Noémie A. 27/02/2020

Violences domestiques, y a pas que les bleus qui laissent des marques

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Pendant mon enfance, mon père a souvent été violent envers moi. Aujourd'hui, j'apprends à vivre avec les traumatismes qu'il m'a laissés.

Au début, je pensais que ce qu’il faisait était normal, que tous les papas étaient comme ça. Cependant, plus les années passaient et plus les remarques de mes proches me tourmentaient. On me disait : « C’est quoi ce bleu ? », ou : « C’est pas normal d’être méchant avec son enfant. » Alors à l’âge de 14 ans, j’ai décidé de parler de ces violences. D’abord à des amis plus âgés que moi, puis à ma famille. Mais ma famille me disait que si mon père partait, ma mère n’aurait plus assez d’argent pour qu’on puisse faire des études privées. Alors la situation n’a pas bougé.

Je vis dans la profonde campagne bretonne, près de Rennes. J’aurais pu avoir une enfance tout à fait banale. Mais mon père, mon géniteur, a été violent physiquement et mentalement avec moi et ma famille, depuis aussi longtemps que je me souvienne. Comment pouvait-il faire cela à un enfant ? Mes journées à la maison rimaient avec insultes, coups et peur. Il m’a laissé des traces ineffaçables sur le corps et dans le plus profond de mon âme.

J’ai été placée mais surveillée

Puis, le collège a fini par être au courant de ma situation. Ils ont contacté les services sociaux et ce jour-là, à la fin de l’école, je ne suis pas rentrée chez moi. J’étais choquée que tout aille si vite, mais soulagée qu’un adulte se préoccupe enfin de moi. Je suis allée chez une très belle et gentille femme. Mais elle me surveillait. Je ne pouvais plus sortir voir mes copines, j’en aurais pourtant eu besoin à ce moment-là… De les voir, leur parler. Je n’avais pas non plus le droit de voir ma famille.

Vous êtes victime ou témoin de maltraitance infantile, de violences domestiques ? Le site du gouvernement vous explique tout ce qu’il y a à faire et à savoir.

Le moment du tribunal des enfants est venu. C’était à moi, jeune fille de 14 ans, de choisir ma vie. Mentir pour revenir auprès de ma mère et mes frères et sœurs, ou bien dire la vérité devant ces personnes que je n’avais jamais vues et qui pouvaient en quelques minutes changer toute ma vie, ma scolarité, mes vêtements, mon quotidien. J’ai menti. Je leur ai dit que j’avais inventé cette histoire. Trois semaines plus tard, je suis finalement rentrée chez moi comme si rien ne s’était passé.

Je n’ai pas été assez protégée de ces violences

Aujourd’hui, je vais avoir 18 ans. J’essaie le moins possible de voir cette personne qui a été violente avec moi, même si il fait toujours partie de ma famille. Je rentre à la maison le moins souvent possible, juste une fois par semaine pour passer du temps avec les autres membres de ma famille. Au fil des mois, des années et des conversations, ma mère a compris la souffrance que je vivais. Avec elle et ma sœur nous nous sommes soudées.

Partir du domicile familial n’est pas toujours facile, violences ou non. Suzanne, qui n’avait aucune liberté chez elle, a réussi à s’en aller. 

Avec du recul, je ne pense pas avoir été assez protégée. Je ne pense pas que les services pour enfants (l’Aide Sociale à l’Enfance) ont assez fait attention à mon dossier. Je ne sais pas non plus si j’ai su faire les meilleurs choix. Ce que je sais c’est que même si toute chose a une fin, les souvenirs restent. Cet homme sera toujours présent dans ma vie par les traces et les traumatismes qu’il m’a laissés. Mais le temps et mes proches soignent peu à peu mes blessures.

Aujourd’hui, je me reconstruis. Et en l’absence de paternité, je veux aimer ce que je suis devenue, forte et aimante.

 

Noémie, 17 ans, lycéenne, Rennes

Crédit photo Unsplash // CC Priscilla Du Preez 

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