Mon année sabbatique m’a servi de tremplin
Le sentiment qui résume la fin de mes années lycée, c’est le ras-le-bol. Trop de pression, trop d’attentes de la part des autres, que ce soit mes profs, mes parents ou mes amis. On me laissait peu de place pour savoir qui j’étais réellement. Bien avant de passer le bac, j’avais pris ma décision : « L’année d’après, je ne ferai rien. » Au début, je ne savais pas que ce « rien » c’était une année sabbatique. Deux mots qui, je l’ai appris après, font peur.
De mon côté, ça me faisait envie : tout m’angoissait et ne rien faire c’était devenu le paradis. Mais pour mon entourage ce « rien » rimait avec échec. Vous imaginez ? Moi, avec un bac S en poche qui décide de tout arrêter ? « C’est la connerie de ta vie », « Franchement t’es jeune, à ton âge tes problèmes c’est pas si grave. » Ou l’indémodable : « Mais tu te rends compte que tu ne vas jamais reprendre tes études ? » Toutes ces réflexions, c’était quotidien. Ma mère a été plutôt compréhensive. Elle savait que je n’étais pas capable de reprendre tout de suite des études. Mon père, lui, ne pensait pas que j’appliquerai ce que je disais depuis maintenant des mois. Mais quand tout s’est concrétisé, il a trouvé bon de me poser un ultimatum. Il me laissait quatre mois pour trouver ma voie, sinon il me « foutrait dehors ».
Pour une fois depuis 16 ans, j’avais du temps pour moi
Il avait sûrement envie de provoquer chez moi un électrochoc. Comme si tout ça n’était qu’une connerie et qu’il fallait qu’on me remette sur le droit chemin. Mais même ça ne m’a pas fait changer d’avis. Le calme et le bonheur de me réveiller le matin sans pression me rendaient imperméable à toute critique. Pour une fois depuis 16 ans, j’avais réellement du temps pour moi, pour réfléchir à qui je voulais être.
Est-il possible de garder sa bourse ou son statut étudiant pendant une année sabbatique ? Que faire pendant cette pause ? Pour répondre à toutes tes questions avant de te lancer, rends-toi sur le site etudiant.gouv.
La réponse que tout le monde attendait n’est d’ailleurs pas venue tout de suite, il m’a fallu plusieurs mois (six au total) et un peu d’aide pour trouver ma voie professionnelle. À l’époque, je ne faisais pas grand-chose. Je voyais mes amis, regardais des séries, je m’occupais des tâches ménagères : bref c’était pas passionnant mais moi ça me réjouissais. Habitant encore chez mes parents, les relations avec mon père ont empiré. Il ne voulait pas comprendre ce refus de cet univers scolaire angoissant. Mais grâce à ma mère qui servait de tampon et ma promesse que la situation allait évoluer, j’ai échappé de peu au départ anticipé (et surtout forcé) du foyer familial.
Plus de temps pour se créer des projets
« Je vais faire un stage à New-York, vous voulez pas me rejoindre pour les vacances d’été ? » À cet instant, Lucie, ma meilleure pote, ne s’est pas rendu compte qu’elle venait de relancer la machine. Partir dans la ville de mes rêves avec mes meilleurs amis : depuis des mois je ne prévoyais rien à plus de deux jours. Voilà enfin quelque chose que je voulais vraiment faire.
Mais pour voyager, il faut de l’argent. Et vu la vie que je menais depuis un certain temps, sans travailler, autant dire que même manger au McDo était compliqué. Je me suis trouvé un job au supermarché du coin. Ranger les jus d’orange et les packs d’eau de 6h du mat’ à midi, c’était pas le boulot le plus sexy. Mais je m’en foutais car j’avais un objectif en tête. J’ai retrouvé un rythme de vie plutôt normal. Je me levais aux mêmes heures que ma mère, et enchaînais mes journées de travail comme n’importe qui. Après ces quelques mois de pause, je me suis rendu compte que reprendre une routine n’était plus aussi angoissant. C’est avec ce cerveau libéré que j’ai recommencé à réfléchir à mes envies professionnelles.
J’ai réussi grâce à l’année sabbatique
Je me suis alors posé toutes les questions avec lesquelles on m’harcelait avant cette pause. Qu’est-ce que j’aimais par-dessus tout ? Quelle chose me permettait de me sentir bien et me donnait envie d’y consacrer ma vie ? Une seule réponse m’est venue : la musique. Je ne suis ni musicien ni chanteur. Mais depuis bébé, le simple fait de me faire écouter de la musique m’apaise et me rend heureux. Si je pouvais parler de ça toute la journée, je le ferais ! Mes amis étaient unanimes : en plus de l’aspect musical, il me fallait un métier créatif et qui me permette de m’intéresser aux autres. Journaliste musical ? Il décortique, critique et analyse la musique. Tout ça, je le faisais déjà, mais en faire mon métier ? Et là, ça a été le déclic ! Voilà ce que je voulais faire l’année suivante.
Aujourd’hui, je suis en dernière année d’école de journalisme. L’argent que j’ai gagné grâce à mon petit job m’a permis, en plus d’aller à New-York pendant deux semaines, d’entamer ces études assez chères avec une petite somme déjà en poche. J’ai pu réaliser des reportages et des enquêtes dont je suis fier.
Léna, elle, n’a pas eu cette chance. Après une année de césure, et en passant par la plateforme Parcoursup, elle a eu plus de mal à être réorientée. « Parcoursup : j’aurais dû mieux me renseigner »
En France, on voit l’année sabbatique comme quelque chose d’hyper mauvais. Aux États-Unis, c’est pas la même. Là-bas, c’est presque un passage obligé. Le plus drôle c’est qu’aujourd’hui tout mon entourage me félicite d’avoir pris cette décision. Oui, oui, tout ceux qui au début me lançaient des phrases assassines. Notamment mes parents qui ont compris, lorsque j’ai trouvé ma voie, tout le bénéfice de ce processus. C’est une double victoire pour moi.
Cette réussite, je la dois entièrement à cette année de césure. Celle qui m’a permis de prendre le temps pour ne pas me perdre, et de reposer ne serait-ce qu’un temps ce cerveau qui bouillonnait.
Sofiane, 21 ans, étudiant, Saint-Maur-des-Fossés
Visuel Team ZEP // Crédit Photo Unsplash // CC Philippe Bout