Mwasi S. 12/12/2022

2/2 Jusqu’à 22 ans, je n’ai rien payé

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Après avoir vu ses parents tout sacrifier pour sa réussite, Mwasi a enfin décroché son premier job. Mais elle culpabilise.

J’ai grandi avec une cuillère en or dans la bouche. Beaucoup de jeunes de mon âge ont déjà cumulé plusieurs expériences professionnelles. Je vis dans un quartier où la plupart d’entre eux doivent subvenir aux besoins de leurs familles, car elles n’en ont pas les moyens. J’aurais voulu être comme eux : comprendre tôt la valeur de l’argent, être indépendante.

Pendant ce temps-là, j’allais en vacances l’été, et le reste du temps je restais chez moi à traîner sur internet. Mes parents me prenaient en charge. Ils tenaient à ce que je réussisse, dans les meilleures conditions possibles : je suis leur fille unique. Comme je vivais à leurs crochets, je ne me souciais pas de la suite. Je ne savais même pas quoi faire plus tard. J’ai perdu des années à ne rien faire et à profiter, au lieu de préparer sérieusement mon avenir. J’ai vécu dans un conte de fées. La chute a été très violente.

Les sacrifices de mes parents

Mes parents ont grandi dans un milieu rural, à l’étranger, où il n’y avait ni eau courante ni électricité. Ils ont peu étudié et ont commencé à travailler dès leur adolescence. Arrivés en France, ils ont tout repris à zéro et se sont rapidement installés. Ils tiennent à me surprotéger pour ne pas que cela m’arrive.

Mais je n’avais pas conscience de tous les sacrifices qu’ils faisaient. Un jour, en écoutant une conversation, j’ai découvert qu’ils s’étaient lourdement endettés depuis de nombreuses années, à cause de moi. Ils ne s’offraient jamais de cadeaux et ne se faisaient pas soigner quand ils le devaient. Ils m’ont absolument tout payé depuis ma naissance. Je culpabilise beaucoup.

Chaque mois, mes parents me donnaient un peu d’argent de poche. Je dépensais tout très vite en choses futiles, du genre des vêtements ou des livres. J’avais beaucoup de temps pour m’amuser, rencontrer des gens, découvrir de nouveaux centres d’intérêt. J’étais plus sereine pour réussir mes études, quand d’autres galéraient en fin de mois.

« Vous n’avez jamais travaillé ? »

J’ai commencé à chercher du travail après l’obtention de mon BTS . Le jour où j’ai su que je l’avais, mes parents m’ont fait comprendre qu’ils ne me donneraient plus d’argent comme avant. Que je devrai être indépendante, une fois que j’aurai trouvé un boulot. Ça m’a soulagée. En même temps, ça m’a fait peur. Je n’allais plus être un fardeau pour eux mais, d’un autre côté, c’était la fin de mes privilèges.

À 22 ans, je ne savais pas ce que je voulais faire comme travail. Je cherchais dans mon domaine d’études, qui est très vaste. Mes camarades de promo ont tous trouvé assez rapidement. Entre ceux qui ont travaillé dès leur adolescence, et ceux comme moi qui n’ont jamais rien fait, le choix était vite fait pour les recruteurs. J’ai eu droit à plusieurs réflexions du type : « Vous n’avez aucune expérience professionnelle, je ne vois pas ce que vous pouvez faire, nous n’avons pas de garderie ici » ; « Vous avez 22 ans et vous n’avez jamais travaillé ? »

Enfin, je suis indépendante

Un an plus tard, après une centaine de candidatures sans réponse favorable, c’est par le biais d’une annonce Indeed que j’ai trouvé mon emploi actuel en CDI. Au début, j’étais très stressée. J’avais peur de mal faire. Je posais toujours plein de questions. Au fil des mois, j’ai pris confiance en moi et je me suis ouverte aux autres.

Mon rapport à l’argent n’est plus le même. J’épargne pour m’acheter une voiture et un appartement pour enfin quitter le domicile de mes parents, où je vis toujours. Maintenant, je suis fière d’être indépendante financièrement.

Mwasi, 22 ans, salariée, Saint-Ouen-l’Aumône

Crédit photo Pexels // CC cottonbro studio

 

 

Travailler avant 18 ans ?

En France, tu peux travailler dès l’âge de 16 ans. Seule obligation : tu dois y être autorisé·e par ton ou ta représentant·e légal·e. Il y a des conditions strictes à respecter : travailler pendant les vacances scolaires, pas plus de 35 heures par semaine, et être payé au moins 80 % du Smic. 

Tu ne peux pas travailler n’importe où : il faut que ce soit dans une entreprise de spectacles ou de cinéma, une société ayant un lien avec les jeux vidéo, ou dans la mode. Tes tâches doivent être légères, sans risque pour ton développement, ta sécurité, et ta santé.

En 2020, 4,7 millions de jeunes vivent encore chez leurs parents. Moyenne d’âge : 22 ans. Pour les trois quarts d’entre elles et eux, la raison n°1, c’est qu’elles et ils n’ont pas les moyens de partir s’installer seul·es.

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