Sophia F. 18/12/2017

J’ai quitté mes parents pour étudier à l’autre bout du monde

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Colombienne, Sophia a étudié dans un lycée français en Colombie. Et après son bac, elle a décidé de poursuivre ses études en France.

« Y, cómo es el alfabeto, mi niña ? », me demande ma mère.

J’étais en train d’apprendre ça à l’école, donc j’ai répondu spontanément, en chantonnant, ce que j’avais appris : «  A, B, C, D, E (…) L, M, N, O… »

« Y la ñ ? »

Ces situations ont été récurrentes tout au long de mon enfance. Je suis 100% Colombienne et j’ai appris l’alphabet francophone avant même de découvrir qu’il existent un « n » avec un accent qui se prononce « gn ». J’ai appris à repérer les principales villes françaises avant d’arriver à identifier les régions colombiennes.

Un lycée français dans un pays du « Tiers Monde » est une petite bulle européenne. Une bulle dans laquelle je me suis habituée à vivre de 7h30 à 15h30 du lundi au vendredi. Une bulle où j’ai raisonné en termes d’euros en cours pour ensuite aller acheter mon goûter en pesos. Une bulle où je me suis préparée pour le bac pendant que le reste du pays se préparait pour l’ICFES. Une bulle où les 8 500 km qui me séparaient de la France semblaient insignifiants.

Lorsque la question de l’orientation m’a été posée, j’ai eu l’idée de poursuivre mes études dans ce système français d’éducation qui me semblait si familier. Pour moi, c’était cohérent : aller vivre toute seule dans ce pays, ma deuxième patrie, m’enthousiasmait. Mais, à 17 ans, mon choix devait d’abord être approuvé par mes parents !

Mes parents n’étaient pas partants

Au début ils n’étaient pas vraiment d’accord. Lorsque l’on parle d’aller étudier à l’étranger à des personnes qui, comme moi, ont vécu toute leur vie dans un même pays, la première question qui se pose est celle du coût… « Mais l’euro est hyper cher ! Reste ici, on ne peut pas se permettre de t’envoyer en France ! » C’était le slogan de mes parents.

Ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’en France, l’éducation publique ne coûte rien si on compare avec les universités à Bogota. Une année à Los Andes coûte environ 30 000 000 pesos, soit 8 400 euros par an pour une licence qui en dure 5 ! Petit à petit, j’ai démontré à mes parents qu’économiquement, venir en France était la meilleure option.

Avant de prendre une décision définitive, je me suis demandé : Qu’est ce que je veux faire ? Où ? Et est-ce que je vais être toute seule ?

Mon choix s’est porté vers une licence de cinéma à Paris. Mes parents m’ont rétorqué : « Vivre à Paris reste très cher et il est très difficile de réussir dans le monde du travail avec une telle licence. » Une double licence LEA / Droit à Nantes ? « Tu connais personne à Nantes ! Tu vas déprimer ! De plus, si tu fais droit tu ne pourras pas travailler en Colombie plus tard. » Une double licence Économie-Sociologie à Nice ? « T’es folle ? Tu connais personne. Et vivre à Nice, c’est presque aussi cher qu’à Paris. »

Je ne voulais pas prendre une décision d’une telle importance en fonction des gens que je connaissais. Mais je me disais qu’un visage connu dans une ville inconnue pouvait faire la différence pour m’adapter !

Désillusion : je me suis trompée de licence !

J’ai donc choisi Toulouse, une ville avec un coût de vie pas si élevé que ça et dans laquelle je connaissais des gens de mon lycée. Comme la double licence Sociologie-Économie n’existait pas, j’ai choisi une licence mention Sociologie-Économie… ce qui n’est pas du tout la même chose.

J’ai vite réalisé que je m’étais trompée de licence ! L’approche économique était beaucoup plus hétérodoxe que ce à quoi je m’attendais. Les heures de cours étaient limitées et souvent annulées en raisons des grèves. Je n’étais pas du tout contente de mon choix.

J’ai essayé de cacher mon mécontentement à mes parents, mais c’est vite devenu impossible. Je ne pouvais pas rester là-bas juste pour leur prouver que j’avais fais le bon choix : ce n’était pas le cas.

Après leur avoir avoué mon échec, les appels et les disputes se sont intensifiées : « T’as rien a foutre en France maintenant, tu dois revenir tout de suite ! » Même si je ne voulais pas l’accepter, ils avaient raison… C’était inutile de rester ici sans un but académique, avec une angoisse croissante.

Trouver une alternative en France ou retourner au pays

J’ai commencé à chercher des alternatives me permettant de rester en France. Je me suis renseignée sur le DU PaRéo de Paris Descartes et j’ai envoyé ma candidature. Pour apaiser mes parents, je leur ai proposé un accord : si je n’étais pas prise, je revenais tout de suite en Colombie. C’était tout ou rien.

Un vendredi soir, j’ai reçu un mail : « Résultats recrutement ». Mes parents avaient déjà cotisé pour les billets d’avion. « Suite au passage des épreuves, nous avons le plaisir de vous informer de votre admission au DU PaRéo. »

J’ai ressenti un soulagement énorme. Pour la première fois depuis un mois, j’ai voulu appeler mes parents. Et pour la première fois en un mois, ils ont raccroché avec une certaine tranquillité !

Sophia F., 18 ans, étudiante, Paris

Crédit photo Flickr // CC Hernán Piñera

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