Issa S. 09/06/2022

2/4 Mon travail mérite plus de respect

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Agent de propreté, Issa subit les critiques et les remarques, de la part de son entourage ou des filles qu'il drague.

Je suis agent de propreté. J’adore mon métier mais ce qui me démotive, c’est que les autres pensent que c’est un métier fait pour les personnes déjà âgées, celles qui n’ont pas fait d’études, ou encore pour celles qui sortent de prison. Un jour, un homme est venu me trouver au sous-sol d’un garage et m’a dit : « Tu es trop jeune pour faire ce travail. Il n’y a pas d’avantage ni d’avenir, tu n’y arriveras pas en restant dans ce domaine. » Ça m’a marqué !

Les agents de propreté ne sont pas respectés sur leur lieu de travail. Par exemple, quand on est en train de nettoyer des escaliers, personne ne nous dit « pardon », « excusez-moi » ou « désolé », ni ne nous demande s’il est possible de marcher, ou si ça dérange. Quand une surface ou des escaliers sont salis pendant qu’on est en train de les nettoyer, on ne peut pas les laisser comme cela, on est obligés de recommencer avant de partir. Au lieu d’attendre une ou deux minutes avant de traverser un couloir humide, les usagers passent sans même nous dire bonjour. Ils salissent tout et il faut recommencer. Cela nous oblige à faire deux fois le travail… et on n’est pas payés pour !

Au fond, ça fait mal

Mes amis se moquent de moi à cause de mon travail. Quand on finit de manger, ils me disent systématiquement en me regardant : « La femme de ménage est là pour nettoyer le sol et laver les assiettes ! » Je les regarde, je souris, mais au fond ça fait mal.

Quand on sort pour draguer, les filles me demandent ce que je fais comme travail. Une fois, j’ai répondu que je faisais du nettoyage. Alors, la fille m’a dit qu’elle me trouvait beau mais qu’elle ne pouvait pas sortir avec moi. Je lui ai demandé pourquoi. Elle m’a dit qu’elle ne voulait pas que ses potes sachent qu’elle sort avec un mec qui fait agent de propreté. Ce jour-là, j’ai eu honte, j’ai eu envie de changer de métier.

Mais moi, j’aime mon métier, j’y trouve de la satisfaction. J’aime quand c’est bien fait. J’aime me mettre au service des autres, répondre à leurs besoins… Par exemple, à l’hôpital, je contribue à sauver des gens : avant l’opération, je dois désinfecter la salle d’opération et tout le matériel. En maison de retraite, avec les personnes âgées et vulnérables, je me sens utile car je désinfecte leurs chambres pour éliminer les microbes.

Agent de propreté, un métier nécessaire

C’est un métier technique. Il y a des méthodes à respecter, il faut être rigoureux. Il faut savoir utiliser des machines et des produits dangereux. Par exemple, il faut connaître la technique du bio-nettoyage pour les chambres d’hôpital, l’agent et son matériel ne doivent pas être sources de contamination, je porte des gants et une tenue professionnelle. Pour être efficace, je commence toujours par le haut en descendant vers le bas, du plus propre vers le plus sale. J’ai appris tous ces protocoles et ces savoir-faire, je me trouve utile et je sens que les gens commencent à me respecter. Depuis le Covid, les gens ont appris que c’est un métier nécessaire et ils nous respectent davantage.

Série 3/4 – Comme la plupart de ses collègues, Steph est étranger. Il juge son travail sous-payé par rapport à la dureté des conditions.

Au pied d'un escalier avec rampe, on voit un agent de propreté en pantalon de travail bleu et ganté, qui porte un seau avec essoreur. Dans les airs, on aperçoit trois feuilles de papier qui volent.

Aujourd’hui, je drague les filles sans complexe. Dans ma tête, elles ne sont pas mieux que moi. Et j’ai décidé de ne jamais cacher mon métier. La fille qui voudrait sortir avec moi, bienvenue, et celles qui ne veulent pas, ciao ! Car je n’ai pas l’intention de me mentir sur ce que je suis, ni à moi-même, ni aux autres.

Issa, 19 ans, apprenti, Marseille

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Hommes et femmes de ménage

Un métier précaire…

– Le salaire horaire brut médian pour un·e agent·e d’entretien est de 11 euros, quand il atteint 15,2 euros pour l’ensemble des salarié·es du privé.

La moitié des employé·es sont à temps partiel et cumulent plusieurs emplois. Elles et ils doivent gérer des horaires fragmentés. La plupart d’entre elles et eux sont amené·es à travailler de manière isolée très tôt le matin ou tard le soir, ce qui nuit à leur santé et à leur sécurité en cas d’accident.

 

… dangereux pour la santé…

6 salarié·es sur 10 sont exposé·es au risque chimique. L’exposition aux saletés et aux risques infectieux est particulièrement importante, sans compter les nuisances que peuvent générer les locaux industriels.

– Les risques physiques comme les chutes sont élevés. Un tiers des arrêts de travail concernent des lombalgies, causées par les postures contraignantes dans des lieux étroits.

 

… qui surexpose les personnes étrangères et non diplômées.

Un quart d’entre elles et eux ne sont pas de nationalité française. En plus de subir la précarité du secteur, elles et ils peuvent également être confronté·es au racisme de leurs patron·nes ou client·es.

44 % des salarié·es dans ce secteur ne sont pas diplômé·es, soit près de la moitié.

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