Mina F. 28/09/2023

2/3 IVG : « Les infirmières me rassurent »

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À 14 ans, Mina pousse la porte d’un planning familial. Elle est enceinte et ne sait pas quoi faire. Il est hors de question pour elle d’informer sa mère.

À 14 ans, je suis tombée amoureuse. C’était une nouvelle vie que je ne connaissais pas. J’ai commencé à avoir des rapports sexuels. Au fur et à mesure, ça a commencé à être un peu tous les jours. Il me disait : « Vas-y viens, on le fait, sinon je vais te violer, j’ai trop envie. » Donc, au final, même si je ne le voulais pas, je le faisais.

Un jour, je décide de faire un test de grossesse parce que je ne me sens pas bien avec mes vomissements et mon dégoût des odeurs. Je vois que c’est positif. La panique ! J’appelle ma copine et je lui raconte tout en pleurant. Je n’arrive plus à respirer tellement je suis paniquée et apeurée.

Elle me conseille d’aller le dire à celui qui m’a mise enceinte. De son côté, elle appelle un planning familial pour prendre rendez-vous. Quand je parle au garçon concerné, il me dit de me casser, que ce n’est pas lui le père, que je suis allée faire la pute.

Vient le moment où je dois aller au planning. J’arrive toute gênée d’avoir un enfant dans le ventre. Les dames là-bas m’ont super bien conseillée et rassurée.

Quelques jours après, le gars revient pour me dire qu’il s’excuse et qu’il veut m’aider. Au début, je lui disais que je n’avais plus besoin de lui. Puis, j’ai réfléchi. Je me disais : « Même si je suis courageuse, j’ai besoin d’une personne majeure. »

Le poids de la culpabilité

Complètement perdue dans ma vie, je me suis mise à en parler à ma copine, qui est comme ma sœur. Elle me dit de le garder par rapport à la religion et que, même pour moi-même, je ne dois pas tuer un enfant. Elle me parle comme si j’allais être une meurtrière. Elle me le dit clairement sans dire le mot. Je suis complètement perdue parce qu’au fond de moi je veux garder ce petit ange, mais le garçon, lui, ne veut pas.

Le jour des rendez-vous arrive. La cousine du garçon avec qui j’ai eu l’enfant nous a prêté la carte d’identité de son ex-petit ami majeur, comme ils sont noirs et que la photo est un peu floue. Avec cette carte d’identité, il a pu m’accompagner à tous mes rendez-vous. Je devais me faire vacciner pour voir mon groupe sanguin et remplir des documents comme c’était une IVG sous anesthésie générale. Je devais même consulter une psychologue. J’ai sauté plein de rendez-vous qui me rendaient complètement dépressive. Je ne pouvais en parler à personne dans ma famille, malgré mes six sœurs. Je n’étais pas bien physiquement. Je ne pouvais plus rien sentir. Tout me dégoûtait. J’ai perdu plus de trois kilos.

Mentir pour cacher l’intervention à ma famille

Mon rendez-vous était très tôt le matin. J’ai dit à ma mère que j’avais un cours de soutien en anglais à l’école. Elle ne me croyait pas et m’appelait toutes les deux minutes non-stop. Ça me faisait juste encore plus paniquer. Je me disais : « Si elle l’apprend, je me barre de chez moi et c’est fini pour ma vie. »

Arrivée à l’hôpital, je demande à une infirmière si elle peut m’aider à appeler ma mère en se faisant passer pour ma prof d’anglais. Elle l’a fait. Ensuite, on me donne des médicaments et on me ramène dans une salle. J’ai attendu presque une heure, puis un homme est venu me récupérer pour aller au bloc. Je ne réalisais pas encore ce qui allait m’arriver. Les infirmières me rassuraient vraiment super bien. J’ai eu pas mal d’attente, car il y avait des jeunes filles avant moi.

SÉRIE 3/3 – À 17 ans, Kaïna s’estime trop jeune pour avoir un enfant. Enceinte, elle décide d’avorter. Elle revient sur sa prise en charge, en tant que mineure, aujourd’hui, en France.

Capture d'écran de l'article : "IVG : Ma prof m'a épaulée". Il est illustré par un dessin représentant deux femmes. La première, à gauche, plus âgée, prend par l'épaule la deuxième, plus jeune.

Arrivée à l’opération, ils m’ont endormie, et puis trou noir. À mon réveil, j’avais une douleur énorme au ventre. Ils m’ont donné des médicaments pour calmer la douleur, puis je me suis rendormie. L’opération s’est bien passée. Ils se sont bien occupés de moi. J’ai pu sortir quelques heures plus tard. Le gars avec qui j’avais une relation est venu me chercher. On est rentrés chacun de son côté.

Après ça, il ne m’a plus calculée. Il m’appelait juste pour avoir des rapports, et c’est tout. Je me suis retrouvée toute seule, renfermée sur moi, à cacher toute ma haine dans le rire et la joie.

Mina, 17 ans, lycéenne, Nantes

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Ressources utiles

Où trouver de l’info sur l’IVG ?

Si tu tapes « avortement » dans ton moteur de recherche, tu risques fort de tomber sur de la désinformation écrite par des personnes qui sont contre l’interruption volontaire de grossesse. Tu peux trouver l’information fiable et utile pour t’accompagner dans ton choix sur le tchat du Planning familial. C’est gratuit et confidentiel.

Le 3919, pour les victimes de violences sexistes et sexuelles

Le 3919 est un numéro qui permet d’échanger avec des policier·es ou des gendarmes spécialement formé·es aux violences sexistes et sexuelles. Les victimes et leur entourage peuvent composer ce numéro pour déclencher des interventions et recevoir de l’information sur ce qu’il faut faire.

Ce numéro est anonyme, gratuit, disponible tous les jours 24 heures sur 24, en métropole et dans les départements d’Outre-mer, et accessible aux personnes sourdes et malentendantes. En plus du français, douze autres langues (anglais, arabe, créole, dari, espagnol, hébreu, kabyle, mandarin, persan, polonais, portugais et turc) sont disponibles.

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