Célia A. 29/10/2018

Lycéenne en classe européenne, je n’ai jamais quitté la France

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Je me suis inscrite en section européenne au collège avec, en tête, plein de rêves de voyages. Bilan : je n'ai jamais quitté la France.

« Inscrivez-vous en classe européenne, c’est génial, vous verrez vous allez voyager, découvrir des choses, apprendre plein de langues, vous serez bilingues ! » Voilà en gros l’annonce que nous avait fait le directeur de mon collège, à Stains, à la fin de l’année de cinquième. Avec mes copines, on avait envie de partir. On s’est regardées et d’un coup on s’est dit : « Allez on y va ! »

À la réunion d’inscription, ma mère m’a dit : « Mais c’est quoi, une classe européenne ? » J’ai essayé de lui expliquer que c’était une classe super où j’allais pouvoir bouger, voyager, parler d’autres langues et en plus, rester avec mes copines pendant deux ans ! Tout ce qu’elle m’a répondu c’est : « Déjà j’te paye le collège (j’étais dans un collège privé), en plus il va falloir que je te paye les voyages ? »

C’est vrai que sur le papier, on nous promettait chaque trimestre un voyage en Suisse, en Angleterre, ou encore en Espagne. Les pays un peu basiques qu’on promet aux élèves. Et qui nous faisaient tous rêver. J’avais tellement envie d’aller en Angleterre ! J’ai toujours aimé la culture anglaise. Big Ben, Piccadilly Circus, la relève de la Garde Royale à Buckingham Palace… Quand je voyais ça à la télé, ça me paraissait tellement beau !

Je m’y voyais déjà. On avait même fait des plans avec mes copines. On s’imaginait déjà qui allait dormir avec qui dans l’auberge qui devait nous accueillir et même quelles tenues on porterait là-bas. J’avais une copine super stressée qui disait : « Nan mais imagine il pleut et j’ai pas de pull ? » Quand j’y repense, ça me fait grave rire. C’est vrai qu’on associait l’Angleterre à la pluie. Un peu comme la Bretagne.

380 euros pour une petite semaine de quatre jours

Mais quand l’hiver est arrivé, on a compris que finalement, on partirait jamais. Les profs nous parlaient de moins en moins de voyage et chaque question qu’on posait avait le droit à des réponses vagues ou un « j’en sais rien, il faut voir avec le directeur ». Chaque voyage qu’on nous promettait était ou trop cher (380 euros pour une petite semaine de quatre jours) ou alors annulé pour diverses raisons qu’on ne nous donnait jamais.

Comme pour compenser, les profs nous transmettaient comme ils pouvaient les traditions et l’ambiance de chaque pays. Je me souviens que mon prof d’anglais avait carrément ramené une affiche de l’Angleterre qui occupait la moitié du mur. À défaut de nous y emmener… Ma prof d’espagnol, que j’avais tous les jours (classe européenne étant synonyme de deux heures de langue par jour), essayait tant bien que mal de nous faire espérer encore un peu qu’on ferait ce fameux voyage en Espagne qui devait nous faire découvrir la chaleur de l’Andalousie, mais dans le fond, on savait que le musée de l’immigration à Paris serait la seule chose qu’on visiterait de l’année. J’étais déçue parce que même mes potes qui étaient dans des classes non européennes voyageaient plus que moi et s’amusaient à m’envoyer leur séjour sur Snapchat !

Awa aussi a vu les voyages lui passer sous le nez ! À la MJ (Maison des Jeunes) de son quartier,  « il n’y a que les garçons qui voyagent » : dans le bus pour partir en Espagne, il n’y a pas une seule fille !

C’est super triste quand j’y pense, parce qu’avec ma famille, je ne voyage pas non plus. En 15 ans, on n’a jamais réussi à s’organiser pour quitter la France. En fait, ma famille, c’est un peu comme cette classe européenne, ça manque d’organisation. J’ai failli partir en Espagne avec ma mère une fois, mais mon père m’a rappelé qu’à ce moment-là, je devais être avec lui en Corrèze, sous la pluie. Voilà pourquoi je comptais beaucoup sur cette classe censée m’offrir « voyages et découvertes », pour sortir des frontières de la France.

Bon, dans le fond, cette classe européenne n’était pas si mal, j’étais avec mes potes, j’ai amélioré mon anglais et appris à parler espagnol comme une pro. Mais au final, dans cette histoire, la seule qui a été vraiment contente, c’est ma mère, car elle n’a rien dû débourser !

 

Célia, 15 ans, lycéenne, Aubervilliers

Crédit photo Adobe Stock //  © twinsterphoto

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