Shierley S. 27/04/2022

3/5 Il m’a jetée dehors

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Après avoir été élevée par sa mère, Shierley a été obligée de vivre chez son père. Un jour, il l’a chassée de chez lui et elle a dû se débrouiller seule.

Depuis ma naissance, j’ai toujours vécu seule avec ma mère et n’ai jamais connu mon père, car il ne voulait pas m’assumer. Il n’est jamais venu me voir, il ne m’a jamais aidée financièrement, il ne m’a jamais rien donné.

Ma mère vivait en Haïti et est venue vivre en Guyane. Haïti, c’est trop dangereux. Tu peux te faire tuer dans la rue, pour rien. Ma mère était obligée de faire des petits boulots qui ne payaient pas beaucoup, pour pouvoir s’occuper de moi.

C’était compliqué pour moi de la voir dans cette situation, mais je ne la remercierai jamais assez d’avoir tenu le coup. Jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus. Elle a demandé de l’aide à mon père, qui a fini par céder et a bien voulu prendre le relais. Je ne le connaissais pas. Ça ne m’avait jamais dérangé de vivre sans lui.

Vivre avec un inconnu

À 12 ans, je suis allée vivre en Guyane avec mon père, ma belle-mère et ses enfants. C’était très dur de laisser ma mère et de venir vivre avec des inconnus. Deux ans et quelques mois plus tard, je me suis disputée avec les enfants de ma belle-mère, elle n’a pas apprécié et a commencé à m’insulter. Je la laissais parler et ne lui répondais pas. Malheureusement, elle a traité ma mère de « pute » dans cette dispute et, moi, je n’ai pas aimé. Je lui ai donc donné la première baffe, et ça a fini en bagarre.

Quelques heures plus tard, mon père est rentré à la maison, il a appris l’histoire par sa copine. Il ne m’a pas demandé ma version, il est venu, il m’a frappée et m’a mise dehors (je précise qu’il était 22 heures). Cette situation ne m’a pas fait plus de mal que ça parce que je m’en foutais. Mais je me suis dit qu’il devait prendre ma défense, pas celle des autres car je suis « sa fille ».

J’ai dû vivre dans la rue. Je mangeais, je me lavais chez des copines et dormais sur un fauteuil devant chez eux. Je dormais là le soir, et le matin je partais pour pas que les voisins me voient. Au bout d’un moment, mes amis en ont eu marre de moi, j’ai été obligée d’appeler ma mère et de lui expliquer toute l’histoire. Quelques semaines après, je suis partie la retrouver en France.

Grandir sans père, c’est devenir adulte

J’ai toujours eu de très bonnes relations avec elle. La revoir et vivre avec elle après deux ans et demi m’a fait beaucoup de bien. Je n’ai eu aucune nouvelle de l’inconnu qui me servait de père et c’est mieux comme ça. Il ne m’a pas apporté grand-chose dans ma vie jusqu’à présent. Mais, grâce à cette situation, j’ai grandi deux fois plus vite, j’ai su être responsable, me débrouiller toute seule, et je l’en remercie.

Série 4/5 – Son père est parti quand Lola est née. Douze ans plus tard, elle l’a retrouvé par hasard. Il vit juste à côté.

Capture d'écran d'un autre article, illustration où on voit une fille tenir un assiette dans lequel le visage d'un homme se reflète et se déforme, il y a des couvert sur le coté

Quoi qu’il arrive, les parents sont censés s’occuper de leurs enfants. Une chose est sûre, c’est que je ne ferais jamais subir ça à mes enfants. Parce que ça ne se fait pas. À partir du moment où tu as un enfant, tu es censée être une adulte responsable. Et moi, j’en suis une.

Shierley, 19 ans, en formation, Noisy-le-Sec

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

Pousser sans tuteur

Sans repères

De Sniper à JoeyStarr en passant par Guizmo, les rappeurs ont été nombreux à évoquer le sujet du père déserteur. Une situation qui touche autant les femmes que les hommes. Dans l’émission Woman Talk That Talk, Emma témoigne de l’impact qu’a eu l’absence de son père sur sa vie.

Des foyers souvent pauvres

Les familles monoparentales, c’est une famille sur quatre en France. 19 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté, soit 1,3 million de personnes. Dans ces conditions, la débrouille, le soutien de l’entourage et le système de protection sociale jouent un rôle capital.

Passer outre les barreaux pour garder le lien

Visiter un·e proche au parloir est une épreuve. Les enfants sont plus de 95 000 à compter un parent derrière les barreaux, le plus souvent le père. À Marseille, l’AFP s’est rendue aux Baumettes, à la rencontre de ces familles disloquées par la prison.

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