aussi de grands projets pour moi. Au fil du temps, je suis devenue plus présentable et féminine. Je suis devenue ce que les gens voulaient que je devienne. L’idée de décevoir les gens qui croyaient en moi m’était insupportable. À 17 ans, j’ai obtenu mon bac L avec mention.
L’été qui a suivi, je suis restée à Paris à me demander ce que j’allais bien pouvoir faire… La plupart de mes copines étaient parties en vacances. Je me suis retrouvée avec mes cousins, propriétaires d’un petit commerce dans un quartier sensible de la capitale. Ils m’ont proposé de rentabiliser mon été en devenant vendeuse.
Seul problème : tous les commerçants des alentours étaient des hommes, j’ai donc dû faire ma place. Leurs commerces n’étaient pas vraiment légaux. Je les voyais se remplir les poches tandis que je travaillais du matin au soir pour un maigre salaire ! Tout ça pour me payer une semaine de vacances dans un vieux camping à côté de Marseille ?!
Un plan de vie tout tracé qui m’écœure
Eux faisaient des allers retours entre Marrakech, Dubaï et la Thaïlande… et moi, j’étais là. Ils me riaient au nez quand que je disais que moi aussi je voulais faire des affaires et être riche, que moi aussi je voulais partir dans un Riad à Marrakech et pas dans un camping zéro étoile à côté de Marseille.
Pour eux, Marrakech n’était pas une destination pour les femmes car les femmes ne faisaient pas d’argent : elles accompagnaient seulement les plus grands bandits qui se remplissaient les poches. Moi, j’étais une femme à marier, avec un comportement un peu trop masculin… mais j’étais une fille bien, mon mari allait devoir me dompter et m’apprendre à fermer ma bouche, c’est tout.
Ils me disaient tous qu’ils n’avaient pas eu le choix alors que moi j’étais forte dans les études, que j’étais protégée et naïve, que c’était simple pour moi car j’allais trouver un bon métier, un bon mari et devenir mère. Même si cela sonnait comme un compliment dans leurs bouches, c’était pour moi la plus grande des insultes. Ce plan de vie tout tracé m’écœurait au plus haut point.
Plus je les écoutais parler, plus j’avais envie de m’enfuir, de leur prouver que j’étais capable de faire comme eux, mieux qu’eux même, un jours ils verront, ils me respecteront…
Seulement, c’est bien beau d’avoir faim de gloire et d’argent, mais, après mon bac, je me suis inscrite à la fac. Je ne dois pas décevoir mes parents ni ma famille. Je suis coincée… J’ai de la chance, j’ai été protégée, j’ai un avenir, je suis intelligente. Alors, en attendant, j’ai abandonné l’idée d’être une gangster.
Lou L., 18 ans, étudiante à Paris
Crédit photo Adobe Stock // © Monkey Business
Je trouve ton témoignage très touchant. Garde intactes ta rage de réussir et ta confiance en toi. Comme ta mère, fais-toi respecter, mais dans un vrai métier qui te passionne. Les belles voitures et les voyages à Marrakech, ça fait rêver quand on est jeune, mais tu peux attendre bien plus de la vie. Alors, bravo, oublie les gangsters et fonce !
Ouais, tu veux du frisson, essaye de payer un loyer déjà, et dans quelques années tu peux être sûre et certaine que tu seras contente d’avoir été au chaud et ton délire « gangsta » te paraîtra une débilité totale, et ça te fera peur pour tes gosses ! Quant aux voyous dont tu parles, ils ne prennent pas leur pied, ils stressent à chaque instant à l’idée d’être suivis, pistés, contrôlés, serrés par la concurrence, sans parler de la taule, etc.