Marion Al. 12/02/2016

Sexe : vous avez dit « genre » ?

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Marion a découvert récemment les gender studies, théories du genre. Elle s'imprègne de chercheurs comme Judith Butler qui prônent une réflexion sur le moi. Engagée pour la cause homosexuelle, elle rêve d'une plus grande liberté.

La première fois que j’ai entendu parler du « genre », c’était il y a trois ans, lorsque notre professeur d’histoire a évoqué les « gender studies » de l’Institut d’Ottawa. Tout ce que j’en avais retenu, c’était que le genre (femme ou homme) était pour les chercheurs de cette école un prisme d’études en sciences sociales, que le fait de s’intéresser aux femmes dans l’histoire, par exemple, était une approche récente. Mais le temps passant, j’en entendais de plus en plus parler autour de moi, sans trop comprendre ce que ce que ses détracteurs appelaient  « la théorie du genre » et sans savoir, par conséquent, comment me positionner par rapport à ce débat.

Et ce, jusqu’au jour où j’ai découvert Sartre et Simone de Beauvoir, la complexité de leur relation amoureuse, et le combat des homosexuels aujourd’hui. Le lien que j’ai tissé entre ces trois faits n’était pas si saugrenu qu’il pourrait paraître à première vue.

Notre « moi » se construit au cours de notre vie

J’ai été éblouie, à la lecture de Sartre, par l’idée que nous naissons totalement libres et indéterminés, « vides » en quelque sorte, et que toute notre identité, notre personnalité, notre « moi », ne se construit qu’après, au cours de notre vie. Ça y est, j’avais compris pourquoi « l’existence précède l’essence ». Un an après, plus mature, plus intriguée et engagée dans les questions de féminisme, je me suis mise à lire Simone de Beauvoir, dont l’œuvre consiste à appliquer aux questions de « genre » la philosophie de son amant, Sartre. Ainsi, pour la grande féministe, nous naissons dépourvus de toute identité, et avec le temps, nous nous construisons comme homme, comme femme, ou les deux, ou aucun des deux. C’est ce qu’elle entend par son aphorisme « on ne naît pas femme, on le devient ». Mais je dois ajouter, pour être fidèle à son œuvre, que ce n’est pas une construction prédéterminée par notre corps qui nous rend homme ou femme, mais justement une série de choix libres que nous faisons et qui ne prennent pas nécessairement en compte les données biologiques (le fait d’avoir un sexe masculin ou féminin par exemple), parce qu’elles ne sont pas déterminantes.

Ayant compris cela et étant absolument fascinée par ces idées, je me suis intéressée à la vie des deux philosophes, et j’ai compris qu’ils appliquaient très bien leur pensée à leur existence : alors qu’en terminale, on m’avait enseigné que Simone de Beauvoir, malgré son génie, avait quelques soucis comportementaux dans sa vie privée et amoureuse, j’ai très vite compris qu’en réalité, c’était simplement une femme libre, qui savait profiter cette liberté avec laquelle tout homme naît, et qui, par ses relations multiples et diverses, s’engageait pour que sa philosophie puisse être appliquée et que tous les êtres humains retrouvent cette liberté première.

Notre corps ne doit pas nous empêcher de faire nos choix

C’est enfin en même temps que cette découverte que je me suis intéressée à la cause homosexuelle, le contexte d’émulation sur la question y étant d’autant plus favorable. Pour moi, c’est une évidence, les homosexuels et les hétérosexuels doivent avoir les mêmes droits. Strictement les mêmes droits. Ceci dit, si j’en étais convaincue, je n’avais jamais réfléchi à la question par moi-même et parfois, lors de débats, je me retrouvais à court d’arguments. Alors, j’ai repensé à Simone de Beauvoir, et j’ai fait le lien, grâce à Judith Butler, philosophe contemporaine du genre, entre la cause homosexuelle, bisexuelle, transsexuelle et la cause féministe : pour moi, désormais, nous naissons avec un corps, mais ce corps ne doit pas nous empêcher de faire les choix que nous souhaitons faire, car faire ces choix constitue la base de notre liberté. Peu importe alors que l’on soit femme, homme, les deux, ou aucun des deux, nous devons être considérés, dans le droit et dans la société, comme des êtres humains, et c’est tout. Le reste sera du domaine privé.

Maintenant que j’ai les idées claires sur cette question, je vois beaucoup mieux émerger, et même arriver en force, ces questions dans nos sociétés : de nombreux séminaires et colloques sur le genre sont organisés dans les universités. A la télévision, on donne la parole à des féministes. Sur de nombreux formulaires, on peut désormais cocher « homme », « femme », ou bien « autre ». Mais cela suscite aussi énormément de réactions : celle de la Manif pour Tous, par exemple, qui continue de s’opposer au mariage homosexuel aujourd’hui, s’attaquant à ceux qu’elle appelle « les théoriciens du genre », suspectés de monter un complot pour détruire les structures stables de notre société, c’est-à-dire, principalement, le schéma « un père, une mère, un ou des enfants ». Si les débats sont aussi virulents, c’est parce que les questions de genre soulèvent des problèmes de société si profonds que les bases mêmes de cette société en sont remises en cause.

Lutter pour la liberté

Il me semble que si ces questions de genre prennent de plus en plus d’importance, c’est non seulement parce qu’elles sont très liées à des débats contemporains et actuels, mais aussi parce qu’elles remettent en cause la structure actuelle de notre société qui se base sur des données biologiques pour construire une identité. Pourtant, agir de la sorte, c’est retirer la liberté, fermer des perspectives à ceux qui voudraient être différents de ce qu’on leur dit d’être par rapport à leur corps. Et tout ça parce que l’on confond le biologique et le naturel pour éviter d’avoir trop de changements dans la société.

Mais pourquoi ne pas laisser place aux nouvelles dynamiques ? Pourquoi ne pas laisser un peu de liberté aux êtres humains ? Vous savez tous autant que moi à quel point il est agréable d’être libre, et que ce n’est pas parce qu’on fait « ce que l’on veut » que l’on fait du mal à autrui ou que l’on dégrade les valeurs d’une société. Au contraire, ce qui fait que l’on vit bien dans un groupe, c’est le fait que chacun y ait sa place et soit reconnu comme ayant le droit d’être celui ou celle qu’il veut être.

Bien sûr, tout cela reste mon idéologie personnelle, et personne n’est obligé de s’y soumettre. Mais au fond, je souhaite de tout mon cœur que les changements qui ont lieu actuellement se perpétuent. Mon combat personnel pour la liberté des êtres humains s’est mis en place en même  temps que ma prise de conscience de la nécessité de considérer les questions de genre. Pacifiquement, je continuerai de me battre pour les droits de tous, et, parce que ces droits concernent précisément tout le monde, nous sommes et resterons nombreux à lutter.

 

Marion A., 19 ans, étudiante en philosophie, Lyon 

Crédit photo Flickr/samirluther

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5 réactions

  1. oui, c’est bien beau, la liberté, mais si elle doit empêcher un enfant d’avoir la possibilité d’avoir un père et une mère, tu lui retires une part de sa liberté à lui. Et ce n’est qu’un exemple, mais on peut en trouver d’autres qui concernent différentes libertés.
    Si c’était aussi simple, des milliers de personnes ne seraient pas descendues dans la rue, car en théorie tout le monde veut « que chacun ait sa place [dans la société] et soit reconnu comme ayant le droit d’être celui ou celle qu’il veut être », dans une société ça n’est pas aussi simple

  2. Magnifique article …
    Félicitation 🙂

  3. Très chouette article ! En quelques paragraphes, tu résumes parfaitement ce qu’est le genre. Je suis bien d’accord, la liberté et la diversité des modes de vie ne sauraient être un danger pour nos sociétés.

  4. Bravo !

  5. Très bonne article! J’espère qu’il y en aura d’autre! 🙂

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