4/5 Sous les robes de soirée, les TCA
Durant quatre mois, je me suis plongée dans l’univers de la nuit. Dans des soirées tardives qui ont soulevé des choses enfouies en moi. Ma seule envie, après ces mois écoulés, c’était de fuir tout ce qui y était lié… surtout les TCA.
Pourtant, tout ça avait bien débuté, avec mon dix-huitième anniversaire.
Je venais de passer les pires mois de ma vie et n’avais pas pu le fêter comme je le souhaitais. Alors, quelques mois après ma majorité, j’ai décidé de le célébrer avec une amie née le même jour. C’était un événement groupé, on était nombreux. Ma première rencontre avec ce monde inconnu. C’était une première pour moi de passer la nuit ailleurs que chez moi. J’ai décidé de goûter à cette liberté que je n’avais jamais vraiment connue.
Je l’ai fait, et pas qu’un peu. Des soirées d’anniversaire, pour fêter la fin du lycée. Il y avait toujours un prétexte pour inviter le plus de monde possible dans des maisons à taille XXL. Ce qui m’a vraiment fait rester, c’est la personne avec qui j’étais et avec qui je partageais une connexion que je n’avais jamais connu auparavant. Elle m’ouvrait ce monde, main dans la main. Et je m’y sentais bien, avant que ça dégénère.
C’était parti pour plusieurs mois à enchaîner les rencontres, seule ou accompagnée, à être partout. Certaines personnes que je rencontrais pour la première fois me demandaient de venir participer à leurs soirées. On me remarquait car je faisais en sorte qu’on le fasse. De par mes tenues, assez décalées par moment, et aussi parce que j’étais partout : dans les cuisines, sur la piste, à faire la DJ… J’interagissais avec tout le monde. Au point qu’à plusieurs reprises, il m’est arrivé de me présenter à certaines personnes, alors qu’elles disaient m’avoir déjà vue auparavant et que je n’en avais aucun souvenir.
Être omniprésente
C’était comme une performance pour moi. Je m’apprêtais, je me maquillais afin d’être celle qui brillerait le plus. Impossible de pas me voir. Dans la vie de tous les jours, je me faisais assez discrète, habillée toujours en noir et de manière assez simple. Dans ces soirées, je portais des robes qui dévoilaient beaucoup mon corps, ce dont je n’avais pas l’habitude. Je mettais énormément de bijoux, même des bijoux de corps. Mes extravagants make-ups étaient inspirés de ceux des drag queens. J’étais omniprésente.
À l’inverse, les autres étaient habillés de manière assez simple, à moins que ces soirées soient à thème. Malgré leurs tenues, je comparais énormément mon corps. Ils et elles paraissaient mieux que moi car ils et elles étaient plus fins.
Je me servais des verres et le reste m’était tendu par une personne de confiance qui voulait me faire « tester ». Je ne posais pas plus de questions et j’ingérais les substances.
Les veilles de soirée, je passais mon temps dans les magasins à me chercher un nouvel attirail. Je me pensais sur le coup imbattable, forte et importante. J’étais détachée de mes soucis. Pour la première fois depuis des mois, je n’y pensais pas.
TCA : 30 kilos en une nuit ?
Ce n’était que du faux et je n’ai pas tardé à m’en apercevoir. Le personnage que j’incarnais durant ces soirées était faux. Ce n’était pas la vraie moi, pas mon vrai caractère. Quand je reprenais mes esprits, en général, je ne me sentais pas au top.
Mais, un jour, ça a été pire. J’ai vraiment ressenti une forte déception en réalisant que tout ça était éphémère, que ça me faisait plus de mal au réveil que de bien la veille et que, pourtant, je persistais. Les artifices n’étaient pas assez puissants pour camoufler ce que je voyais. J’étais une inconnue. Faible.
J’ai toujours eu cette habitude de me regarder chaque matin dans le miroir. C’est généralement là que j’évalue mon niveau de fatigue mentale et physique. Cette période n’y a pas échappé. J’avais toujours eu un rapport compliqué avec mon corps, mais jamais au point de me détester ou de ne pas me reconnaître.
Et puis, ce jour-là, ça a été le cas. Chaque trait de mon visage me paraissait plus gros, disproportionné et laid. J’étais la pire version de moi-même. J’avais l’impression d’avoir pris 30 kilos en une nuit. Mon visage me paraissait énorme, mes lèvres trop fines. À cause du stress, j’avais perdu mes cheveux et je m’étais rasé les côtés pour qu’ils repoussent mieux.
Je ne m’étais jamais posé la question de la féminité en moi mais, à cet instant, face au miroir, je n’en voyais pas. J’étais tout sauf celle que je voyais avant, et encore moins celle qui existait en soirée.
J’ai arrêté de me nourrir
Ça a eu un impact sur mon alimentation. J’ai commencé à sauter des repas, puis à manger dans des assiettes à dessert. Je pouvais m’abstenir de manger pendant plusieurs jours si ma sœur ne m’y obligeait pas quand je me rendais chez elle. Et puis j’ai rejoint ma mère au Sénégal durant les vacances d’été, j’en avais besoin pour me sentir mieux. Ça a été une sorte de désintox pour moi.
À l’aller, j’avais pris l’avion alcoolisée à cause de la soirée de la veille. Au retour un mois plus tard, j’étais totalement sobre et dans une meilleure condition. Mais c’est pendant ce voyage que j’ai complètement arrêté de me nourrir.
Pas par manque d’appétit, mais parce que je n’en pouvais plus physiquement. J’étais totalement dégoûtée par la nourriture. J’évitais d’en voir et même d’en sentir. Déjà anémique, j’ai commencé à enchaîner malaise sur malaise. À chaque fois que je me levais, je ne voyais plus rien. Monter des escaliers était devenu une épreuve. Mon seul réconfort était qu’il n’y avait aucun miroir dans cette maison. Plus moyen de me voir. Pas de balance, donc aucun moyen de me peser non plus. Après un mois passé là-bas, je suis revenue avec 15 kilos en moins. Le mental et le corps épuisés.
Pas encore sortie de l’affaire TCA
À mon retour, mon premier repas a été confectionné par ma nièce, 12 ans, qui voyait à quel point je souffrais. Trois nuggets : c’est tout ce que j’ai avalé, mais ça a été une petite victoire personnelle.
J’ai repris les soirées, sans toucher à l’alcool et en refusant tout ce qu’on pouvait me donner. J’étais dans le contrôle et simplement contente d’être vraiment là. Mais, une fois tous les artifices retirés, l’attention qu’on me portait n’était plus la même. J’ai commencé à me renfermer sur moi, à éviter les soirées, les rencontres et de me montrer. Je ne m’y sentais plus à l’aise.
SÉRIE 5/5 – Diane profite de sa majorité toute récente, loin de l’imaginaire associé à son âge. Loin des drogues, du sexe, et des soirées en boîte jusqu’au petit matin.
J’ai fait des choix. Je me suis séparée de pas mal de monde pour aller mieux. J’ai commencé à sortir manger dehors certaines fois, mais il y a encore des jours où je ne mange pas du tout. C’est un long processus mais je peux dire que ça va mieux. J’ai eu un déclic en écrivant ce témoignage. Il faut que je me fasse aider, et par un·e professionnel·le. J’ai un peu trop banalisé la chose. J’ai regagné confiance en moi, mais ma manière de m’alimenter en a pris un coup.
Salimata, 18 ans, étudiante, Paris
Illustration © Léa Ciesco (@oscael_)
En soirée, évitons le danger
Faire la fête, c’est cool. En limitant les risques, c’est mieux ! Si vous et/ou vos ami·es consommez des drogues en soirée, voici quelques recommandations pour réduire les risques :
– Boire régulièrement de l’eau, en petite quantité
– Éviter de consommer seul·e, plutôt avec des personnes de confiance qui prendront soin de vous en cas de problème
– Espacer les prises / les verres
– Ne partager aucun matériel d’injection et utiliser du matériel stérilisé pour éviter la transmission de maladies
– Éviter de mélanger plusieurs substances. À noter : l’alcool amplifie l’effet des drogues
– Faire attention à la composition des produits : beaucoup de drogues sont coupées avec des substances dangereuses.
Et surtout : ne prenez pas de substances sous pression. Personne n’a le droit de vous forcer à vous droguer.
→ Pour avoir le détail des effets des différentes substances et obtenir des conseils pour réduire les risques, l’association Techno Plus vous informe ici.
→ Si votre consommation vous inquiète ou si vous avez des questions, vous pouvez appeler Drogues Info service : 0 800 23 13 13. Il existe aussi des consultations gratuites et anonymes. Voici la liste en Île-de-France.
En cas d’urgence, appelez le 15 ou le 18