2/2 Mon bâtiment à l’abandon avant sa destruction
Au début, ce n’était rien de grave, juste quelques fois où ils ne nettoyaient pas l’ascenseur, des trucs comme ça. Après, ça s’est empiré : ils ont arrêté de répondre aux demandes des habitants. Certains avaient des problèmes de chauffage ou d’humidité. J’habitais à Épinay-sur-Seine, dans la cité des Presles. Le logement était bien, mais vu qu’ils ont décidé de détruire le bâtiment, ils ont arrêté de s’en occuper.
Moi, j’étais dans le bâtiment du gardien. Là, ils s’en occupaient, il n’y avait aucun problème. Mais les autres voisins en parlaient avec moi. Petit à petit, plein de gens ont commencé à déménager parce qu’ils en avaient marre. Et le propriétaire a arrêté de loger de nouvelles personnes. Ils voulaient vider le bâtiment.
Ensuite, ils ont officiellement annoncé qu’ils allaient le détruire. Ils l’avaient écrit sur une feuille affichée à l’entrée et avaient envoyé des lettres pour dire qu’ils enclenchaient une procédure de relogement. Ils ne nous ont pas dit quand. À ce moment-là, on a fait une demande pour déménager auprès de la mairie, mais les procédures prenaient grave du temps. On avait demandé plusieurs villes où on souhaitait habiter mais ils nous avaient dit d’attendre, qu’ils nous contacteraient eux-mêmes.
Les procédures sont longues, le bailleur force à partir
Les procédures prenaient du temps, du coup le bailleur voulait forcer les gens à partir. Ils ont carrément fermé le parking, il n’y avait presque plus de place où se garer, c’était relou !
Une fois que les bâtiments se sont vidés, des gens ont commencé à se poser là-bas. Des jeunes du même quartier en ont profité. Dans mon bâtiment, ça allait : on connaissait les gens et ils respectaient mais, dans les autres, les habitants n’avaient pas cette chance, c’était grave dur.
Chaque fois qu’ils descendaient de chez eux, ils sentaient l’odeur de la fumée, de la pisse et tout. Et le soir, il y avait beaucoup de bruit. Ils n’arrivaient plus à dormir et même quand ils en parlaient à la mairie : aucun changement.
Un an à attendre le relogement
Carrément, à la fin, il n’y avait même plus de gardien. Juste une sécurité qui s’occupait des appartements vides. C’est à ce moment-là qu’on a eu des réponses pour un nouveau logement.
On a visité et on a déménagé à Gennevilliers en septembre, un an après avoir fait la demande… Je connais encore des gens qui habitent là-bas et c’est toujours la même chose. Encore pire pour certains, car les logements ne sont toujours pas entretenus et les halls encore plus squattés.
Il y en a qui n’arrivent pas à se faire reloger parce que ce qu’on leur propose est trop petit ou ne répond pas à leurs attentes. D’autres font appel à des sociétés privées pour se faire reloger, parce que la mairie ne sert à rien.
Ramzy, 18 ans, lycéen, Gennevilliers
Crédit photo Map data © 2022 Google
Le mal-logement en France
Une promesse non tenue
Depuis plus de vingt ans, les propriétaires sont obligé·es de mettre à disposition de leurs locataires des logements décents. Mais selon le bilan dressé par la fondation Abbé-Pierre sur le quinquennat Macron, la crise du mal-logement a renforcé les difficultés des plus précaires. En puisant dans les APL, c’est près de 15 milliards d’euros qui ont été ôtés aux plus modestes. Alors que l’objectif était de construire 120 000 logements sociaux en 2021, seulement 104 800 ont été financés.
La santé en péril
Plus de 2 millions de personnes vivent dans des logements privés de confort en France, soit l’équivalent de la population parisienne. Pas d’eau courante, de sanitaires, de chauffage, de cuisine. Vivre dans l’un des 600 000 logements indignes affecte aussi la santé physique (allergies, inflammations de la peau, infections pulmonaires, etc.) et la santé mentale (anxiété et dépression). Dans certains logements insalubres, l’exposition au plomb met en péril la santé des plus jeunes : 5 333 enfants de 1 à 6 ans sont atteint·es de saturnisme.
Réquisitionner pour reloger
Alors que 300 000 personnes vivent sans logement, 3 millions d’habitations sont inoccupées. Face aux inégalités, l’association Droit au logement (DAL) lutte depuis 1990 pour réquisitionner et faire habiter les logements vides. En 2011, l’émission Strip-tease a suivi quelques jours le travail d’une poignée de vieux punks et de marginaux, à Lille. Ces « tontons squatteurs » occupaient alors un bâtiment public pour y reloger des familles.