2/4 Mon patron n’est pas un « beauf » avec une fourche
Je travaille comme apprenti dans une ferme, chez des céréaliers, qui ne sont pas tout à fait comme les gens décrivent les agriculteurs : pauvres, beaufs… Les éleveurs galèrent souvent financièrement mais, pour les céréaliers, les revenus sont souvent royaux. À mon arrivée dans la ferme, le premier jour, j’ai vu tout le matériel partout, des gros tracteurs à 300 k, j’étais vachement impressionné. Ces tracteurs-là, on n’en croise pas beaucoup. La ferme de mes patrons est bien loin des clichés habituels.
Notre véhicule de tous les jours n’est pas un tracteur
Un agriculteur ne travaille pas qu’avec une fourche, mais avec des engins à plusieurs centaines de milliers d’euros. Mon patron est toujours habillé en chemise, beau pantalon, classe quoi. Comme un patron ! Alors que les gens s’imaginent un gars en cotte, avec un chapeau de paille et une fourche à la main. Nous ne sommes pas forcément habillés comme ça tout le temps, et notre véhicule de tous les jours n’est pas un tracteur. Les agriculteurs conduisent des tracteurs qui valent plus chers que les berlines des banquiers.
Mon patron a récupéré la ferme et les terres de son père, sa femme l’a rejoint et ils tiennent ça à deux. Ils ont des salariés, dont le père de mon patron, et moi en alternance. Leurs salariés sont trois, dont un « homme à tout faire ». Il va voir une fuite sur un tracteur et la réparer en cinq minutes. Il connait la mécanique sur le bout de ses doigts, il sait tout faire ! Les agriculteurs en général savent tout faire ! Là, on est en train de faire un nouveau bâtiment, c’est nous qui avons fait le terrassement ! Un agriculteur, ça touche à tout !
Les agriculteurs ne sont pas tous pauvres
Ce que les gens pensent, c’est qu’on se tue à la tâche alors que c’est vraiment par période, comme dans n’importe quel travail. L’été, on va se tuer de 7 heures à 22-23 heures parce que c’est les moissons. À partir d’octobre, on a aussi l’ensilage de maïs donc c’est pareil. Par contre, en hiver, de début décembre jusqu’à février, c’est super calme. À 17 h 30, le travail, c’est fini. Et l’ambiance quotidienne est géniale !
Série 3/4 – Fille d’un agriculteur et d’une agricultrice, Ludivine ne veut pas exercer le même métier que ses parents. Son frère, lui, n’a pas eu d’autre choix que de reprendre l’exploitation.
Pendant les grosses récoltes, l’ambiance le soir après le travail, malgré la fatigue, c’est calme, on est tous ensemble. La dernière fois, on s’est calés tous ensemble après la récolte, autour d’une bonne bière et d’un plat bien chaud dans une ambiance magique dans une des granges d’un collègue. C’est les patrons qui régalent tous ces bons moments. Ils peuvent se le permettre.
Je vois bien qu’ils gagnent bien leur vie : déjà, leur baraque est énorme, ils ont des voitures dernier cri. Ils ont 480 hectares, c’est quand même une grande ferme par rapport aux voisins ! Comme quoi les métiers qui sont le plus critiqués, comme l’agriculture, sont souvent les métiers qui génèrent le plus d’argent. Donc non, les agriculteurs ne sont pas tous pauvres.
Gabin, 15 ans, lycéen, Amillis
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)
L’agriculture en pleine transformation
Une profession qui se meurt
Dans moins de dix ans, la moitié des agriculteurs·trices partiront à la retraite. Un départ sur trois seulement sera remplacé. Il y a quatre fois moins d’agriculteurs·trices qu’il y a quarante ans, et 100 000 exploitations agricoles ont disparu depuis 2010. En cause, la pénibilité, les infrastructures trop chères, les salaires trop faibles, mais aussi le changement climatique et ses conséquences…
Objectif, attirer les jeunes
Le ministère de l’Agriculture mise tout sur les jeunes. Via sa campagne « Entrepreneurs du vivant », il sponsorise des influenceurs·euses pour dépoussiérer l’image de ces métiers : Amixem passe une journée à la ferme et Juste Zoé plante un potager. Un tournoi sur le jeu Farming Simulator a même été organisé en décembre sur Twitch.
Féminisme agricole
À l’heure où la profession se féminise, les agricultrices sont de plus en plus nombreuses à lutter pour une meilleure reconnaissance et les mêmes droits que les hommes, longtemps considérés comme seuls chefs des exploitations. « [Elles] ont longtemps été des travailleuses invisibles, absentes des statistiques ; elles ne travaillaient pas, elles aidaient leurs maris », reconnaît un rapport du Sénat en 2017.
Merci pour cet article ! Très intéressant. Merci d’aborder ces sujets et de les dépoussiérer. Bonne journée