Laura H. 17/12/2019

En manif, un CRS c’est censé nous protéger, non ?

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J'ai fait un tour à la manifestation du 7 décembre contre la réforme des retraites et la précarité. J'ai découvert la violence des CRS, sans raison apparente.

Samedi 7 décembre, nous sommes une amie et moi dans le centre-ville de Nantes pour profiter du marché de Noël et se retrouver autour d’une bière. Il est 15h, c’est jour de manifestation en raison des grèves et des réformes du moment (retraites, chômage…). Elle me propose de rejoindre le cortège qui a débuté depuis une heure environ. Ne sachant pas où se sont rendus les manifestants, on refait le parcours de la manifestation du jeudi d’avant. Pas difficile de retrouver le « cortège » qui n’en était plus vraiment un… divisé par la présence des CRS et des « black blocks », plus occupés à faire exploser des vitrines qu’à militer pour une cause réelle.

À peine arrivées, très vite reparties : des bombes lacrymos atterrissent juste à côté de nous et rendent le climat carrément dangereux. Où sont les CRS à ce moment-là ? Ils sont censés rétablir l’ordre et sécuriser le mouvement de lutte, non ? On finit par les trouver, oui, mais en plein affrontement avec une autre partie des manifestants. Une barrière de CRS fait face à la foule. Ils sont prêts à charger, tirent à bout portant. Nous, on se place à côté de la scène, en retrait. Histoire d’être témoins mais de se tenir à l’écart du danger. Encore faut-il savoir l’identifier…

D’un coup, sans aucune raison apparente, un CRS se précipite vers nous en nous pointant avec son LBD. Première réaction ? Partir en courant. Deuxième réaction ? Se demander pourquoi un CRS nous menace alors qu’on est immobiles, seules observatrices de la scène. Pourquoi on se sent en danger et attaquées par celui qui doit normalement nous protéger ?

Vous avez dit violences policières ? Depuis quelques jours, l’histoire de ce jeune homme interviewé par Konbini News fait beaucoup de bruit. Il se baladait tranquillement en manifestation quand une équipe de CRS a décidé de le tabasser…

 

Bon, au final, vue l’impossibilité de participer pacifiquement à la manifestation et ne voulant pas prendre trop de risques, on décide de rejoindre une autre amie et d’aller boire un café dans un bar, non loin de la manifestation, mais tout de même éloigné des affrontements. On en discute :

« Mais pourquoi les CRS n’ont pas arrêté les casseurs ? »

« Franchement, on se demande… Alors que même moi je me suis retrouvée en face d’eux, et avec les moyens qu’ils ont, ça parait facile, non ? Et pourquoi nous, on a failli se faire attaquer alors qu’on ne faisait absolument rien ? »

« C’est bizarre, maintenant on peut perturber un mouvement de lutte légitime en cassant des vitrines et en mettant le feu sans rien risquer de la part des forces de l’ordre, mais par contre on peut pas manifester tranquillement sans avoir peur de recevoir une bombe lacrymo par un CRS lui-même ? »

Beaucoup de questions qui restent sans réponses.

Des nuages de lacrymos dans toutes les rues

Il est 17h maintenant. Il faut que je passe à la Fnac pour acheter le cadeau de Noël de ma sœur. Je demande à mes amies de m’accompagner. On part du bar et on se dirige vers le centre-ville. Merde, la manif n’est toujours pas finie. Il y a une barrière de CRS qui nous empêche de passer. Les gens marchent mais ils protègent leur nez et leur bouche avec leurs mains. Apparemment, l’air n’est pas trop respirable à cause des gaz qui ont dû être lancés. Bon, c’est pas grave, on va passer par la rue à gauche. Ça fait un détour mais vaut mieux marcher plus longtemps que de finir asphyxiés.

Ah, bah en fait non.

Par ici aussi c’est gazé. Des nuages de fumée dans toutes les rues aux alentours : « Bah merde, on passe par où du coup ? » On se retrouve alors coincées sur une petite place, commençant à inhaler le gaz. Ma gorge me pique, j’entends mes potes me dire : « Putain je ne vois plus rien. » On n’est pas les seules, d’autres personnes passent en toussant, dont une femme prise d’une quinte de toux. Elle crache limite, et là je me dis : « Putain mais c’est violent ce truc. » Bon, on se remet de nos émotions et on essaye de contourner par d’autres rues. Loupé. On croise d’autres gens en face de nous : « Passez pas par là, c’est irrespirable », du coup on leur répond : « Bah passez pas par là non plus, on en vient et c’est pareil. »

Troisième tentative, troisième itinéraire, normalement ça devrait être bon. Hourra, pas de gaz ni de fumée à l’horizon, je peux respirer, ouvrir les yeux. Après un long périple, on arrive enfin à la Fnac. J’espère qu’elle va l’aimer son cadeau parce que vu comment j’ai galéré…

Comprendre les manifestations, c’est aussi comprendre les casseurs. Pour Emile, il s’agit surtout de marquer violemment un ennemi commun.

Maintenant, il est 19h. Après tout ça, on décide d’aller prendre une bière, on l’a bien méritée. On discute forcément de ce qu’il s’est passé dans la journée. On tombe sur un article de Ouest France qui retrace en direct le déroulé de la manifestation. Informations très peu fidèles à la réalité : « 15h45 : les CRS protègent le cercle piétonnier. » Ah bon ? Ils nous ont protégés ? C’est bizarre, je l’ai pas du tout vécu de la même façon. Apparemment, entre protection et mise en danger, il n’y a qu’un pas.

Entre les CRS qui sont censés nous protéger mais finissent par nous mettre en danger, les médias dont le rôle est de retranscrire la réalité et qui finalement transmettent des informations enjolivées ; qui protège qui et de quoi ?

 

Laura, 21 ans, volontaire en service civique, Nantes 

Crédit photo Unsplash // CC ev

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