La vie au foyer, ce n’était pas du tout ce que j’imaginais
Je suis arrivée à la Maison du Sacré-Cœur à l’âge de 13 ans. C’était le 27 mars 2016, à la suite d’une audience avec mon juge.
Lorsque je suis arrivée, j’ai été très bien accueillie par les cadres, les éducateurs et les jeunes. Je me suis « très vite intégrée » d’après les éducateurs. Je me souviens du premier repas qui était assez gênant car j’avais l’habitude de manger avec ma famille et là, je me suis retrouvée avec à peu près dix personnes que je ne connaissais pas trop et il y avait systématiquement deux éducateurs.
Ma première nuit au foyer
Il y avait deux étages de filles en haut. Les garçons et les salles communes étaient en bas. La première nuit est arrivée. On est tous allés dans nos chambres mais toutes les filles sont venues dans la mienne pour apprendre à mieux me connaître. J’ai beaucoup apprécié cette soirée. Comme on parlait trop fort, la veilleuse de nuit est montée et elle a dit à tout le monde de regagner sa chambre. Donc on a dormi.
Le lendemain, je suis partie rencontrer les autres groupes. Ma grande soeur était avec moi mais elle était accueillie dans un autre groupe. Je me souviens lui avoir dit que j’aimais plutôt bien, que ce n’était pas du tout ce que j’imaginais. Elle racontait la même chose. C’était pourtant pas la première fois que j’étais placée. Parce que ma mère faisait du trafic de stupéfiants, j’ai été placée à 6 ans. Au début dans un foyer, ensuite dans une famille d’accueil, mais je n’ai que de vagues souvenirs.
Comme Chérine, Bakalaye a été agréablement surpris par la vie en foyer : ça l’a aidé à se calmer. Depuis, au lycée et avec les gens, ça va mieux.
Je préférais rester avec mes potes au foyer
Au début, comme j’étais pas encore scolarisée, je restais au foyer. Beaucoup de jeunes séchaient donc on allait dans la cour. Sinon, on jouait à des jeux, on écoutait de la musique ou on regardait la télévision. Tous les week-ends et les mercredis après-midi, j’allais chez ma mère avec ma sœur. Au bout d’un an, je n’y allais plus du tout car je préférais rester avec mes potes, sortir, aller au cinéma, etc. Le fait d’être avec des gens de mon âge, c’était mieux. Ma mère s’est braquée, mais je m’en foutais. Ça m’avait trop préoccupée auparavant, donc là j’en avais marre.
Pendant les vacances d’avril, mon groupe est parti en Normandie pendant une semaine. J’ai beaucoup aimé. On faisait des sorties, au parc d’attraction par exemple. Il y avait une bonne ambiance et le soir, on faisait des jeux.
Ensuite, quand on est revenus et que l’école a repris, le soir, on ne rentrait plus à l’heure. Il nous arrivait de rester jusqu’à minuit dans la cour avec les éducateurs qui nous demandaient de rentrer. Plus il faisait chaud, plus on restait tard. Des fois, on restait jusqu’à 4/5h du matin dans la cour. Et le lendemain, on se faisait recevoir par les cadres, c’est-à-dire les directeurs et les chefs de groupe. Ils étaient quatre. On les voyait rarement. À part donc quand on se faisait recevoir. Cela pouvait être positif ou négatif. On était toujours convoqué individuellement, accompagné d’un éducateur. On avait des sanctions plus ou moins grandes : pas d’argent de poche, droit de sortie limitée, pas de sortie du mois (tous les mois, on faisait des sorties au restaurant), pas le droit d’aller dans d’autres groupes, séjour de rupture…
Je fuguais juste pour aller traîner
Les séjours de rupture se déclenchent suite à pas mal de bêtises et des entretiens avec les cadres et avec l’ASE non suivis de « changement de comportement ». Cela peut être utile comme totalement inutile. On peut être placé de quelques jours à quelques semaines dans une famille d’accueil, dans un autre foyer ou à Captain Brown, dans un centre équestre.
Je suis allée quatre fois en séjour de rupture. La première fois, je suis allée à Captain Brown suite à une « bagarre » avec un éducateur et les trois autres fois dans une famille d’accueil. J’ai été virée de la Maison du Sacré-Cœur car je fuguais énormément. Je fuguais avec des amies juste pour traîner dehors parce que les autorisations de sortie, c’était jusqu’à max 19h30-20h. Je rentrais aux alentours de minuit-4h. Je fais aussi plein d’autres petites bêtises. Suite à ça, je suis partie dans un foyer en semi-autonomie. C’est un foyer où on est seul avec des heures de sortie à respecter (pour moi : 22h) et je vois un éducateur une fois par semaine.
La Tête haute nous raconte la difficulté de vivre en foyer à travers le parcours de Malony, « qu’une juge des enfants et un éducateur tentent inlassablement de sauver ». Film récompensé à la cérémonie des César 2016 !
Je garde un bon souvenir de la Maison du Sacré-Cœur car je m’y suis beaucoup amusée. J’ai connu de très belles personnes et vécu de belles expériences. Je suis toujours en contact avec plein de gens. Cela reste de très bons amis que je vois souvent : mon meilleur ami à peu près chaque jour et d’autres amis qui étaient là-bas généralement une fois par semaine. J’ai aussi grandi et cela m’a fait devenir beaucoup plus mature. Je gère mieux mes émotions. Je pense d’une autre manière, beaucoup plus réfléchie, et je suis devenue beaucoup moins impulsive.
Chérine, 16 ans, lycéenne, Paris
Crédit photo Unsplash // CC Jaco Pretorius