Raphaël P. 18/05/2022

5/5 Me saper pour mieux m’accepter

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Raphaël a dépassé ses complexes en jouant avec les vêtements de sa sœur et un peu de maquillage. Depuis, il « brille ».

Quand j’avais 10-11 ans, je ne m’aimais pas du tout physiquement : ma taille, ma masse musculaire, mon visage que je trouvais trop enfantin, ou encore mes cheveux que je trouvais moches et qui, peu importe la coupe, ne me plaisaient pas.

L’arrivée au collège, le palais de la critique et des méchantes remarques, n’a rien arrangé. Je me trouvais des petits complexes. Mes pieds me paraissaient trop petits, puis trop grands. Je me sentais petit par rapport aux autres, filles ou garçons. Et j’étais carrément en sous-poids, en matière de muscle comme en matière de masse graisseuse. J’avais aussi des problèmes de cœur (que j’ai toujours aujourd’hui). Bref, je n’aimais pas du tout mon physique.

Heureusement, en trois ans, tout a changé. Entre ma cinquième et ma troisième, j’ai pris vingt-cinq centimètres, ce qui m’a permis de dépasser tous mes amis. Et mon style vestimentaire a beaucoup changé. Ce changement m’a beaucoup apporté : psychologiquement, socialement et physiquement.

Ma sœur m’a supplié pour me saper

En cinquième, je m’habillais sans faire attention, en prenant un jean par-là et un t-shirt par-ci et… bam, j’avais ma tenue pour le lendemain. Ma sœur me suppliait depuis deux mois pour me saper mais j’avais toujours refusé. Mais, comme elle n’arrêtait pas d’insister, j’ai accepté pour la journée du mercredi, puisqu’on avait cours que le matin.

Donc elle a fait ma tenue qui, au départ, ne me plaisait pas vraiment, car je n’assumais pas d’aller au collège habillé comme ça. Par peur qu’on se moque de moi. Je portais un jean coupe droite et un pull oversize noir rentré dans mon pantalon sur un t-shirt noir. Tous les habits étaient à ma sœur, sauf le t-shirt qui était à mon père.

Un bête de style

Finalement, je n’ai eu que très peu de mauvaises critiques (à part des gros débiles sans avenir qui portent que des survêtements Puma assortis au gilet et qui pensent avoir un semblant de style, mais je n’ai rien contre eux, je vous assure). On m’a dit que j’étais habillé « comme un PD », « comme une fillette », et que j’avais pris les habits de ma sœur (ce qui est un peu vrai). Ce qui ne veut strictement rien dire, car je pars du principe qu’aucun vêtement ne doit être genré. Aucune tenue ne doit être réservée aux filles ou aux garçons.

De l’autre côté, plein de gens sont venus me voir pour me dire que j’étais bien habillé. Les compliments m’ont beaucoup aidé à surpasser et à faire abstraction des remarques désobligeantes. On m’a dit que j’avais un bête de style, que ça m’allait trop bien et que je devrais m’habiller comme ça plus souvent. J’ai pris confiance en moi.

Le crayon noir sous les yeux

Ma prise de confiance s’est traduite par une évolution progressive de mon style. Je tente de nouvelles choses, comme le sweat sous la chemise à manches courtes. Même psychologiquement, ça m’a aidé, j’arrive plus facilement à parler devant les gens. Je me sens mieux car j’ai l’impression qu’on ne me juge plus pour ma tenue (sauf par les gros débiles, je le répète). Je teste également des choses que je n’aurais jamais faites il y a quatre ans, comme le crayon noir sous les yeux qui donne un effet ténébreux. Il y a quelques années, je n’aurais jamais osé mettre du maquillage, même léger.

Depuis, je m’habille toujours avec un mélange de deux styles et deux époques : décontracté des années d’aujourd’hui (jean large, oversize) mais chic des années 80-90 (col roulé, chemise, polo). Je suis maintenant en troisième et je m’inspire beaucoup des tenues de ma sœur ou je crée tout simplement la mienne, sans m’inspirer de qui que ce soit. Pour dénicher mes vêtements, je n’achète que très rarement des habits dans les magasins. Je trouve la plupart sur Vinted ou dans les friperies pour deux raisons : c’est plus écologique et moins cher.

Je brille dans la lumière

Depuis que j’ai changé mon style, on me dit : « Il faut que tu fasses du mannequinat, t’es trop beau, t’es parfait » (bon j’exagère peut-être un peu). Rien qu’au début de cet atelier d’écriture, j’avais fait mon meilleur outfit (col roulé noir, chemise blanche, jean large bleu foncé et veste universitaire verte et noire). Je me sentais mal à l’aise et une fille qui s’appelle Clara m’a dit que j’avais un « putain de flow »
(ses mots, pas les miens) et je me suis tout de suite détendu (merci à elle).

Série 1/5  – La plus grande source d’inspiration de Gloria : sa sœur. Elle la contemple avec admiration, dans l’espoir de lui ressembler un jour un peu.

Capture d'écran du premier épisode de la série, écrit par Gloria S. : "Ma soeur, ce modèle de féminité".

Mon changement physique, plus mon changement de style, m’ont permis d’oser, de tenter, de sortir de ma coquille et de m’accepter. Et dire qu’il y a trois ans, je me cachais dans l’ombre des autres qui brillaient et j’avais beaucoup de complexes. Aujourd’hui, c’est moi qui brille dans la lumière, avec tous mes défauts et tous mes complexes, que j’accepte et que je ne cache plus. Et attention, le spectacle va commencer.

Raphaël, 14 ans, collégien, Melun

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

L’adolescence en sons et en images

Pour traverser l’adolescence ou se replonger dedans, voici une courte série de recommandations de choses à voir, lire ou écouter :

 

• PODCAST – Entre de Louie Media

Dans ce podcast en trois saisons, de jeunes ados racontent cette période qu’elles et ils traversent, entre l’enfance et l’âge adulte. L’école, l’amitié, la puberté, les parents, l’amour… tous les pans de leurs vies sont passés au crible. La dernière saison interroge dix jeunes garçons d’horizons différents pour tenter de répondre à la question : « C’est quoi être un garçon en 2022 ? »

 

• FILM – Tomboy de Céline Sciamma

Laure est une jeune fille de 10 ans, perçue comme un « garçon manqué ». Arrivée dans une nouvelle école, elle décide de se présenter comme un garçon à une élève et essaie de garder tant bien que mal son secret pour que son identité ne soit pas révélée. Un long-métrage sensible sur la construction du genre à l’adolescence et sur la transidentité.

 

• BD – Les cahiers d’Esther de Riad Sattouf

En sept tomes, Riad Sattouf retrace le quotidien du personnage d’Esther, une jeune fille drôle et pleine de vie, de ses 10 à ses 16 ans. En attendant de les lire, les deux premiers albums ont également été adaptés en vidéos animées et sont disponibles gratuitement sur la chaîne Youtube Les cahiers d’Esther.

 

• DOCUMENTAIRE – Adolescentes de Sébastien Lifshitz

Pendant cinq ans, le réalisateur a suivi deux amies, aux milieux sociaux et aux trajectoires différentes, sur leur chemin vers la vie d’adulte. On découvre ce qu’elles sont devenues à 18 ans, à l’échelle de leur vie et de leur relation. Et on se replonge dans les moments forts qui ont traversé le pays depuis 2015.

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