4/5 Contrôles matin, midi et soir
Un jour de vacances, de soleil, je me réveille pour sortir avec mes potes, acheter des habits et aller me faire couper les cheveux. Une journée banale. Sauf qu’en sortant de chez moi dans le 20e, je traverse la rue, je tourne la tête et vois la police.
Un sentiment d’énervement et de haine prend le dessus. Ce sentiment de colère et ce regard que j’ai apparaissent en voyant leurs uniformes. Ils me rappellent tous les morts et tous les blessés que certains d’eux ont causé chez les jeunes de cités, comme Zyed et Bouna, ou Adama Traoré.
C’est aussi un regard fuyant pour éviter un contrôle. Comme à chacune de ces rencontres, on l’appréhende, on se prépare aussi à recevoir des remarques péjoratives. Mais bon, rien n’y fait, encore et toujours un contrôle.
Ce regard de supériorité qu’ils nous jettent
Ce jour-là, et comme d’habitude, c’est des : « AH ! Un p’tit bougnoule de plus. » Ou encore : « Ils sont beaux tes habits, tu les as volés où petit con » C’est plus à ça que nous avons été habitués, mes proches et moi, pendant leurs fameux contrôles. Et à ce regard de supériorité qu’ils nous jettent.
Ils me demandent mon nom, prénom, âge, ce que je fais, si j’ai quelque chose de dangereux ou d’illégal sur moi. Sans rire, j’ai la tête d’un fou ou d’un tueur ? Revoyez vos priorités ! C’est ça que je me dis à chaque fois. Mais bon, rien n’y fait.
Une autre fouille, comme ils appellent ça, mais vraiment, le policier me dit : « Allez, dis-nous s’il reste pas quelque chose caché dans le caleçon. » Il pense que j’ai de la drogue sur moi. Son collègue intervient et lui dit de ne pas perdre son temps avec moi. Il me dit donc : « Allez, dégage. » Sans doute parce qu’il me croit.
C’est à ce genre de contrôle auquel on est soumis, quotidiennement. Matin, midi et soir. À chaque fois qu’on les croise, c’est une épreuve de ne pas craquer avec leurs blagues racistes et leurs insultes. On essaie toujours de se dire que c’est mieux de ne pas réagir, alors que parfois on a envie de leur répondre.
Ils préfèrent quand on est seul
À un moment de ma vie, c’était vraiment récurrent, peut-être parce que j’avais une « tête de jeune ». Quand j’ai grandi, j’ai eu de moins en moins de rapports avec eux. Ils préfèrent toujours nous contrôler quand on est tout seul ou à deux pour éviter des « débordements ». Ou ils nous isolent, et si on résiste, ils utilisent la lacrymo.
Heureusement, je peux en parler à mes parents. Mon père, il a subi ça étant jeune alors il me dit de laisser couler et de ne jamais répondre pour ne pas leur donner de raison de « riposter ». Donc c’est ce que j’applique quand je les croise.
Série 5/5 – Pour Léo, les affrontements avec la BAC virent souvent au duel, façon Far-West. Quand la police attaque, il faut répondre.
C’est souvent pas très loin de chez nous en plus. J’ai déjà un ami à moi qui s’est fait contrôler devant sa mère. Rien qu’en la regardant, on voyait l’inquiétude dans ses yeux pour son fils. Mais, généralement, ils préfèrent ne pas nous contrôler devant tout le monde, pour ne pas être vus je pense. On relativise et on se dit qu’heureusement, ils ne sont pas tous pareils.
Le regard des passants, entre peur et méfiance
Généralement, les passants évitent d’intervenir, à part dans nos quartiers. C’est bizarre aussi cette atmosphère. Ces regards dans lesquels les gens se demandent ce que l’on a fait, ou d’autres qui se disent sûrement « encore des contrôles abusifs ».
Ce n’est pas forcément le contrôle en lui-même qui donne cette atmosphère bizarre, mais surtout les regards portés par les passants. Des regards méfiants, des regards de peur de ce qui peut arriver, comme après certains contrôles qui ont déjà dégénéré.
Marcel, 16 ans, lycéen, Paris
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)
Contrôles et violences à répétition dans les quartiers
20 fois plus de risques d’être contrôlé quand on est un jeune homme noir ou arabe
Les 18-25 ans sont sept fois plus contrôlé·e·s par la police que le reste de la population. Parmi elles et eux, ce sont les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes qui en subissent le plus : 80 % d’entre eux ont été contrôlés ces cinq dernières années.
La moitié des enquêtes de l’IGPN ouvertes pour des faits de violence
En 2020, l’inspection générale de la Police nationale (IGPN) a reçu 5 420 signalements. 1 101 enquêtes judiciaires ont été ouvertes, la moitié pour violences. 38 enquêtes ont également été ouvertes par l’IGPN en 2020 pour injures à caractère raciste ou discriminatoire (contre 21 en 2019).
Les banlieues aussi ont leur porte-voix
L’équipe de l’écho des Banlieues s’est rendue au quartier des Mille-Mille, à Aulnay-sous-Bois, pour le raconter à travers les regards de ses habitant·e·s. Un documentaire de trente minutes qui questionne entre autres le traitement médiatique des quartiers et les violences policières.