1/2 Ils m’ont dit de faire comme chez moi
C’est quelqu’un du Secours catholique qui m’a accompagné dans la famille d’accueil. Le premier jour, j’étais un peu triste et je n’étais pas à l’aise parce que ce sont des gens que je ne connaissais pas et que je n’avais jamais vus. Quand je suis rentré dans la maison, je les ai vus souriants et accueillants. Ils m’ont fait visiter et m’ont montré ma chambre. Je me suis dit : « Ah, peut-être que je suis le bienvenu. »
Je n’avais jamais vécu avec une famille inconnue auparavant, j’avais des doutes sur comment ça allait se passer. Ils m’ont posé des questions sur moi, sur ma famille, ils m’ont dit que si j’avais des besoins je ne devais pas hésiter à le dire. Ils m’ont dit de faire comme chez moi.
Du commissariat à l’église
En 2019, je suis arrivé en France en tant que mineur isolé. Je suis arrivé à la gare de Lyon, puis à celle de Melun. J’avais 16 ans. Je suis resté trois jours entre la gare et le centre-ville car je ne connaissais personne sur le territoire français. J’ai commencé à poser des questions aux gens sur la façon dont je pouvais avoir de l’aide.
Au bout du troisième jour, je suis allé au commissariat. J’étais là-bas de 2 heures jusqu’à 6 heures du matin. Ils m’ont mis dehors et m’ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire pour moi. J’ai vu une église à côté, je ne savais pas que c’était le Secours catholique. J’y suis allé par hasard. Ils étaient là pour aider les gens, mais je ne le savais pas encore.
Ils m’ont mis dans une chambre pendant une semaine en attendant de chercher une famille d’accueil. Puis, ils ont trouvé quelqu’un qui est bénévole dans une association. Ils ont proposé qu’il m’accueille chez lui en attendant que je sois pris en charge.
Trois mois d’attente
Je suis allé chez cette personne. C’était un couple avec des enfants, mais ils étaient deux dans la maison. Les enfants sont grands, ils sont dans des appartements à Paris. La famille m’a fait commencer les cours de français. La femme est dans une association bénévole, c’est là-bas qu’une autre me donne des cours deux ou trois fois par semaine. Elle m’a acheté des livres.
C’est après trois mois que je suis allé à l’aide sociale à l’enfance (ASE). C’est le temps qu’il a fallu pour avoir un rendez-vous.
J’ai ensuite été reconnu mineur isolé, et pris en charge par l’ASE jusqu’à mes 18 ans. Ils m’ont mis dans un appartement avec d’autres jeunes. Ça se passait bien. Dans l’appart, on parlait plutôt français et bambara. On était tous des mineurs, et il y avait des éducateurs qui venaient trois ou quatre fois par semaine.
J’allais toujours passer des week-ends dans la famille. Il fallait que je demande à mon éducateur avant d’y aller et lui, il demandait à la référente. Pendant ce temps, j’ai commencé l’alternance en électricité fin 2019 et j’ai eu mon CAP électricité en 2021. Je vais passer mon bac Melec l’année prochaine. C’est la famille d’accueil qui m’a choisi ce métier-là, et j’ai aimé aussi.
Plus qu’une famille d’accueil
Au Mali, je n’ai de contact qu’avec mon oncle. Aujourd’hui, je considère ma famille d’accueil comme ma famille biologique. Ils m’aident dans tout : dans mes études, dans mon travail. C’est eux qui m’ont trouvé l’entreprise, il y a même quelqu’un qui me donne des cours de maths.
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On s’entend bien, ils m’écoutent, me conseillent et m’aident financièrement. Je me sers de ce que je veux dans la maison. Je suis à l’aise, j’y fais ce que je veux. J’ai ma chambre, ma douche, je suis tout seul au deuxième étage. On fait des week-ends ensemble : on va dans la forêt, au restau, on part au cinéma, on fait des pique-niques. Le week-end dernier, on est allés au théâtre du Châtelet. On fait tout comme une famille.
Bouba, 19 ans, en alternance, Melun
Crédit photo Pexels // CC RODNAE Productions
Un·e mineur·e isolé·e est en danger
On parle de mineur·e isolé·e lorsqu’un·e enfant étranger·e voyage sans parent. Le simple fait d’être isolé·e, sans adulte sur le territoire français, place l’enfant dans une situation de danger.
La grande majorité de ces jeunes ne sont pas pris·es en charge
16 000 mineur·es isolé·es bénéficient d’aides de l’État, alors qu’on estime qu’elles et ils sont environ 40 000 sur le territoire français. 95 % sont des garçons.
Pas la même protection selon la nationalité
L’État débourse en moyenne 200 euros par jour pour la protection d’un·e enfant français·e, contre 50 à 70 euros pour la protection d’un·e mineur·e étranger·e.