J’ai appris de mes échecs scolaires
À partir du lycée, j’ai de plus en plus décroché du système scolaire, jusqu’à finalement me retrouver au pied du mur et devoir changer ma façon de voir le monde et les cours. Sans quoi, j’aurais fini en échec scolaire et abandonné mes études.
Si j’en garde d’excellents souvenirs sur le plan personnel, le lycée a été particulièrement compliqué à vivre pour moi. Ça peut être difficile à croire, mais on peut avoir une vie tout à fait normale et confortable en tout point, et pourtant décrocher des études. Je n’ai pas d’excuses valables pour expliquer mon échec. Je ne viens pas d’un milieu défavorisé, je n’ai pas de problème de santé ou de handicap, mes parents ont toujours tout fait pour m’aider. J’avais tous les outils à ma disposition pour m’en sortir. Et pourtant, je suis passé d’un bon élève (surdoué, d’après le psychologue), studieux, curieux et apprécié des profs, à une personnalité creuse et paresseuse.
J’ai fini par dormir en cours
Depuis toujours, j’ai vu l’école comme une contrainte. Une prison. Un temple dédié à un savoir mort et ennuyeux. Enfant, j’étais pourtant curieux de tout. Mais je n’ai jamais pu me forcer à retenir toutes ces choses sans intérêt qu’on y enseigne. Savoir toutes ces choses n’a pas changé ma vie. Je ne me rappelle pas non plus m’être un jour forcé à lire l’un de tous ses livres qu’on nous demande de travailler à l’école.
À force de m’y ennuyer, j’ai fini par dormir en cours, de plus en plus souvent, puis systématiquement. Je ne prenais même plus les cours, et donc ne révisais pas non plus. J’arrivais aux contrôles et évaluations sans aucune préparation, et donc logiquement, mes notes baissèrent drastiquement au fil du temps. Lorsque cela est arrivé, il ne me restait plus que l’orgueil, une arrogance mal placée qui m’empêchait de me remettre en question. Je me disais simplement que j’étais au-dessus de ça. Que je n’avais pas besoin ni de travailler ni de réviser, ni de me donner du mal et encore moins de demander de l’aide à quelqu’un, comme si cela aurait été une honte ou une preuve de faiblesse. Demander de l’aide était vraiment au-dessus de mes forces.
Je voyais les profs comme des dinosaures
J’ai créé des tensions au sein de ma famille, j’ai fait souffrir mes parents. Je voyais de la haine dans leurs yeux, là où il n’y avait que de l’inquiétude. L’orgueil est un doux poison, qui rassure mais fait perdre toute possibilité de se reprendre en main. Pourquoi se relever quand on pense que ce n’est pas nous, mais les autres qui ont tort ?
Au lycée, je manifestais finalement plus d’intérêt pour les filles que pour les études, comme beaucoup d’autres j’imagine. Mais les autres avaient plus de volonté que moi. Ils avaient plus le goût de l’effort, plus l’envie de réussir. C’était trop facile de mettre mon échec sur le dos des profs, ce que j’ai toujours fait. Au lycée, je les voyais comme des dinosaures, plongés dans le formol, sous respirateur artificiel. Comment des gens qui ne savent pas envoyer un mail pourraient-ils m’apprendre la vie ? Mon père détestait cette façon de penser.
L’école, Gianni ne l’a jamais beaucoup aimée non plus. A 22 ans, il enchaîne les petits boulots et se dit que oui, ses parents, les profs, il aurait peut-être dû les écouter.
J’ai finalement obtenu mon bac, sans aucune gloire et sans pour autant changer d’attitude. Et la première année en études supérieures a été le paroxysme de ma baisse de motivation. J’ai intégré un DUT sans grande ambition ni envie, sans avoir une idée bien précise de ce que je voulais faire plus tard. À part lire, pas grand-chose ne m’intéressait. Alors j’espérais pouvoir devenir libraire et j’ai postulé sans réfléchir à cette école en suivant cette pulsion quelque peu hasardeuse qui m’était venue un jour lors d’une réunion d’orientation avec ma professeur principale de terminale, et qui ne m’avait plus quitté depuis.
Au départ, ça ne plaisait ni à mes parents, ni au CIO, qui n’y voyait qu’une voie sans issue ni perspective d’avenir. Et au final, j’ai vraiment souffert de cette première année où rien ne semblait me correspondre. Tout paraissait lointain, sans importance, et je n’avais aucune idée de ce à quoi tous ces cours pourraient bien me servir. Et si les profs étaient sympathiques, j’avais toujours autant de mal à adhérer à leur méthode pédagogique. Les premiers zéro firent mal. J’ai finalement redoublé, il fallait s’y attendre, c’était la suite logique. Mais ce ne fut pas, comme je l’avais toujours craint, le déferlement d’une honte et d’un apitoiement total. Ce fut au contraire le meilleur des électrochocs.
J’étais la raison de mon échec
Ce que j’avais toujours redouté s’est révélé être une très bonne chose. Après ça, j’ai retrouvé ma soif de réussite, et j’ai dû apprendre à retravailler. J’ai compris que j’étais la raison principale de mon échec et donc, que je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. Accuser les profs n’était qu’une forme de lâcheté, de fuite. Mais une fois qu’on a touché le fond, on ne peut que remonter alors j’ai mis mes compétences à profit pour réussir au mieux cette année. C’était véritablement pour moi une forme de baroud d’honneur. Foutu pour foutu, je pouvais bien me donner à fond pour voir ce qui en sortirait. Savoir si je continuais mes études, ou si je passais à autre chose. Dans mon lit le soir, j’écoutais Orelsan dire : « J’ai presque abandonné sans faire ma deuxième livraison. Mais bordel, j’ai fait le plus dur, autant tenter un salto avant d’échouer au pied du mur. » Et rien que ça, ça me donnait une énergie incroyable.
Aujourd’hui, grâce à mes efforts, j’ai pu intégrer une troisième année de licence que je compte bien réussir. Comme dit toujours mon père : « C’est au pied du mur que l’on voit le maçon. » Pour réussir, il faut se battre et avoir le goût de l’effort. J’ai recommencé cette année et me suis donné à fond. Et tout a vraiment changé dans ma façon de voir le monde, et de me voir moi-même. Mon seul regret aujourd’hui, c’est de ne pas avoir échoué plus tôt, tant cela m’a apporté.
Thomas, 21 ans, étudiant, Saint-Cloud
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