Je suis partie à l’étranger pour mieux revenir
Il y a un peu plus d’un an maintenant, j’ai décidé de prendre le large. Après une année en classe préparatoire littéraire dans un petit lycée, puis une année avortée de licence d’histoire dans une fac parisienne, je me sentais étouffer entre les injonctions de la société, de mes proches et la réalité de ma vie d’étudiante.
J’étais noyée dans le système
Issue d’une famille de classe moyenne, j’ai conscience de faire partie de ces chanceux qui n’ont pas à lutter et sacrifier leurs passions pour vivre comme ils le souhaitent.
Mais voilà, comme tant d’autres je me suis noyée temporairement dans le système des études supérieures, sans savoir où je voulais aller ni quel chemin emprunter. Je me sentais jugée, parce qu’indécise et inactive alors que je n’avais aucune excuse qui tienne : financièrement favorisée, dans un cadre familial stable, bien entourée, éternelle bonne élève…
C’est alors que j’ai décidé de partir. Tout d’abord, je ne pensais qu’à fuir. Fuir les jugements donc, mais aussi la machine du temps qui fonctionne en semestres, dates de concours, dossiers… Plus le temps avance, plus on s’étonne du temps que l’on met à obtenir un diplôme ou un travail.
Direction Londres
Une des manières les plus simples de partir semblait être de devenir jeune fille au pair à l’étranger. Pour les non initié(e)s, une jeune fille au pair peut aussi être un jeune homme au pair. Dans les deux cas, le jeune en question devra s’occuper des enfants d’une famille et parfois se charger de quelques tâches ménagères en échange du couvert, du logis et d’un faible salaire. Pour information, dans la majorité des cas, partir au pair ne coûte que les billets du voyage, vers votre nouvelle vie. Votre famille d’accueil se charge des autres frais.
Pour ma part, le plus urgent était de partir à tout prix. Voulant pratiquer mon anglais et préférant m’établir à proximité de la France en cas de problème, je suis partie à Londres le 1er septembre 2014, après avoir été choisie par une famille, sans aucune idée de ce qui m’attendait.
Soyons honnête, à cet instant charnière, j’aurais pu tomber sur le pire comme le meilleur. Car quand on part pour être au pair, une grande partie de la réussite de l’expérience dépend de la famille qui nous accueille et de l’endroit où on va vivre.
Heureusement, ma famille, composée d’une mère célibataire travaillant beaucoup et de son fils de 8 ans, s’est révélée très accueillante, bien qu’il m’ait parfois fallu être très patiente et m’adapter à leur mode de vie. Evidemment, j’ai du m’accommoder des maux typiques des jeunes au pair, comme la non séparation entre le travail et la vie privée puisqu’on vit chez son employeur, le rapport parfois difficile avec les enfants ou les parents, le mal du pays, etc.
Un monde où l’erreur aide à avancer
Mais ce que je retiens, c’est la richesse inattendue de cette expérience à Londres. C’est comme si cette opportunité incroyable était tapie là, m’attendant.
Vivant dans une ville très cosmopolite, j’ai eu la chance de rencontrer des jeunes venant d’Allemagne, d’Italie, des Etats-Unis, d’Espagne mais aussi d’Uruguay, du Liban… Des étudiants souhaitant apprendre l’anglais l’espace d’un séjour ou cherchant un travail, tout simplement parce qu’ailleurs, c’est toujours mieux.
Malgré notre culture mondialisée, chacune de ses personnes m’a apporté quelque chose d’inestimable : savoir qu’autre chose est possible. C’est aussi le résultat de ma percée dans le monde anglo-saxon. Tout à coup, j’ai débarqué dans un univers où l’erreur est non seulement possible, mais aide à avancer, et ce véritablement, contrairement aux beaux discours qu’on nous sort en France.
J’ai réalisé que je n’étais qu’au tout début de ma route
Si je n’ai pas pu rencontrer des gens dans ces situations précises, cette idée est toujours ressortie lors de mes conversations avec les Anglais et les étrangers de passage à Londres. Alors qu’à 20 ans, je considérais avoir perdu 2 années de ma vie, puisque les formations que j’avais entreprises ne devaient mener à aucun diplôme, j’ai réalisé que je n’étais qu’au tout début de ma route vers l’emploi et surtout vers la vie d’adulte. Et qu’à cet instant de ma vie, de très nombreuses possibilités s’offraient à moi. Une infinité.
Après un parcours traditionnel mené avec succès, Ingrid lâche son CDI, sort de son confort, et pars à l’aventure : « 300 jours de périple dans 15 pays, 2 téléphones perdus, des centaines de rencontres incroyables et des milliers de souvenirs extraordinaires en tête. […] Bien des certitudes et ambitions révisées pour mon plus grand bonheur. Ma plus belle et grande leçon dans tout cela : me réjouir d’être une éternelle apprenante ! »
Finalement, au bout d’un an, je suis rentrée de Londres, un peu à contrecœur. J’avais la possibilité de rester, mais quelque chose me disait que prolonger cette échappée serait alors une véritable fuite.
Peut-être était-il temps de tester l’adage « partir pour mieux revenir ». Je conseille à tous ceux qui doutent, ont envie d’ailleurs ou d’une pause, de tenter cette expérience, que ce soit en partant au pair ou par d’autres moyens. Partir, c’est aussi découvrir que la culture et le système français sont loin d’être universels et qu’en vivant quelques temps hors de cette bulle, on peut revenir plus fort en France. Ou bien ne jamais revenir, cela ne dépend que de vous.
Lucille, 21 ans, volontaire en service civique, Paris
Crédit photo Unsplash // abi ismail
Parcours plus ou moins similaire, j’ai peut-être eu un avantage, le soutien de ma famille dans tous mes projets. Pas question de parler d’années perdues mais d’expériences et d’enrichissement. Je ne découvre que maintenant, après avoir repris mes études, que ça n’a pas été facile de me laisser faire, qu’ils ont pris énormément sur eux malgré leur discours. Je ne regrette rien, ni ma décision de quitter cette graaande école, ni mon voyage à l’étranger et surtout pas ce service civique ! Et pourtant.. je me sens en décalage quand je suis avec mes amis d’enfance qui ont filé droit, ou quand je suis avec mes camarades de classes qui sortent tous du cocon familial, je ne me sens pas « normale ».. Cette (drôle d’) idée vient du fait que oui, on peut faire des écarts en France, mais qu’on ne nous pousse pas surtout pas à le faire.. Pourtant, d’après l’expérience de l’auteure, de la mienne, ou de l’opinion de tous les autres pays qui incitent à franchir le pas de l’année sabbatique (ou de césure), ce n’est qu’enrichissement et découverte de soi, du monde, et ça ne peut qu’être formateur !
Alors, je ne peux qu’appuyer l’auteure, allez-y si vous le pouvez ! N’ayez pas peur ! Banalisons ce qui ne peut que bénéfique !