Mathilde T. 02/05/2020

Confinée avec mes darons, je vais péter un plomb

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Pour le confinement, je suis retournée vivre chez mes parents. Mais avec la tendance de mon père à tout diriger, l'ambiance est invivable.

J’ai longuement hésité lorsqu’il a fallu que je décide où j’allais passer mon confinement.

La perspective de rentrer chez mes parents à la campagne pour profiter de la grande maison, du jardin, de la bonne bouffe et de la venue exceptionnelle de ma sœur était séduisante. Rester dans mon appartement enfermée avec ma colocataire qui allait beaucoup travailler l’était moins.

Je suis donc rentrée chez mes parents.

L’adolescence et les premières années dans le supérieur avaient été très compliquées. Je n’avais qu’une idée : partir le plus loin possible d’eux. Les ponts n’étaient pas coupés mais bien abîmés. Mais la distance m’avait permis de recharger mes batteries de patience et de tolérance. Je pensais que rentrer chez eux serait l’occasion de recréer des liens et de discuter du passé. Grossière erreur.

Hors de question que je devienne son larbin

Quand on me demande comment ça se passe avec mes parents, je réponds : « Exactement comme je pensais. » Et ce n’est pas une bonne chose. Mon père est Monsieur je n’ai jamais tort et je ne m’excuse jamais. Monsieur qui peut passer trois jours à bouder et pas seulement à la personne qui l’a énervé, mais à tout le monde. Il ne parle pas et fait la tête. Après qu’il se soit calmé, il revient comme une fleur. Sans dialogue, sans excuse.

Ma mère, elle, laisse quasiment tout passer. Elle en vient à s’effacer face à lui pour être tranquille (malheureusement maman, faire ça ne te rend pas heureuse et ça se voit). Elle passe son temps à aller et venir au gré de ses caprices. Parfois, elle s’assoit dans le fauteuil, empoigne son livre et le repose aussitôt parce que Monsieur a besoin ou envie de ci ou ça.

Qu’elle lui obéisse au doigt et à l’œil est son problème, mais du coup il pense pouvoir faire la même chose avec nous. Bien sûr, il est hors de question que je devienne son larbin. Ma grande sœur essaie de prendre sur elle mais elle n’a déjà plus de patience. Elle l’ignore et fait les mêmes constats que moi.

Tu ne sais pas quoi regarder comme série pendant le confinement ? Shameless est une série américaine qui parle d’une famille hors-normes où les relations parents-enfants sont mises à l’épreuve.

 

Les choses étaient-elles aussi « graves » quand j’étais jeune ? Toute cette partie de mon adolescence fait partie de la boîte « mauvais moments » que je m’emploie à ne jamais ouvrir. En tout cas, ce qui n’a pas changé c’est que mon père fait la loi. Beau portrait familial.

J’ai enfilé des lunettes de négativité

Je passe mon temps à faire la médiatrice pour calmer le jeu. À faire le pigeon voyageur quand Monsieur ou Madame boude et ne veut pas parler à l’autre. Face à tout cela, je m’efface. Les choses empireront si je dis quelque chose. Et il y aura une rafale de « Toute façon c’est toujours de ma faute » ou « J’ai toujours tort avec vous. »

Le pire ce sont les discussions, si l’on peut parler de discussions. Je dirais plus des matchs de ping-pong incessants. Un échange de faux arguments qui n’a pas pour but d’échanger et de débattre, mais d’avoir raison. Que ce soit sur la recette de tel ou tel plat ou sur le professeur Raoult, ça ne mène rarement très loin (sauf dans le volume sonore). Les choses finissent souvent de la même manière : ma sœur se barre, mon père continue le débat tout seul et ma mère essaie de temporiser et affiche une mine déconfite de voir sa famille se déchirer. Moi, je suis toujours la personne invisible qui ferme ses oreilles. L’ambiance de merde m’épuise.

Le confinement ronge ma patience. J’ai enfilé des lunettes de négativité qui ne me font plus voir que ce qui m’énerve. M’enfermer dans ma chambre est une libération. Des moments de calme où je peux m’évader loin des tensions. Jusqu’à ce que l’un ou l’autre entre en criant : « TU FAIS QUOI ? » Que répondre à cette question ? « Rester loin de vous ? » Je pense qu’ils sont juste curieux ou veulent passer du temps avec moi, mais bonjour l’intimité ! Maintenant, je m’enferme à clé et je ferme les volets.

« Il est comme il est » dit ma mère

En plus, mon père n’a pas acquis les règles d’hygiène de base. Il tousse la bouche ouverte, parle la bouche pleine, et se lave les mains une fois sur deux alors qu’il est celui qui sort de la maison. Je ne me sens pas en sécurité et surtout j’ai peur pour mon père et ma mère. Et puis sans prendre en compte le Covid-19, on ne mange pas directement dans le plat avec la cuillère que l’on vient de lécher. Après cent-cinquante fois où on lui demande d’arrêter, aucun changement. Pas un soupçon d’effort. Quand je fais un commentaire, j’ai souvent le droit à un « Il est comme il est » venant de ma mère. C’est sûr, on est bien dans le règne du roi.

Clara n’est pas avec ses parents pendant le confinement, et heureusement. Son père prend beaucoup de place à la maison, au détriment de sa mère qui doit accepter de faire des concessions pour tenir sur la durée…

Je sais que je fais partie des privilégiés parce que je peux sortir m’aérer dans le jardin. Mais si ça continue comme ça, je vais péter un plomb. J’ai l’impression d’être à nouveau la jeune fille qui tente de fuir cette famille de toutes ses forces. La colère, le dégoût et la tristesse reviennent en vague. Cette impression de ne pas être à sa place, de mal-être même.

J’avais fui tellement fort, j’ai cru que les choses s’étaient améliorées avec le temps. Mais les vieilles rancunes et les non-dits reviennent à la charge. Pendant le confinement, je me suis rejetée en plein dans la gueule du loup. Erreur stratégique, ma petite.

 

Mathilde, 22 ans, volontaire en service civique, Toulouse

Crédit photo IBT © Showtime // Shameless (série 2011)

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2 réactions

  1. Bonjour,
    C’est un peu bizarre à dire, votre père n’est pas un roi, c’est un enfant.
    Je ne suis pas psy, mais la communication est toujours la meilleure solution pour résoudre un problème. Comme toutes vos tentatives de prises de paroles sont inutiles, vous pouvez faire lire cet article à votre famille.
    Vous pouvez aussi attendre que le confinement se termine et rentrer chez vous, et laisser la situation comme elle est. Mais si vous écrivez cet article, cest aussi que vous avez envie que la situation évolue.

    Vous pouvez aussi envoyer cette lettre à la fin du confinement. Exprimer votre ressenti sur ce que vous avez vécue. Organiser une réunion de famille avant que ça se termine, est bien aussi. Et vous « petez un plomb », donc marre de la ritournelle.
    Notez bien tout de même, comme vous le faites à la fin de votre message, en insistant un peu plus, ( peut être ), que si vous faites cette démarche c’est aussi et surtout par amour.
    Vous devez rester bienveillante. Ou si ça dérape, ne pas en rester là, faire l’effort (même si vous vous dites que ce n’est pas à vous de vous excuser), aller vers l’autre, ne pas se dire qu’il ny a pas de solution.
    Chacun doit communiquer pour exprimer sa frustration, et votre père aussi. Il faut qu’il arrête de se taire.
    Communication et amour. Cest con à dire, mais parlez avec votre coeur.
    (Film d’animation intéressant à voir sur le sujet  » Bakemono no ko, le garçon et la bête »)
    J’espère que vous avez eu pleins d’autres conseils bienveillants pour vous donner du courage !

  2. Tellement fort. J’aurai pu écrire ça. Bon courage à toi. Mes pensées t’accompagne.

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