Richard B. 27/10/2021

3/4 L’ESAT est une obligation, pas une option

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Richard et son père bataillent pour qu'il trouve un emploi. Remercié récemment par Carrefour, l'ESAT (établissement et service d'aide par le travail) semble être le seul recours.

Le sport, c’est ma passion mais ce serait un métier sans le Covid. Un métier pour gagner de l’argent, pour me concentrer, pour participer. Et pouvoir travailler en équipe pour parler avec des gens normaux, avec des adultes, comme moi.

J’aimerais mettre les affaires dans le rayon, prendre les transports en commun, me lever tous les matins, pour aller travailler. À Saint-Denis, là où j’habite, aller travailler à Go Sport. Mais, pour l’instant, pas de travail à cause du Covid. Je reste toute la journée à la maison, depuis le début du Covid. Je ne sors pas, même pas pour faire du sport ! J’attends le mois de septembre… Normalement, je fais de la danse, de la lutte et de l’athlétisme, mais en ce moment je joue aux jeux vidéo, je lis, je tape à l’ordi, je fais ma gym, mes poids et je prends ma douche !

Apprendre à faire le ménage, les cartons

Avant, je travaillais à Carrefour à Saint-Denis dans les rayons PLS, produits libre-service, mais mon père ne voulait plus que je travaille là-bas parce qu’il m’a trouvé un travail en ESAT. C’est mon père qui cherche du travail pour moi. Il cherche dans l’informatique, pour que je tape sur l’ordinateur. Maintenant, j’écris vite sur le clavier ! (1)

C’est mieux là-bas, en ESAT, parce que je peux me débrouiller tout seul. C’est un travail avec les handicapés : apprendre à faire le ménage, les cartons. C’est un ESAT à Paris : je finirais mon travail, j’irais au sport et je me changerai dans les vestiaires. À Carrefour aussi, je me débrouillais tout seul mais je travaillais avec des personnes pour mettre les produits en rayon. Je ne sais pas pourquoi j’ai arrêté, j’aimais bien travailler avec des gens, prendre des pauses, manger le midi chez moi. Parce que là, quand je rentre je me déshabille, je regarde la télé et je regarde le foot alors que je préférerais travailler.

Je ne sais pas ce qui m’attend en ESAT mais j’ai hâte

En attendant… Je joue aux jeux vidéo, je regarde Amazon Prime et Netflix, je parle à l’assistance Amazon, je chante sur YouTube. J’aimerais bien travailler à l’étranger et aux États-Unis, et rencontrer le président des États-Unis. Il faudrait que mon père m’apprenne l’anglais. J’aimerais bien travailler dans un restaurant comme McDonald’s, pour faire les frites ou tenir la caisse.

Mon père a contacté le chef de Carrefour et, pour l’instant, il n’a pas donné son accord, mais bientôt je pourrais retravailler là-bas. En attendant, l’ESAT ce sera déjà bien. (2) Ce qui ne m’empêchera pas d’aller au sport en plus ! Je suis content de commencer ce travail bientôt, ça me permettra de gagner un peu d’argent, 600 euros. Mais je ne sais pas combien de temps je vais travailler par semaine… Je ne sais pas combien de temps va durer ce travail non plus… Je ne sais pas quelle ligne je vais prendre. Mais j’ai hâte de commencer.

Série 4/4 – Pour décrocher son poste, Fatma a caché sa dyslexie. Aujourd’hui, elle a peur qu’on la découvre et que ça lui porte préjudice.

Une jeune femme de face, yeux fermés, tient devant son visage deux carrés de papier recouverts d'écritures illisibles, derrière elle plein de lettres, sur la droite en bas, une main posée sur un livre, un peu plus haut on aperçoit quelqu'un allongé sur le sol.

Mon père va m’aider, il peut m’emmener en voiture. Carrefour j’y allais tout seul, mais l’ESAT c’est loin. Je vais y arriver car il y aura toujours mon père pour m’aider.

Richard, 25 ans, en recherche d’emploi, Saint-Denis

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

Le père de Richard nous a fourni quelques explications pour clarifier son témoignage :

(1) Richard devait être pris à Carrefour en CDI le 30 juin 2015 à l’issue de son stage dans le cadre d’une convention tripartite entre l’École Plus, Carrefour et moi-même, la boucle était bouclée mais la conjoncture économique a obligé Carrefour à une restructuration et la variable d’ajustement a été la suppression de personnel et l’arrêt de la politique d’embauche. Richard en a été de fait victime. Ce n’est pas moi qui ait décidé de son départ de Carrefour et je pense qu’il n’a pas compris à l’époque, malgré mes explications.

(2) Ma démarche depuis que je l’élève seul est de la faire travailler en entreprise et pas dans les structures habituelles mises à disposition pour le public handicapé. Je me bats afin qu’il puisse accéder à un emploi dans lequel il pourra s’épanouir comme il le fait dans toutes ses activités. Le cabinet conseil mandaté par Cap emploi 93 cherche depuis des mois à orienter Richard vers un ESAT. Je repousse en tant que tuteur cette solution, mais nous allons l’accepter. C’est la seule porte de sortie pour Richard, par défaut, en recherchant dès le mois de septembre un établissement dans lequel les travaux proposés lui permettront de s’épanouir.

 

Les politiques du handicap au travail

Un gros budget… pour de faibles résultats

Le budget consacré aux politiques publiques du handicap est de plus de 2 % du PIB français en 2021. Dans les faits, l’intégration et l’épanouissement des travailleurs et travailleuses en situation de handicap dans nos entreprises sont loin d’être effectifs.

L’ESAT permet d’avoir une activité pro

Les ESAT, ou établissements et services d’aide par le travail, sont des structures réservées aux personnes en situation de handicap. Elles y sont embauchées afin de (re)trouver une vie professionnelle à travers des activités manuelles.

L’ESAT n’est pas une solution à l’exclusion

En ESAT, les travailleurs et les travailleuses en situation de handicap peuvent avoir une vie professionnelle, mais ils et elles ne sont amenés à travailler qu’entre eux : l’ESAT ne favorise donc pas forcément l’insertion dans la société…

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