3/4 Un métier sous-payé et réservé aux étrangers
Je suis apprenti en alternance en hygiène, propreté et stérilisation, à Marseille.
J’exerce ce métier depuis trois ans. Au tout début, j’ai cru que c’était un métier facile et que comme son nom « le nettoyage » le laisse penser, ne comportait pas vraiment de technique. En effet, je me suis dit : « Je le fais déjà chez moi. Pourquoi ça serait compliqué ? » À ma grande surprise, j’ai découvert qu’il y avait même une école pour ça.
Malheureusement, certains pensent que ce métier est fait pour des citoyens de deuxième catégorie. Ils disent qu’il rabaisse. D’autres considèrent que ce métier est un échec, ils le trouvent vraiment misérable et pauvre. Le fait que les gens nous voient comme des incapables nous impacte moralement et même souvent physiquement. Beaucoup font des critiques négatives mais n’ont jamais cherché à savoir l’importance de ce métier… Pourtant tout le monde aime quand c’est propre !
Quasiment que des étrangers
La manière dont certains clients et usagers nous parlent et nous regardent est déplaisante, et c’est triste. J’entends : « Lui il est si jeune pour faire du nettoyage », « Tu aimes ce métier ? », « Bah moi j’aime pas du tout car c’est du n’importe quoi ». Le regard des gens nous blesse. Dans la rue, quand je porte mes vêtements avec le logo d’une entreprise de nettoyage, les passants font des écarts pour m’éviter, comme si j’étais sale à voir, ou à approcher. Souvent, quand je nettoie des entreprises, des usines, j’enlève mes vêtements professionnels et je garde mes propres vêtements pour ne plus me sentir stigmatisé. Lorsque nous portons nos tenues de travail, on ne nous témoigne aucun respect. Le respect revient lorsqu’on enlève nos tenues.
Un jour je me suis posé cette question : « Pourquoi en France, c’est seulement les étrangers qui font le ménage ? » Je n’ai quasiment croisé que des étrangers dans ce domaine professionnel. Je n’ai presque jamais rencontré d’agent d’entretien qui soit d’origine française. C’est un métier classé comme réservé aux étrangers.
D’ailleurs dans ma classe, sur 17 élèves, on est une très grande majorité d’origine étrangère. Je trouve pas ça net car chaque jour, je vois à la télé des gens qui sont au chômage alors que dans ce domaine, ça recrute jour et nuit !
Sous-payé pour un double-travail
Les hommes et femmes de ménage font tout pour accomplir leur mission, satisfaire leurs différents employeurs. En retour, ces personnes reçoivent un salaire de misère et pitoyable entre 900 euros pour 20 heures de contrat et 1 300 euros pour 35 heures.
C’est peu car nous sommes confrontés tout le temps à faire un double-travail et dépasser les heures. Je donne un exemple : trois sites à faire en sept heures de temps, c’est impossible mais on est obligés. On nous dit : « Débrouillez-vous comme vous pouvez, mais faut que tout soit fini aujourd’hui » et la scène se répète chaque jour. Il y a des employeurs qui profitent, qui exploitent, alors qu’en retour, leurs employés ne reçoivent pas de prime.
Série 4/4 – Pendant sa première alternance, Jean a subi les remarques désobligeantes de plusieurs clients et de son patron. Il pense à changer de métier.
Le salaire est une misère alors que le travail est très pénible. Il faut se réveiller à 5 h du matin, parcourir plusieurs sites par jour, effectuer un bon travail sur chaque site, sans repos. Nous avons souvent de la fatigue musculaire, et même de la fatigue morale. Nous subissons du stress, notamment pour finir les différents sites à l’heure. Pour des braves qui se battent jours et nuits pour rendre la société toute entière propre et vivable, c’est vraiment des conditions pénibles !
Steph, 19 ans, apprenti, Marseille
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)
Hommes et femmes de ménage
Un métier précaire…
– Le salaire horaire brut médian pour un·e agent·e d’entretien est de 11 euros, quand il atteint 15,2 euros pour l’ensemble des salarié·es du privé.
– La moitié des employé·es sont à temps partiel et cumulent plusieurs emplois. Elles et ils doivent gérer des horaires fragmentés. La plupart d’entre elles et eux sont amené·es à travailler de manière isolée très tôt le matin ou tard le soir, ce qui nuit à leur santé et à leur sécurité en cas d’accident.
… dangereux pour la santé…
– 6 salarié·es sur 10 sont exposé·es au risque chimique. L’exposition aux saletés et aux risques infectieux est particulièrement importante, sans compter les nuisances que peuvent générer les locaux industriels.
– Les risques physiques comme les chutes sont élevés. Un tiers des arrêts de travail concernent des lombalgies, causées par les postures contraignantes dans des lieux étroits.
… qui surexpose les personnes étrangères et non diplômées.
– Un quart d’entre elleux ne sont pas de nationalité française. En plus de subir la précarité du secteur, elles et ils peuvent également être confronté·es au racisme de leurs patron·nes ou client·es.
– 44 % des salarié·es dans ce secteur ne sont pas diplômé·es, soit près de la moitié.