La « woman tax » ou le prix d’être une femme !
Vous êtes-vous déjà demandé quelle différence existe entre les produits marquetés « pour hommes » ou « pour femmes » ? Souvent, on se dirige spontanément vers les rayons hommes ou femmes sans se poser de questions sur les réelles différences que peuvent apporter les produits. Nombre d’entreprises prétendent que les gammes déclinées pour les femmes sont différentes car elles répondent à des besoins « spécifiques » qui ne concerneraient pas forcément ces messieurs.
Une différence au niveau du prix plus que du produit
Pourtant, il suffit de faire un tour dans la supérette du coin pour s’apercevoir que s’il existe une réelle distinction, elle est au niveau du prix plus que du produit.
Pour le démontrer j’ai mené ma petite enquête en me rendant au magasin super U. Il suffit de comparer des produits d’usage quotidien pour se rendre compte de la supercherie. Expliquez-moi ce qui différencie un rasoir pour homme d’un rasoir pour femme si ce n’est le packaging ! Des couleurs froides sensées représentées l’endurance, la virilité pour lui, un packaging coloré rose bonbon pour elle.
En revanche, au niveau du prix, il faut croire que la pilosité de madame est plus chère à l’entretien, 12 rasoirs Wilkinson hommes pour 4,03 euros contre 10 rasoirs femmes pour 4,95 euros ! C’est que le girly a un prix !
Même schéma pour les déodorants. Pour le déodorant Narta Bactipur, la liste de composants est absolument identique, mais une femme paiera 31 centimes de plus pour la simple raison qu’elle est… une femme.
Chut ! Secret professionnel !
J’ai alors contacté le service client de Narta afin de savoir pour quelles raisons le produit Bactipur de la gamme femme est plus cher que celui de la gamme homme. On m’a assuré que même si ces produits possèdent en surface les mêmes composants, il existe un « dosage différent qui pourrait expliquer cet écart de prix ». Mais chut, secret professionnel, je n’en saurai pas plus. Si je veux des réponses concrètes je dois m’adresser aux magasins qui commercialisent les produits de la marque car ce sont eux qui fixeraient les prix.
J’ai passé un bref appel au service client des magasins U qui m’a promis de transmettre ma demande au fournisseur. Deux semaines plus tard, je reçois par courrier leur réponse : « Système U étant un groupement de magasins indépendants, ces derniers disposent du libre choix dans la commercialisation et les prix des produits, qui leur sont proposés à la vente, et qu’ils vont choisir de mettre en rayon. »
De l’art de tourner autour du pot…
Une taxe réservée aux femmes
Les disparités de prix en fonction du sexe sont monnaie courante au sein des commerces. Le tumblr womantax.tumblr.com recense nombre d’exemples de la « woman tax ». Cette expression du magazine Forbes désigne cet « impôt » que paient les consommatrices au quotidien. On le trouve partout : des shampoings aux rasoirs, aux autres dépenses comme le coiffeur en passant par le pressing, tout est bon pour saler l’addition.
Et pourtant les inégalités salariales continuent de persister comme le rappelle Georgette Sand en ouverture du tumblr :
« En France, les femmes gagnent 27% de moins que les hommes. Elles occupent 82% des emplois à temps partiel (50% des salarié-e-s à temps partiel touchent moins de 850e nets par mois). Le revenu moyen des hommes non salariés est de 40% supérieur à celui des femmes. Aujourd’hui encore, la retraite des femmes est inférieure de 42% à celle des hommes. Le marketing genré en segmentant le marché entre filles et garçons véhicule des stéréotypes, pousse à la surconsommation et inflige une taxation spécifique aux femmes. »
« Sois belle et tais toi quoi qu’il en coûte »
Quand je demande à mes amies leur avis sur la question, elles sont toutes d’accord pour dénoncer le marketing genré et les conséquences qui en découlent. Pour Mélanie, c’est une vision réductrice de la femme. Comme si une femme devait forcément aimer le rose, le «girly» et les senteurs fleuries. Elle s’indigne également du diktat de la beauté que l’on impose aux femmes en leur créant de faux besoins. La femme doit être belle et pour cela on lui fait dépenser énormément d’argent. Mon amie Maï souligne également que cette manipulation se cache dans les publicités et la télévision pour qui les femmes sont des cibles parfaites, des consommatrices prêtes à mettre la main à la poche pour révéler leurs plus beaux atouts.
« C’est sois belle et tais toi quoi qu’il en coûte », conclue Mélanie.
Pour Johanna, le pire, c’est qu’aujourd’hui la plupart des femmes sont conscientes (à des degrés différents certes) de ces techniques de marketing genré mais qu’elles continuent tout de même à acheter. « C’est un peu comme la cigarette, tu sais que c’est pas utile, que ça te coûte de l’argent, mais tu ne peux pas t’arrêter. »
Hawa, 22 ans, volontaire en service civique, Ile de France
Crédit photo Flickr CC Image money
J’ai commencé à faire attention à ces disparités de prix dès que je me suis coupée les cheveux courts. Pour le même travail que pour un homme, je (moi: femme) paye au coiffeur entre 10 et 15 euros de plus selon les salons de coiffure. Interloquée, je me suis d’abord demandée pourquoi je donne autant d’argent en plus alors que la coiffeuse a pris autant à s’occuper de moi que de mon frère. Donc j’ai demandé à une connaissance exerçant la profession de coiffeur la raison de ces différences de prix, et il m’a dit que c’est parce que les hommes et les femmes n’ont pas le même cerveau lol et que la forme du crâne est tellement différente que cela justifierai 15 balles de plus… Bref je suis totalement d’accord avec ton billet ! J’aimerai qu’on en parle plus.
Ce qu’il serait nécessaire de faire, comme c’est suggéré vers la fin de l’article, c’est de réussir à se dé-persuader qu’on a besoin de tous ces trucs, hommes comme femmes : le déo c’est superflu, on s’en rend compte quand on s’en passe quelques jours (et en plus c’est assez mauvais pour la santé) et pour les poils il existe des solutions moins polluantes (rasoirs non-jetables type rasoir de sûreté, pots de cire avec bandes réutilisables, etc). Bref, il faut qu’on arrête d’avoir peur de notre corps !
Le combat est effectivement de se battre contre des prix « genrés ». Car les hommes en sont tout autant victimes : prix des vêtements, entrées dans les boites de nuit, etc.
Tous égaux, tous le même prix ! Le risque étant de voir le prix de celui qui paye le moins ramené au prix de celui qui paye le plus…