Kirua A. 09/04/2018

Depuis le collège, je me réfugie dans la beuh

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Pour échapper au harcèlement au collège et à l’ennui à la maison, je me suis renfermée sur moi-même. Mon échappatoire ? La drogue. Mon arrivée au lycée a changé la donne.

Quand j’avais 13 ans, en Cinquième, j’ai rencontré Luna. 13 ans, c’est aussi l’âge auquel j’ai commencé à me droguer. Avec Luna, on avait aucun pote au collège. On se faisait souvent harceler. Pour nous déstresser, on a commencé à acheter de la beuh, du shit… On passait nos journées à fumer.  Sans notre consommation habituelle, notre vie était triste et plate. 

Luna avait de gros problèmes familiaux et j’en étais consciente. Même si moi aussi j’allais mal, je faisais mon possible pour l’aider. Le 25 décembre 2015, elle s’est suicidée et cette fois-là, j’ai rien pu faire. 

Ma vie est alors devenue un cauchemar. J’ai bédave encore plus. J’étais défoncée h24, y’avait pas de pause. Pas le temps de se poser des questions, ni de réfléchir.

J’ai arrêté de manger et je suis devenue très maigre, et au final, anorexique. Je vomissais à chaque fois que je mangeais quelque chose. J’avais des tendances suicidaires et je suis devenue insomniaque. Je parlais avec personne, je voulais pas d’amis car je méritais pas d’en avoir. Je voulais pas d’aide, je voulais rien. Je ne parlais plus à mes parents. Je ne parlais qu’à moi-même.

Mes parents n’essayaient pas trop de comprendre. Ils m’ont posé un ultimatum : si je redoublais, ils m’enverraient en foyer. J’ai dû voir au moins six psys, qui ont tous abandonné. Je n’étais pas du tout coopérative. Je restais pendant une heure assise à regarder mes pieds plutôt que leur regard froid. Mais je n’ai pas redoublé. 

Je ne fume plus sans mes potes

Avant d’entrer au lycée, l’année dernière, je me suis ressaisie. C’est les vacances qui m’ont un peu fait réfléchir. J’me suis dis que j’étais capable de le faire. D’aller un peu plus en cours, d’écouter, de travailler. Depuis la Seconde, j’ai réduit ma consommation de drogue. Un joint le matin, avant d’aller en cours. Un en sortant l’aprèm. Un le soir. Quand je redescends, j’arrive à ne plus me poser les questions qui font mal.

Je me suis ressaisie aussi parce que j’ai rencontré des amis au lycée, j’suis moins seule dans ma vie. Parmi ces amis, il y a eu Axel, on était devenus proches. Fin 2017, il est mort d’un cancer du poumon. Il m’avait écrit une lettre avant de mourir, il me disait que j’étais la personne qui le connaissait le mieux, qu’il était désolé de me laisser et qu’il resterait près de moi toute ma vie. Je lui ai promis que je vivrais pour lui.

C’est toujours l’ennui mortel à la maison. Comme mes parents sont tout le temps chez moi, j’évite un maximum d’y être. Je traine dehors avec mes potes, on a nos spots dans le coin de la Petite Ceinture. On reste pas mal dans le froid, en se demandant chez qui on pourrait aller.

Je refume. Mais maintenant c’est avec mes potes, et je me sens mieux.

 

Kirua, 15 ans, lycéenne

Crédit photo Adobe Stock // © ERNEST

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