Clélisse R. 16/12/2025

Survivre à une fausse couche

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À 15 ans, Clélisse apprend qu'elle est enceinte. Passé le choc, elle se projette et rêve de fonder une famille. Mais deux mois plus tard, la nouvelle tombe : elle fait une fausse couche et doit faire le deuil de ses deux jumeaux.

Au début, je pensais que j’étais malade. Mais en voyant que la nausée continuait et que j’avais d’autres symptômes, j’ai décidé de faire un test. J’étais sûre qu’il serait négatif, c’était juste pour me rassurer.

Quand je suis allée à la pharmacie à côté de chez moi, j’étais perdue : lequel prendre, quelle marque ? J’ai demandé conseil à un pharmacien. Le matin du test, j’avais la boule au ventre. Le stress et la peur sont arrivés d’un coup. Après avoir fait le test, les trois minutes d’attente recommandées m’ont paru une éternité. J’ai posé le test à l’envers sur mon bureau et je me suis assise par terre, seule dans ma chambre, en attendant que le chronomètre sur mon téléphone sonne.

Quand mon téléphone a sonné, j’ai pris le test en fermant les yeux et j’ai pris une grande inspiration. J’ai retourné le test, je l’ai regardé et là, le choc. Il y avait deux barres. Ça voulait dire que j’étais enceinte. Je voulais être sûre, alors je suis retournée à la pharmacie et j’ai pris trois nouveaux tests. J’ai commencé par refaire un test, puis un deuxième et un troisième. Ils étaient tous positifs. J’ai posé ma main sur mon ventre, comme si c’était naturel. La seconde d’après, le bonheur m’a submergée. En même temps, j’étais terrorisée.

C’était impossible d’avorter

J’étais tellement jeune, j’avais seulement 15 ans. Ça ne faisait pas longtemps que j’étais avec mon ex, et j’habitais encore avec mon père. Et puis je n’avais pas une situation stable : j’étais en CAP pâtisserie et avec 400 euros par mois, j’étais loin de pouvoir subvenir à leurs besoins.

Mais c’était impossible d’avorter. Je n’y ai pas pensé, ne serait-ce qu’une seconde. Je me suis immédiatement projetée : j’imaginais déjà voir mes enfants grandir, préparer leurs affaires pour aller à l’école. Je me demandais si ce serait des filles ou des garçons, s’ils ressembleraient plus à leur père ou à moi. J’ai pensé aux prénoms, à tout.

Quand j’ai dit à mes proches que j’étais enceinte, leur réaction a été horrible. Mon père voulait que j’avorte. Ma grand-mère m’a dit : « Tu vas rendre tes enfants malheureux. »
Mon ex, il pensait qu’il n’était pas le père et a menacé de se suicider si je n’avortais pas. Toutes ces remarques, je les ai très mal vécues. Je me sentais seule, et la personne dont j’avais le plus besoin à ce moment ne voulait pas de ces enfants… Je savais qu’il réagissait comme ça parce qu’il avait peur, mais moi aussi j’avais peur, et c’était moi qui étais enceinte, moi qui allais accoucher.

Du sang dans ma culotte

Très vite, mon corps a commencé à changer. J’avais un ventre bien arrondi, mal à la poitrine. Et puis un jour, j’ai vu du sang dans ma culotte. La peur est arrivée. En quelques secondes, tous les projets que j’avais imaginés avec mes enfants sont partis en fumée. Je n’y croyais pas, ça ne pouvait pas être vrai. Je suis restée un moment plantée là et je me suis mise à hurler de douleur. J’étais à seulement deux mois de grossesse.

J’ai appelé une amie, qui m’a expliqué que c’était une fausse couche. Elle le savait, parce qu’une proche à elle en avait déjà fait une. Je ne l’ai pas crue, je lui ai dit « non » en pleurs, que ce n’était pas possible et que même si c’était le cas, peut-être qu’un des jumeaux aurait survécu. Quand je suis allée voir la sage-femme, elle m’a confirmé la fausse couche. Je suis restée figée. Je n’entendais plus rien. C’était le vide autour de moi. Je suis sortie de son cabinet et je me suis mise à pleurer seule, dehors.

Vivre avec un vide dans le ventre

J’avais déjà entendu parler de fausse couche, mais quand on m’a dit « c’est ton corps qui expulse », ça m’a anéantie. On parlait de mes enfants comme s’ils n’étaient rien. Mais non, c’était mes enfants, ils grandissaient en moi. L’amour que je ressentais pour eux, c’était un amour inconditionnel. Ils étaient toute ma vie, même s’ils n’étaient pas encore nés.

Je ne sais pas pourquoi j’ai fait cette fausse couche. Je ne sais pas si c’est naturel. J’ai peur que ce soit ma faute, car le traitement que j’avais pour l’épilepsie est fortement déconseillé aux femmes enceintes. Même si ce n’est pas moi qui ai choisi d’être malade et de prendre ce traitement.

Quand tu perds ton enfant, tu perds une partie de toi. Tous les jours, je vis avec ce vide dans le ventre. Comme si on m’avait prélevé un organe. Chaque jour qui passe, je pense à eux. Quand je passe devant des magasins pour bébés, des crèches, des écoles, des bébés, des enfants, ma tête est déconcertée. J’ai gardé l’habitude de mettre ma main sur le ventre, même des années après.

Reconstruire une famille

J’ai une famille brisée. Quand je nous vois, mes parents, ma sœur et moi, je ne sais même pas si je nous considère comme une réelle famille, vu tout ce qui s’est passé et ce qui se passe encore d’aujourd’hui.

Je pense que c’est pour ça que mon rêve depuis petite, c’est de fonder ma propre famille. Je sais que je ferai tout mon possible pour ne pas commettre les mêmes erreurs que mes parents. Je veux que mes enfants puissent se dire : « je peux aller voir ma mère, elle me donnera des conseils. » Je veux qu’ils aient envie de passer du temps avec moi, qu’ils puissent être eux-mêmes. Je ferai tout mon possible pour qu’ils soient heureux, je leur dirai que quoi qu’il arrive, je ne les abandonnerai jamais. Qu’ils peuvent me parler et que je leur montrerai tout mon amour, tout mon soutien.

Je veux fonder une famille, mais je crains de refaire une fausse couche, de reperdre mes enfants. Je sais à quel point c’est douloureux, à quel point ça hante.

Clélisse, 20 ans, en formation, Buno-Bonneveaux

Crédit Pexels

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