2/4 Des heures à jouer sur des terrains cabossés
Au milieu des six tours de ma cité, mes potes et moi avons aménagé un terrain de foot sauvage entre deux immenses arbres et une immense pierre taillée à trous qu’on a baptisée « Le Gruyère ». Dans ce terrain rempli de pierres du Haut-Montreuil, j’y ai passé mon enfance. À la sortie de l’école, pendant les week-ends et les vacances. J’y ai rencontré mes premiers potes et on s’y est fait nos premiers bobos.
À notre entrée au collège, on a cherché des terrains de foot avec, au moins, des vraies cages. On s’est aventurés dans le parc à côté. Là-bas, on en a trouvé deux : l’un en terre rouge avec plein de trous à cause des pluies, l’autre en sable blanc, étonnamment régulier. C’était parti ! Les matchs jusqu’à pas d’heure avec des gens qu’on ne connaissait pas.
Pas de club, pas de terrain
La recherche d’infrastructures sportives, j’en ai encore un goût amer dans la bouche. Ça nous a dégoutés, mais pas moyen d’abandonner. Vu que, depuis tout petit, on construit nos vies et nos amitiés autour du sport. C’était devenu trop important.
Après quelque temps, on a voulu jouer sur un meilleur terrain, celui de nos rêves : un terrain en herbe et des cages à filet. Pour ça, la solution facile, c’est le club. Mais quand on a une famille qui privilégie les études au sport et qui vit en HLM, le club n’est pas une option. C’est pour ça qu’il fallait vadrouiller vachement plus loin, à au moins trente minutes à pied, parfois même jusqu’à une ville voisine. On a lâché l’affaire.
On arrivait à la fin de nos années collège et on jouait toujours sur le terrain de la cité et celui du parc. Mais l’impensable se passa, la ville sortit de terre un terrain à cinq minutes de la cité. Bon, ce n’était pas le terrain qu’on voulait : le sol, c’était du synthétique avec des billes qui te faisaient glisser à chaque appui, et les cages des barreaux de fer. En plus, on commençait à devenir grands, et, franchement, à cinq contre cinq dans ce synthétique, ça devenait vachement serré. Pas très motivant tout ça pour continuer le foot.
Les Parisiens, mieux dotés
Sur le chemin du lycée, j’avais remarqué un terrain de basket avec des gars qui s’y amusaient. Ces gars-là étaient dans mon lycée et, de fil en aiguille, je me suis retrouvé, moi aussi, sur ce terrain à même pas dix minutes de chez moi.
C’était le kiff. De plus en plus de monde venait jouer et on devenait de plus en plus fort mais là aussi on cherchait toujours un terrain.
SÉRIE 3/4 – Depuis ses 7 ans, Djawed joue au foot dans sa cité. Il préfère la liberté des règles de la rue, loin des clubs et des recruteurs.
« Va à Porte de Charenton, le terrain est cool et y a du monde » ; « Va à Stalingrad, c’est sous le métro, c’est couvert, tu peux y jouer même quand il pleut. » Toujours le jeu de piste pour l’équipement qui va bien. Et soudain le miracle : « Y a le gymnase Henri Wallon, des darons ont une association. Allez squatter, c’est le dimanche, peut-être qu’ils vous laisseront jouer. » Je ne sais plus qui nous a dit ça, mais je le bénis encore aujourd’hui.
Je crois qu’on a fait pitié aux darons car ils nous ont laissé un créneau ! Et moi j’ai définitivement remplacé le foot par le basket.
Ahmed, 23 ans, en recherche d’emploi, Montreuil
Illustration © Léa Ciesco (@oscael_)
Boycott du « Mondial de la honte »
De nombreuses et nombreux supporters et fans de foot envisagent de ne pas suivre cette Coupe du monde 2022.
– Paris, Rennes, Marseille et une vingtaine de villes ont décidé de ne pas retransmettre les matchs sur écran géant.
– les footballeurs du Danemark joueront avec des maillots noirs aux logos atténués pour ne pas « être visibles pendant un tournoi qui a coûté la vie à des milliers de personnes ».
– ceux de l’équipe de France ont promis, à la veille de leur départ au Qatar, de « soutenir des ONG qui œuvrent pour la protection des droits humains. »
Rarement une édition du Mondial n’aura été aussi critiquée, secouée par de graves scandales politiques, humanitaires et écologiques.
Boycotter, pour quoi faire ?
Le boycott d’évènements sportifs n’est pas nouveau. Mais est-ce que ça sert à quelque chose ? Si c’est un mode d’action symbolique récurrent, il n’est pas le seul.
Participer à la Coupe du monde (ou la regarder) ne signifie pas pour autant cautionner. On peut aussi faire passer un message une fois sur le terrain. En 2016, le joueur de football américain Colin Kaepernick a refusé de se lever pour l’hymne : un geste symbolique pour dénoncer les violences policières à l’encontre de la communauté noire.
L’ONG Amnesty International a d’ailleurs demandé aux Bleus de se servir de leur célébrité pendant ce Mondial pour prendre la parole publiquement. Et de ramener une troisième étoile pour continuer à nous faire rêver.