Floryne G. 26/01/2022

1/4 Le C1, le bus du harcèlement

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Floryne n’a pas le choix, elle doit prendre le bus tous les matins pour aller au lycée. À force de remarques sexistes et de regards insistants, le trajet est devenu un enfer.

Chaque matin, je prends le bus pour me rendre au lycée, à Grande-Synthe. J’effectue une correspondance à la gare de Dunkerque. Ce changement me met systématiquement la boule au ventre. Dès que je descends du premier bus pour rejoindre le C1, je passe devant des hommes. Ils traînent dans la gare et, comme certains sont ivres, ils se montrent parfois dangereux. Il n’y a aucun agent de sécurité, aucun policier.

La dernière fois, un jeune type grand, avec une capuche, s’est approché de moi. Il était avec deux autres mecs et parlait dans une langue que je ne connaissais pas. Il m’a accostée en me disant : « Tu as un beau corps, tu as de belles formes, tu es sexy. Ça te dirait que je te passe mon Snapchat pour qu’on se fixe un rendez-vous ? » J’étais toute tremblante. Les seuls mots que j’ai réussi à prononcer ont été : « Dégage de là, sale pervers ! » J’ai immédiatement appelé ma mère en lui expliquant ce qui venait de se passer.

Je ne me sens pas en sécurité

À bord du C1, c’est pire : en grande majorité, à l’intérieur, des hommes. C’est simple, dès que je franchis le seuil de la porte, tous leurs regards se posent sur moi. Des regards insistants qui reflètent des trucs bien malsains, des chuchotements, parfois des remarques sexistes. Ça me fait peur. Plein de pensées, parfois irrationnelles, me viennent à l’esprit. Comme je ne me sens pas en sécurité, je crains d’être kidnappée, violée, agressée. Je me sens dévisagée, jugée. Ça me gêne, je me sens oppressée. L’ambiance est très angoissante.

J’en suis venue à me remettre en question totalement : est-ce que c’est moi le problème ? Est-ce que c’est ma façon de m’habiller ? Depuis que je fréquente ce bus, je fais d’ailleurs extrêmement attention : je mets des vêtements qui cachent mes formes. Le mardi, je suis obligée de venir au lycée en tenue professionnelle, c’est-à-dire une chemise blanche avec une jupe noire et des collants. Et bien le mardi, c’est le jour où mon père me dépose en voiture, pour éviter qu’il m’arrive quelque chose.

Le bus, un défi de tous les jours

Prendre le bus tous les matins, c’est devenu l’enfer. Un combat de chaque jour qu’il ne faut pas lâcher. Ce serait trop facile d’arrêter de prendre le bus à cause de ces personnes cheloues. Et même si je voulais faire autrement, je ne pourrais pas. J’ai déjà pensé à esquiver le C1, mais c’est mon seul moyen de transport pour venir au lycée.

Série 2/4 – Charlotte a été agressée sexuellement par un frotteur dans le métro. Depuis, elle ne peut plus prendre les transports le soir.

Illustration en couleurs, au premier plan à gauche une femme nue est recroquevillée sur elle-même, en arrière-plan des vêtement sont éparpillés et son visage en sueur apparait en gros plan.

Comme je ne me sens pas en sécurité, j’ai dû mettre en place quelques techniques, pour esquiver ces types. Par exemple, j’ai tout le temps mon téléphone à la main, prête à saisir le 17 en cas de problème. Ou alors j’appelle ma meilleure pote, avec qui je reste au téléphone jusqu’à ma destination. Je sais que ça ne change pas forcément grand-chose, mais je me sens mieux comme ça. C’est devenu une habitude, c’est systématique.

Floryne, 17 ans, lycéenne, Coudekerque-Branche

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Le harcèlement dans les transports

Une situation bien connue

D’après une enquête menée par la Fnaut (fédération nationale des associations d’usagers des transports) en 2016, neuf femmes sur dix ont déjà été victimes de harcèlement dans les transports. La plupart des cas concernent des regards insistants, une présence envahissante, des commentaires et des sifflements sexistes. Dans 89 % des cas, aucun·e témoin n’a réagi.

Quand le corps empêche de réagir

Il n’est pas rare que les victimes de violences sexuelles culpabilisent de n’avoir pas pu se défendre face à leurs agresseurs. Lors de situations violentes, il arrive que l’esprit soit plongé dans une forme de « brouillard », un état de sidération empêchant la personne de réagir comme elle le souhaiterait.

Porter plainte, une double peine ?

Depuis novembre 2021, des centaines de femmes victimes d’agressions témoignent des difficultés rencontrées au moment de porter plainte. Derrière le hashtag #DoublePeine, elles racontent l’incompréhension, les remarques sexistes et parfois le mépris des policier·e·s. Une initiative qui relance le débat sur le manque de formation des agent·e·s.

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